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BEIHEFTE
ZUR
ZEITSCHRIFT
FÜR
ROMANISCHE PHILOLOGIE
HERAUSGEGEBEN
Dr. GUSTAV GROBER
PROFESSOR AN DER UNIVERSITÄT STRASSBURG I. E.
I. HEFT
L. SAIN^AN, LA CREATION METAPHORIQUE EN FRAN^ATS ET
EN ROMAN
HALLE A. D. S. VERLAG VON MAX NIEMEYER
1905
LA
CREATION METAPHORIQUE
EN FRANgAIS ET EN ROMAN
PAR
LAZARE SAIN^AN
DOCTEUR ES-LETTRES, LAUREAT DE L'INSTITUT
IMAGES TIREES DU MONDE DES ANIMAUX DOMESTIQUES
LE CHAT
AVEC UN APPENDICE SUR LA FOUINE, LE SINGE ET LES STRIGLENS
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HALLE A. D. S.
VERLAG VON IMAX NIEMEYER
1905
PC
-X
Table des matieres.
Pag. Avant-propos I
Introduction 2 — 4
Premiere Partie: Noras et cris du chat. I. Le latin cattus et ses vicissitudes; Considerations chronologi- ques (5); Hypoth^ses sur l'origine du mot (6); Formes romanes de cattjts (7). II. Cris et gestes du chat: Cris pour l'appeler et le chasser (8); Le miaulement et ses inflexions (8 ä 11); Valeur psychique des cris et gestes du chat (11). III. Les noms hypocoristiques du chat: Importance de cette nomenclature (12); Loi d'alternance vocalique (12); Echange des labiales (13); La reduplication (15); Noms enfantins du chat (15 ä 21); Noms argotiques (22); Origine des noms hypo- coristiques (22 ä 23); Remarques morphologiques {24); Temoi- gnages litteraires (24 ä 25).
Deuxieme Partie: Sens des noms du ehat.
I. Sens romans de cattus 26 — 32
II. Sens de ses derives 32 — 39
III. Les composes romans de cattus: Importance du sujet (39); Composes proprement dits (403,45); Composes par synonymie (46 ä 49); Composes latents (49 ä 53); Controverses sur leur origine (54); Conclusion (55).
IV. Sens des noms hypocoristiques 55 — 68
V. Composes des noms hypocoristiques 68 — 71
Troisieme Partie: Metaphores usees.
I. Vie physiques (Parties du corps) 73 — 75
IL Vie morale (Hypocrisie, flatterie) 76 — 77
III. Vie psychique (Gaiete, melancolie) 77 — 79
IV. Superstilions 79 — 82
V. Applications techniques 82 — 83
VI. Ironie populaire 83 — 85
VI
Appendice.
pag.
A. La fouine 86—88
B. Le singe 88 — 96
C. Les strigiens 96 — 117
Notes compl6mentaires 118
Bibliographie 119 — 122
Index des notions relatives:
a) au chat 123 — 126
b) ä la fouine 126
c) au singe 127
d) aux strigiens 127 — 128
Index des mots 129 — 148
Table des noms g6ographiques 148
Table des matiSres V — VI.
Avant -propos.
La metaphore embrassant toutes les manifestations de la pensee, on pourrait dire que son domaine se confond avec celui de la langue elle-meme. Dans ce vaste ensemble, le monde des animaux, des animaux domestiques surtout, se r6vele d'une grande fecondit6 pour les recherches 6tymologiques. Compagnons de l'homrae, ses associ6s dans la vie quotidienne, les animaux domesti- ques furent de bonne heure observes par lui; leurs cris, leurs allures, leurs penchants, notes avec Sympathie, trouverent une ex- pression dans la langue et fournirent des images qui constituent un des plus ciurieux chapitres de l'histoire de la langue chez les peuples romans. Ici se manifeste principalement la fertilite de rintelligence populaire, la spontaneite de ses cr^ations linguistiques.
Ce monde bien vivant est, dans ses representants les plus familiers, le chat en premier lieu, l'objet de cette etude. Un travail ult^rieur sera consacr6 au chien et au cochon, un troisieme et dernier au betail et ä la volaille de basse-cour. On possedera ainsi, dans un tableau d'ensemble, la somme des id6es que les peuples romans ont SU tirer du monde des animaux domestiques.
Ces etudes s'appliquent ä toutes les langues romanes, mais le fran(;ais en constitue le fond, parce que, seul, il possede un historigue, point de ddpart meme de notre travail. Nous avons largement puis6 dans les patois, principalement dans ceux de la France et de ritalie. Apres avoir depouill6 les principaux recueils dialectaux, nous avons eu la bonne fortune d'etre mis en rapport avec M. Gilli6ron, et de pouvoir controler les donndes flottantes des anciens patoisants par Celles de l'actualite vivante. Avec le noble de- vouement ä la science qui caracterise ce grand travailleur, il a bien voulu mettre ä notre disposition les materiaux inedits de son Ailas litiguistique de la France. Nous avons tire un parti inesti- mable des tresors accumules dans cette magnifique publication, qui marquera une date dans les 6tudes d'6tymologie fran^aise.
Nous adressons nos meilleurs remerciments aux patoisants et aux romanistes qui ont bien voulu nous renseigner sur les noms enfantins des animaux domestiques (matiere qu'on trouve rarement dans les livres): MM. Ed. Edmont (Saint -Pol), Ch. Guerlin de Guer (Calvados) et I. Jeanjaquet (Suisse romande), R. Menendez Pidal (Espagne), M™^ Carolina Michaelis et J. Leite de Vasconcellos (Portugal). Nous remercions tout particulierement notre eher ami, M. Joseph Bedier, qui s'est donne la peine de lire ce travail en manuscrit et d'en rendre la forme moins imparfaite.
Paris, novembre 1904. L^^^re Sain6an.
Beiheft zur Zeitschr. f. rom, Phil. I. i
Introduction.
Les etudes d'^tytnologie romane ont certainenient fait, depuis Diez, d'incontestables progres. Non pas que de nouvelles avenues aient et6 ouvertes ä la science etymologique, mais les principes poses par le maitre ont 6te approfondis et 61argis, particulierement du cote du latin vulgaire, qui, Studie avec une veritable predi- lection, a grandement contribue ä faire de la phonetique romane un instrument d'une merveilleuse precision. L'empressement et la virtuosite avec lesquels se poursuit l'etablissercent des types vulgaires pour chacune des langues romanes ne laissent pourtant pas d'etre inqui^tants; car, autant le proc^de, comme exp6dient empiriquej se revele legitime et fecond lorsqu'il s'agit de l'ensemble des idiomes romans, ou du moins des mots appartenant au fond meme de ces idiomes, autant il devient arbitraire et dangereux, lorsqu'il s'applique ä des termes modernes ou r6cents. II suffit de parcourir le re- pertoire de Koerting, qui en donne l'image la plus fidele, pour etre frapp6 du caractere ä la fois problematique et vain de cette latinite chimdrique, et de la sterilite des efforts d^penses dans cette direction.
Cest que tout d'abord on ne tient pas assez compte de la Chronologie. Les mots les plus v6nerables d'une langue et ceux d'une date plus ou moins recente sont jet6s dans la meme balance, et on s'efforce de rattacher les uns et les autres ä la meme origine. Faire deriver, par exemple, maraud, qui date seulement du XVI ^ siecle, du latin marem, homme, ou d'un type rnalaldus (Voir Koerting), est non seulement une hypothese gratuite, mais une erreur de mdthode. Multiplier ici les exemples de ce genre serait superflu, attendu que notre travail fournira les specimens les plus remar- quables de ce mirage etymologique.
D'ailleurs, la raison de ces tentatives doublement illusoires, comme point de depart et comme conclusion, est plus profonde. Dans la division courante des mots en mots populaires et mots savants, ou dans la r6partition adoptee en AUemagne, en mots h6rcditaires, empruntes ou etrangers, on constate une grave lacune dont la mcconnaissance, en enrichissant le lexique latin-vulgaire d'une foule d'intrus, a empcch6 de comprendre tout un cöte de
la langue. Nous voulons parier de la part d'originalite inhärente ä chaque idiome, de l'elaboration incessante des materiaux linguisti- ques, de l'apport des patois, du langage vulgaire, du langage en- fantin, de tout cet ensemble d'agents createurs qui constitue ä coup sür l'element le plus interessant et le plus vraiment national d'une langue.
En fran^ais, ce courant createur, completement independant du latin, se fait sentir des le XIII ^ siede et ätteint son apogee au XVP, siede föcond entre tous, en idees et en expressions, et dont l'oeuvre de Rabelais offre le plus puissant exemple. C'est alors surtout qua les termes patois se predpitent de tous les cöt^s dans la langue, y prennent radne pour la plupart et s'acdimatent, malgre leur humble origine, dans le nouveau milieu oü ils se trouvent transplant^s. Devenus meconnaissables, isoles de leurs modestes congeneres par un changement scmantique, leur origine s'obscurdt jusqu'a devenir ä peu pres impenetrable.
Ces mots patois appartiennent ä la langue meme; ils sont les cr^ations des masses, des hommes de tout äge, meme et surtout des enfants, creations qui t^moignent de la spontaneite de I'esprit populaire, ainsi que de son incessante activit6. Et ce n'est pas notre longue intimite avec la vie et la psychologie du peuple qui nous fait voir par un prisme grossissant ce travail perpetuel des foules sur le fond dejä existant de la langue, car des travaux tout recents ont fait ressortir ce contingent eminerament populaire qui l'emporte souvent sur le bien h6rit6, sur la tradilion latine.^
Pour mettre en un relief encore plus saisissant l'element cr6ateur du langage et sa merveilleuse force d'expansion, nous avons choisi comme premier sujet d'etude le nom d'un animal qui n'a qu'une faible attache avec la latinite de la decadence et dont le d^veloppe- ment semantique, etant post6rieur au XII ^ siede, tombe dans la Periode purement nationale de chaque langue romane. Cet exemple, du reste, se prete parfaitement ä illustrer la double tendance psychologique que nous venons d'exposer : d'un cöte, le travail mental des masses populaires sur une base donnee {le latin cattus); de l'autre, l'elaboration parallele et integrale de la meme notion par une Serie de veritables creations (les noms hypocoristiques de l'aniraal). Ces ^16ments rudiraentaires ont ensuite germe dans tous les sens et enrichi le lexique de tout un monde d'idees et de mots. La metaphore, cet agent puissant de l'evolution linguistique, apr^s avoir fait pousser les germes, leur a comrauniqud la vitalite et le mouvement.
L'6tude de la metaphore linguistique est ä peine effleuree. Le seul ouvrage a citer, celui de Brinkmann {Die Metaphern, 1878) releve plutöt de la litterature. L'auteur se borne le plus souvent
^ Voir la monographie de Tappolet sur les Noms romans de parente (1895) et Celle de Zauaer sur les Noms romans des parties du corps (1903), encore que ce dernier omette la nomenclature vulgaire et enfantine.
A comraenter les proverbes pour en dcduire „l'esprit des langues modernes". La point de vue philologique disparait devant l'ana- lyse litteraire.i
Notre 6tude est purement linguistique, mais nous n'avons rien n^glige de ce qui pouvait eclairer le sujet. C'est ainsi que nous avons mis a contribution le folklore, l'epopee animale et la fable, les observations des naturalistes, enfin les differents ecrits sur la vie psychologique et sociale des animaux domestiques.
* La dissertation de Bull (Die französischen Namen der Haustiere in alter und neuer Zeit mit Berücksichtigung der Mundarteti, Berlin, 1902) est une simple Enumeration des noms fran9ais des animaux domestiques et les mentioDs paloises j' sont insignifianles. Cf. encore Fr. Bangert, Die Tiere im altfranzösischen Epos, Marburg, 1885.
Premiere Partie.
Noms et cris du chat. I. Le latin cattus et ses yicissitudes.
1. Le chat doraestique est entre relativement tard dans Tin- timite de la vie enropeenne. Las Grecs et les Romains de l'epoque classique l'ignorent; leurs fabulistes le remplacent tantöt par la belette [yciXi], musield) et tantöt par le chat sauvage [alXovQoq,., felis). A la fin du premier siecle de notre ere seulement, on voit apparaitre le mot catta, et cela au beau milieu d'une serie d'epi- grammes de Martial (40 — 103), dans lesquelles il est question d'oiseaux comestibles. „Jamals l'Ombrie, s'ecrie le poete (XIII, 69), n'a produit les chattes que nourrit la Pannonie":
Panonicas nobis nunquam dedit Ombria cattas . . .
II faut franchir deux siecles et arriver vers l'an 250, pour trouver une autre mention de la chatte, dans la Vulgate (Baruch, VI, 21): „Noctuae et hirundines et aves, similiter et caUae." Ce passage pourrait ä. la rjgueur servir de commentaire ä l'epigramme de Martial: dans Tun et dans l'autre, la chatte se trouve rangee aupres d'animaux plus ou moins sauvages.
L'existence an latin vulgaire de caf/a, au premier siecle, ne saurait etre mise en doute. La persistance du mot en daco- roumain, sous la forme diminutive cäitusia, en est la preuve: catu^a, aujourd'hui propre au macedo-roumain et au transylvain du Nord (oü il est atteste des le XVII ^ siecle) est certainement le plus ancien nom de la chatte en daco-roumain , oü les noms hypocoristiques mt^ä (Moldavie) et pisicä (Valachie) sont venus s'y ajouter plus tard. Son existence pan-roumaine est encore demontree par cer- tains sens figures toujours vivaces, et dont le principal est celui de „menottes, fers". Cette acception metaphorique est 6trangere aux idiomes slaves, mais on la retrouve en hispano-portugais: gatillo, petit chat et crampon.^
^ Deriver catü^i, fers (pl. de catti^a, chatte), du pol. kdtust, chambre de tortiire (litt, maison du bouneau), comme le fait eucore recemmciit Dcnsusianu (Histoire de la langue roumaine, I, 385), est une pure impossibilitc: l'acccDt et le sens s'y opposent ^galement.
Quoi qu'il en soit, ce n'est que vers le milieu du IV ^ siecle que la forme caltus parait chez un ecrivain rustique, Palladius, avec sa fonction neltement raarquce [De re riistica, IV, q) : „Contra talpas prodest catos (var. cattos) frequenter habere in mediis carduetis." Le m6me role de preneur de souris est attribu6 ä catltis dans deux passages de X Anthologie laiine. Un sens purement technique, machine de guerre, sens qu'il gardera pendant le moyen äge, est attache au meme mot chez l'^crivain militaire V6g^ce (IV, 35): „Vineas dixerunt veteres quas nunc (au IV ^ siecle) militari barbari- coque usu catlos vocant." Dejä les anciens d6signaient certains appareils de guerre par des noms d'animaux tels que aries, cu7Ü- ctilus, corvus, 7nusculus, scorpio, testudo.
Enfin, et nous nous plaisons ä relever ce premier temoi- gnage d'intimite entre l'homme et le chat, le diacre Jean, ecrivant vers l'an 600 la vie du pape Gr^goire le Grand (540 — 604), en cite le trait suivant (II, 60): „Nihil in mundo habebat praeter unam catlam, quam blandiens crebro quasi cohabitatricem in suis gremiis refovebat." Dans la suite des temps, plus d'un grand homme a temoigne le meme attachement profond pour le chat.
Voilä ä peu pr^s les textes qui, pendant les six premiers siecles de notre ere, presentent le mot catlusS A partir de cette epoque, deux t^moignages contemporains nous renseignent suffi- samment sur le caractere vulgaire du mot. D'un cöte, l'ecrivain bysantin Evagrius Scholasticus, qui vivait ä Epiphanie, en Ccele- syrie, vers la fin du VI^ siecle, nous apprend (IV, 2-^ que l'usage vulgaire, la 6vv?'j9^eia, de son temps substituait xdrra ä aiXovQOg; de l'autre, l'eveque espagnol Isidore de Seville (m. 636) affirme, dans ses Origines (XII, 2, 38): „Musio appellatus quod muribus infestus sit; hunc vulgus caittim a captura vocant." C'est pendant le moyen äge qu'on voit surgir le premier nom hypocoristique du chat, musio ou miisius, dont l'origine enfantine^ sera d6montree plus loin.
2. Les divers temoignages qu'on vient de rapporter ne nous apprennent rien sur l'origine meme de caiius. Les hypotheses etymologiques modernes se sont portees dans deux sens differents. On s'est tout d'abord efforce de rattacher catitis au latin, tendance qui se fait deja jour dans l'etymologie d'Isidore rapport^e plus haut. De notre temps, Hehn avait admis, dans les premieres editions de son livre, que caiius etait une appellation populaire ayant le sens de petit animal, „le petit", repondant ä caiulus; mais il aban- donna plus tard cette opinion pour s'arreter ä une hypothese encore moins probable, d'apres laquelle caitus serait un mot ger-
* Voir aussi Sittl, dans V Archiv für lat. Lexicographie , V, 133 et suiv.
2 Wölfflin {Sitzungsberichte der Bayr. Akademie, 1894, p. II 3), se ralliant ä l'etymologie d'Isidore, voit egalement dans musio une formaüon nouvelle pour murio.
manique passe en roman.^ D'autres fönt venir le mot du celtique. Stokes, par exemple, postule un type katto-s, qu'il raet en rapport avec le nom ethnique gaulois Catli ou Cha/li, dont Grimm avait d^jä rapproch6 le neerlandais hesse, chat, ainsi que le nom des Hessois. Et Schrader est enclin a combiner les deux hypotheses et a considerer le mot comme celto-germanique.
II est certain que caltus, absolument isole en latin oü il apparait d'une fa9on presque mysterieuse, fait penser ä une de ces creations linguistiques sans histoire et refractaires a toute analyse. Le gothi- que ignore le mot, et sa pr^sence tardive (apres le VII ^ siede) dans les idiomes celtiques et germaniques exclut toute Hypothese d'un emprunt de la part du latin. D'un autre cöte, la raerveilleuse expansion du mot n'est pas moins surprenante. Non seulement les noms du chat dans les familles celtiques, germaniques et slaves, peuvent remonter ä un type catlus, dont ils d^rivenl directement dans toutes les langues romanes, mais les memes noms, dans les idiomes semitiques et fino-turcs, pourraient ä la rigueur y etre r6duits, II reste pourtant un r6sidu irrdductible (cf. le nouba kadis, chat, dans le domaine de l'ancienne Ethiopie), et l'alternance vocalique du nom, en germanique et en arabe,'- complique encore le Probleme.
En somme, apres avoir examind les diverses hypotheses touchant l'^tymologie de catlus, on se voit contraint d'avouer qu'on n'en sait absolument rien. On ignore et la provenance du nom de l'animal et les modes de son voyage autour du monde. D'ailleurs, il serait etonnant qu'il en füt autrement, puisque les naturalistes ignorent ^galement la souche du chat domestique, son lieu d'origine et son expansion. La linguistique, tout ä fait im- puissante a rdsoudre le probleme, l'abandonne a la science de la nature.
3. Voici les reflets gallo-romans de cattus, caila^:
Au Nord: ca, co (f. caie), cou (Somme), keu (Pas-de-Cal.), kye (f. kyete) Namur, ty^, tchyi (Liege), Ü (f tele) Marne.
Au Centre: cha (f. chaie) et Ouest, cM (f. chete) et Est, ä c6t6 de tcha (f. tchaie), tche (f ichete), isa (f. tsate), tse (f tsUe), tso (f. tsote)\ sta, sß {i. siHa) Savoie, ä cöte de (a {t fafa) et /a {f./afa), sa (f. sa/e) Dordogne.
Au Sud: ga [l gato), a cöte de ca {L ca/o), cha, tcha, isa (f. chato, tchato, tsato).
1 Hehn, Kult urpß amen und Haustiere, VI^ ed. commentee par Schrader, Leipzig, 1901, p. 447 h. 455.
2 Cf. angl. Mt, minet, allem. Kitze, i\ c6t6 de l'anglo-saxon cat (atteste des l'an 800), aha. chazza, mod. Katze, et kutz\ cri pour le chasser; de meme, arabe kitt (XIV e s.), ä c6t6 de kouttous (XV e s.) et de la forme vulgaiie moderne katt.
8 D'aprSs V Atlas linguistique de la France. Notre transcriplioii se rapproche autant que possible du fran^ais.
II est ;\ rernarquer qne chatte s'est ddfinitivement substitue au rnasc. chat dans les Vosges et en Lorraine: la forme feminine semble en effet chronologiqiiement antdrieure, comme le montre le lat. catia et le roum. cätu^ä (cf. aussi allem. Katze).
Le type cat- se rencontre au Nord et au Sud (Gase, Lan- gued.) a l'etat pur; au Centre, avec l'initiale sifflante comme en Limousin, en Auvergne et ailleurs (Val Soana ciat). Ce type, qui se refiete encore dans le roum. cätu^ä,^ revient sporadiquement en Italie (cf. Abruz. catta, ä cöte de gatta ou jatta), oü domine la forme parallele gat-, comme dans le midi de la France et dans le reste du domaine roman (it. gaito, rdto-rom. gat, ghiat, dyat, sarde gattu, ghiattu, giütlii; esp.-port. gato). C'est un d6veloppement phonetique normal dans ces regions, et la coexistence des deux formes est encore vivace en Gascogne et en Languedoc.
II. Cris et gestes du chat.
4. Les cris dont on se sert pour appeler les chats sont gen6rale- ment tires des noms memes de ranimal. Ainsi, en fr.: mmi-mini! 7ninet-?mnet ! minot-minotl (ä St.-Pol: vii7ie-mine! vii-minoute!), qui repondent a l'it. : mitii-mini! micco-micco! muci-muci! et ä l'esp. : viis-misino-viis ! viino-mis! {mini-tnizo!), mus-mus! (Galice mico-mico! 7nichviho - michinJio ! et L6on michin-michin!). Certaines de ces formules ont pourtant garde la forme primitive du nom hypo- coristique, tandis que la langue generale l'ignore ou n'en connait que la forme ddriv^e: cf. d'un cöte, le galic. gache! inconnu ä. l'espagnol, et de l'autre, le port. bich-hich! bichinho-bichinho ! qui conserve le primitif bich, minet, lä oü le port. ne connait plus que le ddrive bi'chano, chat.
5. Les cris servant ä chasser les chats: pss-pss! {pch-pch!) St.-Pol, pse! Mil., /i/jj-^m./ Montbel. etH.-ltalie (esp. bis-bisf cri d'appel), puxe! Galice, et piss-piss! Roumanie (dans la H.-Bretagne, cri d'appel). De lä, quelque noms enfantins de Tanimal: Parme biseii, rainet, repondant ä FaÜem. äj.? (Buse, Bizi); le valaque /»/j/cä, chat, dimin. de pisä (cf. alban. piso, minet), repond ä l'angl. puss {pussj>); cf. tamil puset, kurde pishik, afghan. picho, pers. pouchek.
Ensuite, Mil. ghicc-ghkc\ (= gatto! gatto!), esp.-port. zape! fiite! ä cöte de ox-te! aba-te! Abruzz. f rüste {friste)! Certains de ces cris s'appliquent egalement aux chiens: Calvados ksi-ksi! Sic. chiss-chiss! [ghiss-ghiss!), Naples ci~ci!, tandis que l'esp. casc! (quesc!) sert plutot ä appeler la bete.
6. La forme primordiale du miaulement est presque mono- syllabique: mi-mni\ Plus tard, cette plainte monotone s'amplifie de toute la gamme vocalique, et, dans une troisieme phase, sa forme linguistique s'achfeve par l'addition d'un certain nombre de
^ Le masc. cotoc, cotoiü, matou, derive du slave kotü, id.
consonnes, principalement des liquides. Les nombreuses mödu- lations et inflexions de ce cri caracteristique, suivant le sexe et les etats d'äme du chat, 6chappent naturellement a toute transcription; mais les patois ont essaye de tourner la difficulte ä l'aide de multiples approximations. Voici les premieres formes linguistique- ment ^iabor^es, en remarquant que chaque modulation est susceptible d'une forme renforcee par l'addition de la semi-voyelle y, et d'une forme mouillee par l'absorption du meme son:i tnawer Luxemb. (mais il niyo), myawer Vosges, gnatver Malm6dy; myayer [gnyayer) Loiret, myetver Lux., viyowva H.-Loire, myowga'^ Lozere. La forme vosgienne, myawer, est la plus ancienne que connaisse la langue litteraire, dans Renard le Nouvel (6d. Houdoy, v. 3200):
Et Tibiers 11 cas est enclos En le dispense; ä miawer Frist si haut c'on l'o'i tout der Ou garding . . .
7. Ces formes ont subi de nombreuses araplifications, par l'addition de consonnes simples (/, n, r, d, s) ou composees [nd, rl, etc.). De lä:
L: myaler Jura, Vosges, etc. (au midi: miala), mawler Hainaut (midi: mätiJd), my aoler {myaivkr) H. -Marne, Liege (midi: miäuld) et gnaiüler Liege (Gase, gnäula) ; m^ola Charente (Albi begotila) et myeouJa H.-Garonne; myoler Jura, etc. (midi: miold) et myouler Nievre (midi: mtoula, anc. pr. miular); cf. Suisse allem, mauebi.
N: myatmer Cöte-d'Or, etc. (midi: miand), myaontier Berne, Jersey (midi: niiäima), myatugna Alpes-Mar. (Nice 77iieugna, Auv. mihind) et gnaiügna\ myotmer Vosges, etc., myouna Vend6e, etc., a cote de myona; cf. Bourn. m'nana et anc. fr. mynotver (Bibles- worth, ap. Godefr. : Chat viynowe, serpent ciphele).
R: viyarer Aoste (Sav. miärd), myaivra H.- Alpes, et myoiira Basses-Alpes; mirawi Namur; cf. allem, murren,
D: myawder Sarthe, myoder Maine-et-Loire, myouder Vcnd6e; cette forme se rencontre au XVP siecle (Du Bellay, Epitaphe d'un Chat) :
Ains se plaignoit mignardement
D'un enfantin myaudement.
S: myaousi Luxembourg; cf. allem, mauzen (= tnauen). ND: my ander Orne, Mayenne. RL: myarler Charente, Allier. RN: maronner Nord.
* D'apres V Atlas linguistique (note dor^navant par A^\ les formes
meridionales mises entre parentheses sont puis^es dans Misti;il et dans Piat.
2 L'insertion de z/ et de ^ pour cviter l'hiatus, ä l'inslar de l'it. ntiago- lare et miavolare.
lO
8. Cc tablcau, bien qu'il soit loin d'epuiscr la richesse des inflexions du miaulement, peut ccpendant en donner une idce assez exacte. 11 conticnt la plupart des types auxquels on pourrait simplcment renvoyer les autres formes romanes: it. miagolare et gnaulare {ei. viyozvga et gnawler), miavolare et dX^X. gnavolare (cf. f/ivozvva), Sic. miauUari (cf. myaivkr), Genes miägna (cf. mieugna), Piera. gnaogne (cf. gnaugfia); esp. maullar (cf. 7natvler), mayar (cf. ffiyayer), miagar (cf. myowga), port. ?niar ou mear (cf. // myo)\ engad. viiular (cf. 7nyotiler); rom. miaiinä (cf. viyaonner) et miorläi (cf. myarkr).
9. Corame les modulations du miaulement se rapprochent plus ou moins du cri de l'äne, de la chevre, du cochon, du chicn particulicrement, l'expression linguistique du grondement se con- fond parfois avec des verbes synonymes appliques:
ä l'äne: braire (Morbihan, etc.); cf. Genois rägna (Napl. regnok- jarc), miauler et braire (sens special au parmesan);
au bceuf: Meurthe-et-lNIos. boualer, Dröme bhila, propr. beugler; cf. May. jniaiider, miauler (des chats et des jeunes veaux) et Abr. inauld, miauler et beler (cf Abr. Tagnelle maule) ;
au chien: Nievre, Yon. etiler (= hurler); cf. Sav. mioida (miäuna, miäura), miauler et aboyer, Mil. mugola et Napl. gualiari, id.;
au cochon: Pas-de-Cal. otngtier, propr. grogner, etc.
Ou bien, ce grondement est rendu par des verbes au sens general, tels que:
brailler: Morbih., Neufchät. brailler', port. berrar, bradar (cf. gato berrador, bradador, syn. de gato miador)\
bramer: Ardeche bramä\
crier: Ille-et-Vil. crier;
gueuler: Vosges, Meuse gaoler;
piailler: H.-Marne piailler\
pleurer: Doubs py eurer.
Le miaulement se rapproche encore de la voix de certains oiseaux, tels que le milan, le hibou (cf pr. la machoto fai ?niau), etc.
10. Le miaulement revet une forme differente lorsqu'il exprime un etat passionne, l'amour ou la colere. Pour appeler le male, la chatte pousse le cri caressant rou-rou! ou m'rou-m'rou! De lä: fr. router (routonner), Liege raoter et raoler (cf Suisse allem, räulen), INIay. rwaoder (Sarthe rwoder), Yonne rouaner\ esp. fnarrar (morrar) et roum. ?näräi; ou eile pousse des cris combines: pr. rou?niao (roumo- roumiau, ramamiau), maragnau; Sic. mamm (mamau), viarramamau (gnarragnanau); esp. maumau, marramizar, ce demier employe par Lope de Vega {Gatoinaquia, I: Y al tiempo que los dos marra- mizaban . . .); cf Suisse allem, viurmau {= ?m'au).
Dans la colere, le miaulement est bref, precede d'un gronde- ment sourd et rauque: pr. graumela, graula (greula), raugna, re- tniaunia (remoumia); Pas-de-Cal. roniyonner, Sav. rioler. Lorsque,
II
irrite ou eflfraye, le chat jure (comme on dit), c.-a-d. releve ses levres dans un rictus qui decouvre ses dents, il fait entendre une Sorte de crachement ff . . . pff . . ., traduit ^ds f euler (Dxömefyala), faire foute-foute (Calvados), repondant au Sic. affutari et au Lim. espotifida {cf. ^Wera. fauchen, pfuchzeii).
11. Le ronron, ce roulement continu et monotone qui se produit dans la gorge du chat, fait penser au bruit d'un rouet en raouvement: de Iz, filer (Vendee: filer son rouet), ii. far le fusa, faire les fuseaux, ou tornire, travailler au tour (roum. toarce), Piem.
fe le spole, devider, Abr. 'ndruva, filer, ou fa V urghene, faire le bruit de la toupie, Berg./a 'nda 7 carel, Andal. hacer el carreton', ou des formules plaisantes telles que dire son credo (Vendee), dire son paier (Pas-de-Cal.), dire son chapelet (Savoie).
Le terme ronronner ou filer son ronron a pour correspondants patois: faire son rou (Loire) et faire son rou-rou (Puy-de-D6me), de meme es\). arrullar (marrullar); ensuite, pr. ramia (roumia), Berr. rominer (rouminer) , Vendöm. rander, pr. rend (Lim, rana), rouna (Sav, ronner), rounca [rounga, rangoula), roufa (roufla, rounfla), Pi6m. ronfe, port. rufenhar (tocar o rufo), et pr. ressä, propr. imiter les mouvements des scieurs de long (it. russar „ronfler"), ä cote de grhila (= crier comme le grillon). Remarquons, enfin, que le ronron se confond souvent avec le grondement dejä mentionne (cf. Suisse rotinna et pr. rougna, Berg, frtmfnma, etc.).
12. Quelques mots sur la valeur psychique de ces cris et gestes. On a remarque plus haut que le miaulement offre des mo- dulations aussi nombreuses que variees, suivant le sentiment qui anime le chat. Pour demander sa nourriture, par exemple, les 7niaou sont d'abord doux et pressants; si on la lui fait attendre, ils s*accentuent et atteignent un diapason tres elev6, sans cesser de garder l'intonation de la priere caressante. Pour appeler ses petits, la chatte se sert du cri tres doux et tres tendre rou . . . ?>iia, qu'elle prolonge en fermant ä demi les yeux; pour appeler le male, eile pousse encore le cri caressant m'rou . . . nirouou, mais avec une intonation plus energique et moins tendre que Celle qu'elle prend pour ses petits; dans les rencontres nocturnes, ces miaulements deviennent des cris aigus imitant presque des cris d'enfant au berceau.
La plus grande satisfaction du chat s'exprime par le ronron', avide de caresses, il ne sait, pour les queter, quel tour inventer: il va, vient, haussant la tete, faisant le gros dos (expression pass6e en proverbe) et se frölant contre la personne qu'il affectionne. Effraye ou irrite, le chat ne miaule pas, il jure et herisse ses poils ou se courbe en arc, haussant un dos menayant.
Les jeunes chats sont tellement remuants, qu'a peine leurs yeux ouverts, ils se mettent a jouer, executant les sauts les plus singuliers et les mouvements les plus gracieux. Ces sauts et ces gambades auxquels se plaisent les minets comme les petits enfants,
ne restent pas ctrangers au chat adulte que l'on voit souvent, en pleine maturite, courir et cabrioler avec mille tours apr^s sa queue, Oll n'importe qiiel objet qu'on agite devant lui. Ce trait charmant a ctc saisi deja par un des auteurs du Roman de Renart (ed. Martin,
11,667):
Tiebert le chat qui se deduit Sanz conipagnie et sanz conduict, De sa coe se vet joant Et entor lui granz saus faisant.
III. Les noms liypocoristiques du chat.
13. Les appellations du chat, appartenant ä cette seconde catcgorie, sont tres nombreuses. Elles temoignent de l'importance sociale de ranlmal et de la profonde Sympathie qu'il a su inspirer ä l'homme. Ces noms de tendresse sont propres aux enfants et au langage populaire, ce qui explique leur frequence dans les patois et leur rarete dans la litterature. Leur interet etymologique n'en est pas moins tres grand, car ils ont enrichi la langue litteraire d'une foule de mots qui y sont restes gräce ä l'oubli de leur humble provenance.
Le langage enfantin a jusqu'a present attire l'attention des psychologues plutot que des linguistes, et les renseignements que nous devons ä ceux-ci, sont encore insuffisants, surtout au point de vue lexicologique;i mais, d'ores et d(^jä, on entrevoit la con- tribution föconde que ces etudes sont appel6es ä apporter ä l'6tymo- logie, en faisant ressortir ce cöt6 original et universellement humain.
Un certain nombre de lois g6nerales dominent ce genre de creations ainsi que l'ensemble des formations imitatives. Nous ne pouvons que les effleurer ici, afin de faciliter la comprehension des faits ulterieurs.
Sous le rapport phonetique, l'alternance vocalique (i-a-o) contribue ä donner ä cette catdgorie de mots une variete sur- prenante, laquelle a deroute jusqu'a present les 6tymologistes. On peut y ajouter, comme complement, l'alternance consonantique des labiales m et b.
Sous le rapport lexicologique, la tendance a la r6duplication lui fournit un moyen autrement fecond pour (Stendre son domaine.
a) Lei d'alternance vocalique.
14. Une loi generale qui domine toutes les formations d'origine enfantine, permet aux mots de cette categorie de parcourir toute
1 Nous nous bornons ä eiler un seul document, ties important par l'exactilude de )a nolation linguistique, les Notes sur Vappre7itissage de la parole chez un enfant, par le patoisant feu Ch. Roussey, instituteur ä Paris (dans La Parole de 1899 et 1900).
13
l'echelle du vocalisme sans que la modification de la voyelle radicale entraine necessairement un changement correspondant de sens. G^neralement, cette alternance s'arrete aux trois voy alles fonda- mentales: i, a, ou\ mais, souvent aussi, eile se borne aux deux premieres (cf. it. bimbo et bambo, enfant). Trfes souvent aussi, ces imances vocaliques ont et6 utilisdes comme autant de moyens se- mantiques, ce qui a permis de preciser les sens primitivement multiples des termes enfantins.
L'alternance vocalique dont il s'agit ici, n'a rien ä faire avec l'apophonie indo-europeenne: c'est un phenomene d'un ordre plus universal qui ne concerne que la voyelle radicale, et qui, comme proc6de g6n6ral du langage, peut se retrouver partout ailleurs. Diez mentionne seulement [Gratnmaire, I, 65) „les locutions pour la plupart interjectives, formees de deux ou trois parties oü se suivent les voyelles i, a, ou, ou ordinairement les deux premieres seules"; mais il rattache ä tort cette apopJionie romane a „l'usage germanique excitant les Romans a l'imiLation".
Ce n'est que tout recemment que cette apophonie speciale aux termes d'origine imitative, a commence a appeler l'attention des linguistes. M. Grammont en a donne une exposition tr^s claire, en l'appliquant aux mots ä dedoublement de formation onomato- p(§ique. 1 Nous en tirerons parti dans l'examen 6tymologique des noms enfantins du chat, et pour le moment nous retiendrons cette bonne constatation: „Les mots onomatopeiques obeissent servilement aux lois phonetiques qui dominent les autres mots de la langue ä laquelle ils appartiennent, meme si les transformations que leur im- posent ces lois doivent leur öter toute valeur expressive." C'est ce fait qui explique comment les formes linguistiquement elaborees des mots imitatifs ou enfantins se sont montrees jusqu'a present refrac- taires ä toute analyse 6tymologique.
b) Eohange des labiales.
15. Le changement de m en b n'a pas ete jusqu'ici l'objet d'une 6tude speciale. Les quelques exemples cit6s par Diez (I, 158), et qui pourraient etre multiplies, sont envisages comme des ano- malies inexpliquables.
Le phenomene parait familier au langage enfantin, Tantöt le b (/>), initial ou median, se substitue a Vnt primitif, et tantöt la coexistence, a de courts intervalles, de deux phonemes semble in- diquer leur rapport intime. Le mot mouche, par exemple, est pro- nonce tour a tour, d'apres les observations dejä mentionn6es de Ch. Roussey (les chiffres indiquent l'äge de l'enfant par mois et par jours): p{b)itchs, XVII, 30; metch, XXIII, 2; 7n^ouf, XVIII, 7; mompv {v tr^s faible), XVIII, 17; messy, XVIII, 19; pop/, XIX, 5;
1 Dans la Revue des langties romanes de 1901, notamment aux pages 100, 128 et 129.
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monch, XIX, 15; mo7i (le ch nasal a disparu), XX, 4; bouch {ch doux allemand), XXIV, 17. Donc, dans ces neuf cas, I'enfant prononce cinq fois Vtn initial qu'ii remplace quatre fois par b plus ou raoins pur. La forme m^ouf est particuli^rement interessante ä noter comme point de transition entre les deux sons. Cet empietement du b devient frappant dans les autres cas cit6s par le meme ob- servateur et qua nous examinerons brievement:
«) Initial: petsy'o (monsieur), XIX, ig, et bese! XXV, i ; pesyi (mersi), XX, 20, et mesy, XL; bouchye (moucher), XXIV, 13; back (mange), XXV, 11, et basS (manger), XXXII; batö (menton), XVI, i; balad (malade), XXVI, 20; badeu (mon Dieu), XXVI, 7; bot (montre), XXVII, 2; base (marcher), XVII, 8; bizit (musique), XXVIII, i, et muzik, XL;
/3) Median: bH (alumette), XIX, 4, et mit, XXIII, 17; pizy (chemise), XX, 4, piz et sebiz, XXXIII [a bis, la chemise, XV, 8); rahas (ramasse), XXIV, 22; back (fromage), XXVI, 16, et somaz, XXXIV; sobel (sommeil), XXXII;
7) Final: dap (dame), XXI, 29.
Ces diffdrents exemples, qui vont jusqu'au quarante-huitieme mois, terme des observations de Roussey, montrent la pref^rence pour b aux d^pens de 7fi, et ce n'est que relativement tard (cf. mersi, musique, etc.) que ce dernier reprend sa place dans la bouche de I'enfant. II ne s'agit donc pas ici d'une sorte d'incapacit6 physio- logique (la prononciation nette de maman, au prämier jour du dixieme mois, en prouve l'invraisemblance) , mais bien d'une sorte de predilection ou plutot d'affinite intime des labiales en question.
Quoi qu'il en soit, ce ph(^nomene n'est pas exclusivement propre au laugage enfantin (cf. it. bimbo et mimmo) ou aux formations onomatopdiques (cf. beugler et jneugler); certains mots courants de la langue en portent la trace (cf. mandore et pandore, esp. bandurrid), et diverses familles linguistiques trahissent la meme tendance. C'est ainsi que le djagatai ou turc oriental remplace par un b Vm initial des mots arabo-persans [inusidman y devient bousoiinnan); inverse- ment, le basque change souvent en m le b initial des mots em- prunt^s au roman : magina y remonte ä vagina et ?naino ä bailo. ^ Le breton, pour citer un exemple plus rapproch^, n'est pas moins curieux ä cet 6gard, et le ph^nomene n'a pas echapp6 aux cel- tisants : „Un m ne se change pas en b, mais tous deux se changent en V en mutation douce et sont alors expos6s ä. se confondre accidentellement". 2
Cette explication nous parait insuffisante, surtout lorsqu'on tient compte de I'universalite du phenomene. En realit6, ?n se change
1 Voir Zeitschrift, XVIII, 139.
2 Ernault, cite par V. Henry, Lexique etymologique du breton moderne, Rennes, 1900, p. 23. Ou y releve, enlre autres exemples, beut pour le lat. mentha.
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directement en b, p, v (cf. dimi, dial. dnmet), Sans avoir besoin d'intermediaires: bonirer, pour montrer, est familier a tout l'Ouest, et it. musica devient en comasque buseca, comme dans le langage enfantin (Voir plus haut). Las noms hypocoristiques du chat oifriront des exemples autrement importants ä l'appui de cette tendance generale du langage,
c) La reduplieation.
16. La r6petition de la premiere syllabe du mot a toujours 6t6 regardee comme un trait distinctif du langage enfantin, et cette tendance continne ä etre vivace (cf. fifille, viimlre). Le redouble- ment fournit aux enfants une ressource des plus precieuses qui leur permet, tout en disposant du meme fonds de syllabes primor- diales, d'accroitre leur capital d'idees. Mais il ne faut y attacher aucune precision s^mantique. Ou a remarqu6, en effet, que les noms enfantins du pere et de la mere, dans les langues des deux mondes, sont rendus par un petit nombre d'articulations, dont le sens varie incessemment, de sorte que mavia signifie pere en georgien, et papai, mere, en araucan; nana, mere et nourrice en slave, et nhii, mere, soeur ainee, frere, grand'mere en osmanli.
C'est ainsi que nounou, qui n'est qu'un des aspects apophoni- ques de nana, est rendu par l'enfant de Roussey (XVII, 27) ä la fois par nounyo, nlni, nini, nenew, et chacune de ces formes est susceptible d'un sens plus ou moins rapproche de l'acception primi- tive: grand'mere, et subsidiairement nourrice, sens du lat. noima, qui est le meme mot.^ En Italien, fia?ma (pr. notmo) signifie „dodo" (cf. 7unna-natma) et derive de la notion de grand'mere, comme d'ailleurs, dodo lui-meme (qu'on derive, depuis Menage, de dor?nir), remonte ä la meme notion: Liege dada, grand'mere, et enfantin doudou, nounou (cf. Roussey, XIU, 23), et lait, ä Mayenne, ä l'instar de lolo, lait, en rapport avec le g6nois lala, tante, lala, grand'mere (en grec moderne). Expliquer les termes enfantins dont la majorite rentre dans la sphere des creations linguistiques universellement humaines, par des mots de la langue commune, c'est vouloir renfermer dans des cadres fig^s ce qui est extremement fluide et inddpendant du temps et de l'espace.
17. Le grand nombre des termes hypocoristiques designant le chat derive, ä quelques expressions pres, signalees plus loin, de la notion miauler, l'animal ^tant simplement con^u comme le miauleur, comme le miaou de nos enfants. Les anciens Egyptiens, non plus que les Chinois, ne l'appelaient pas autrement. Les langues romanes sont d'une richesse exuberante quant ä cette nomenclature enfantine, ayant exploild la plupart des types pho- nctiques qui rendent le miaulement et y ayant ajout6 un certain
1 Voir Herseus, dans \! Archiv für lat. Lexicogr. XIII, 149 — 172 („Die Sprache der römischen Kinderstube").
nombre d'autres, qui completent le tableau des formes expressives du chat.
De meine que tnaoii et 7nar representent des ^tapes phoniques antcrieures aux types renforces niiaou et ?mar, de meme les noms enfantins du chat ont gardd la forme primitive de la notion verbale: *maler en rapport avec mialer, *majiner avec viianner, *marer avec 7)iiarer, *tnader (cf. port. mada, miaulement) avec miader. De lä, quatre themes: 7nal, man, mar, mat (mad), qui ont servi de point de depart a. une premicre categorie des noms du chat. En vertu de la loi d'alternance vocalique, chacun de ces themes est sus- ceptible d'un triple aspect phonique, selon que sa voyelle radicale est plus on moins claire: i, a, ou (et les nuances: e, o, u). En partant donc de la voyelle claire du radical, pour aboutir ä la voyelle sombre, par l'intermediaire de la voyelle eclatante, on obtient les types suivants.
18. Premier type: MIN, MAN, MOUN (MON) ou MIGN, MAGN, MOUGN (MOGN).
a) mine, chatte, Eure-et-Loire, Deux-Sevres, Char.-Inf., Bouches- du-Rhöne; minaou, chat, Ardennes (fr. et pr. minaud, ftiinet); Mil. minau, minell (Parme mineti), Genes mi?mu, chat; mirii, minet, Berry, Berg, et Seville; ??nnm H.-Italie (esp. dial. mimno); pr. vitno, chatte, fr. viinon, chat (et Mil.), St.-Pol-ville viinoute, Saintonge mi?ioche, minet ;i
viigna, chatte, Lomb. (et mignannd)', pr. mignaud, chat; Parm. tnignen, minet, Berg, migni, H.-Italie mignin', Piem. mig'iio, chat (pr. chatte); Galice inifla (minina), minette;
menet, chat, Suisse; Piem. metio (mno), Saint, menou, minon; mnein, id., Bol., Reggio;
b) niafi, dim. vianan (f. mananna), minet, Milan; Vaud myana, chatte;
c) mouna, chatte, Fribourg (Valais viounin, minet); mouno,'^ chatte {rnoiinard, matou, et mounet, minet), Provence; mowiou, chat, Picardie (wall. Mons tiounou)',
monin, minet, Venise (esp. dial. monino)',
viogna, chatte, Milan (Berg, mognö, matou, et Venise mognin, minet).
Les noms ä la nasale mouillee (cf. viigne et jiiirie, mignon et minott) representent la forme primordiale conservee par des noms propres (Mignard, Migne, Mignet).
19. Deuxi^me type: MIR, MAR, MOUR (MOR).
a) 7>iire, chatte, Saöne-et-Loire (Isere ?ntra, Ardeche miro) et Sav. mir, matou; Lyon miroti (mirou), chat;
• Cf. Suisse allem, mitte, chatte, et les diminutifs sil^siens: minel, tnindel, minzel, minet [tnatinzen, miaiTJer).
i7
mera, chatte, Drome, Ain (Ardeche mero, Ain meura), et merou (meraou), chat, Dröme (Lorr. viraoii)', port. {mero dim.), vierenho, minet ;
b) niara, matou, Deux-Sevres, et maro, id., Cher, Indre, Creuse (transcrit: maraud), Charente marao (AUier 7naraou), Noyon marezix (Corblet), Vend6e maroii, Forez marro\
7nyaro, matou, Isere (Loiret myai'ou);
marlo, matou, Creuse (H.-Marne 7?iarIou), Vienne viarouf (et anc. fr.);
c) moro, matou,! Indre (Rouergue 7norro)\ esp. morro, dim. morrottgo (morrono, morroncho), minet.
20. Troisieme type: MIT, MAT, MOUT (MOT).
a) mite, chatte, Sarthe, Mayenne (anc. fr. mite et mitte); Rehery 7nita (Adam); Vosges mitd, matou (Poit. 7)iit07i, minet); anc. fr. mitaiid, mitou ; 2
misti, 7nisti7t, chat (Calvados: Plessis-Grimault) , a c6t6 de mistigri ou mistrique (Caen): cette Variante ^ est un compromis entre la forme precedente et le septieme type finissant en sifflante;
b) 7)iate, matou, Cantal (Ain mataou, Drome mateu, Vaud mato)', fr. 7}iatou, moderne et dial. (Cote-d'Or, Jura, etc.); matoloii, id., Fribourg;
7natre, matou, Bearn; tnatrou, Fontenay-le-Marmion (Calvados); viartou, Deux-Sevres;
7nUo, matou, Cote-d'Or;
hattu (= mattu; cf. matou), chat, Sarde (Log.), et baituli7iu, minet; cf. Suisse allem, baudi, maiidi, matou;
c) moute, chatte, Bessin (Eure moutte), mouti7t, chat, Thaon (Calvados), et 77iouto7i, matovi, Lot; cf. Bavar. mudel, minet;
77ioto, matou, Puy-de-D6me (H. -Vienne, Correze motoii); roum. 7''ota7i, matou, et mtrtaTi (^ mortan).
21. Quatrieme type: *MIL, MAL, *MOUL.
Ce type n'est represente que par le breton 77ialoiia (maloar), matou, 4 par l'esp. malo7i, chat (Menendez Pidal), et peut-etre par l'element final de certains composes proven(;aux (cf. gatimello, en rapport avec le suisse allem. zi7neli, minet, a c6t6 de zizi). II se retrouve egalement dans quelque patois allemands {Mull, matou, et Mulle, minet); cf. Bas-Gatin. bilau {= milau), chat a longs poils.
* Cf. Suisse allem. Mumter, Murrkater, matou (,,grognon").
"^ Manage a indique le premier le caracteie imitalif du nom: „Mite, pour un chat . . . c'est une onomatopce; las Espagnols disent wz'z, en appelant un chat, comme nous mite." Lope de Vega appelle une des h^ro'ines de sa Gatotnaquia (V): Miturria.
3 Communiqu^e par M. Guerlin de Guer.
* P. S^billot, Traditio7ts de la Haute- B retag^ie , 11,39.
Beihcfl zur i^eitschr. f. roiii. Phil. I. 2
t8
22. Certains sons propres au langage du chat, les gutturales par exeraple, ne figurent pas parmi les formes du verbe miaidcr. Dupont de Nemours, qui tenta de noter le langage du chat dans un merQoirei adresse a l'Institut, dit a ce propos: „Le chat a sur le chien l'avantage d'une langue, dans laquelle se trouvent les mcmes voyelles que prononce le chien, et de plus six consonnes: IV«, r«, le ^, le h, le v et Vf. 11 en resulte pour lui un plus grand nombre de mots." Les noras patois du chat confirment pleinement cette assertion. De h\, une scconde categorie des noms du chat, a finales gutturales ou sifflantes, destinees ä completer la gamme des modulations du miaulement.
Cinquieme type: MIC (MIG), MAC (MAG), MOUC.
a) mique (miquette), chatte, Jura, Bournois; Bresse viiquel, chat (Clairvaux viiquetle, nom general des chattes); mico, Ardeche et Galice, dim. miquiio (cf. allem. Micke, chatte, Suisse allem, mauki, minet, mauker, matou, de ?nauken, miauler);
?}iigon, minet, Verduno-Chalonnais;
b) 7}iaco, matou, Berry (transcrit: tncicaud), et macoti, chatte, Vend6e;
viago, matou, Allier (H.-Vienne: magao);
c) muchio (muchione), matou, Naples.
23. Sixieme type: MIS, MAS, MOUS (MOS). Ce type, etranger aux patois frangais, est familier ä ceux de Tltaiie et de l'Espagne.
a) misc (== mis), chat, Milan, et iniscin, minet; Catal. mixa (= misa), chatte; Tose, micio, micia, esp. micho, micha (dim. michinoy,
hicJio (= micho), bichaiio, chat, et bichenho, minet, Portugal;
b) mach : cette forme, qui parait etrangere aux patois romans, est familiere aux idiomes slaves (serbe viacak, matou, tcheque macka, chatte; cf. alban. et macedo-roum. macok, matou, istro-roum. viocke, chatte;
c) mucio (mucia) et miiscio (muscia), chat, chatte, Italie; esp. dial.2 muxin (Colunga) et miiixo (Zamorra);
viosc {=^ mos), chat, et rnosctn minet, Milan (Naples moscillo)', moxa (= mosa), chatte, Catalogne;
bo)tda, chatte, Toscane:3 cf. Hesse haimsch, matou, Wetterau mimsch, Pomer. 7nünz, id., ä. cöte du suisse et bavarois tjiuIz, inaulz, en rapport avec mamischen (maunzen, mauzen), miauler.
24. Septieme type: MIS, MAS, MOUS (MOS), ou MITS, etc. Ce type n'est qu'une Variante du precedent et, ä deux exceptions pres, familier aux memes patois.
1 En voir l'analyse dans Champfleury, Le Chat, p. 198.
2 Communiqu6 par M. Menendez Pidal.
' Cf. Varclii : . . . la gatta s'ha a cbiamare gatta e non mucia o honcia.
a) mis, chat, Plancher-lcs-Mines [smiss, dans l'argot parmesan) ; mtzo,'^ miza, chat, chatte (dim. inisino), Espagne; mifä, chatte, Mol- davie;2
b) 7nats: cette forme, non plus que la forme correspondante du type precedent, ne parait pas avoir de representants dans les patois romans; eile appartient egalement aux idiomes slaves (serbe ?natsa, chatte, pol. maciek, matou); cf. macedo-roum. matä, chatte;
c) vioss, chat, Ferrare; esp. 7nozo\ Sav. mezou, minet A; Piem, viosi (meusi). Tose, mogio, esp. mogi (cf. mogigato);
musso, chat, Sicile, et sarde niussi, minet; bas-lat. musio et musius, chat (Voir i), formant la premiere pousse aboutissant ä cette luxuriante Vegetation des noms d'amiti6 donnes ii l'animal.
Le primitif de musio, sous la forme miisa, revient en roman dans les composes synonymiques tels que le catal. gaiamusa, hypo- crite (chatte: cf. danois Musekate, chatte, Nemnich) et le pr. chaia- musa, colin-maillard (= chatte), composes dans lesquels vitisa a la meme valeur enfantine que Fallem. Btise, Suisse allem, chaize-husi (Voir 5).
25. Huitieme type: MARC ou MARC, particulier au Centre et au Midi de la France.
7narc, matou, H.-Saone; Vosges marcä, H.-Bret. marcaou (Creuse margaou); marco, Nievre, etc. (Correze margo), et viarcou, Loire- Inf., margou, Tarn, Aveyron (les deux derniers aussi en anc. fr.);
macro (= marco), matou, Cher, Nievre;
7nerco, matou, Cote-d'Or (Berne 7Jierga, Loire-et-Cher mergo) ;
morcä, matou, Vienville (Adam), Celles mono, et Rehery morcou (Id.); Montbel. morgou, et Plancher-les-Mines 77ioirgau (a cote de margo).
Ce dernier type exprime la notion de „gronder", commune au chat et au cochon: marcou ou margou, chat male, signifie simplement „grondeur" (cf. roum. 7niorcäi, miauler). La meme notion sert de base a deux autres noms populaires du chat: Bearn. ar7iaut (= arnö), matou, et Lille 7naho7i, id. (77iahou, Saint-Manvieux, Calvados; H.- Bret. mahon, mahonnet, chat noir): le premier n'est que la trans- formation de reTiaut (cf. pr. re7iä, ronronner et gronder, et renaire, surnom du porc), et le second une des nuances du miaulement {niüOiiTier ou myao7i7ier).
Et de meme, Cantal gar, matou, Isere gari (garri), Drome garo (garro), et Cantal garou (Dauph. chat garoti, chat sauvage, Piat): cf. pr. gort (gorri), göret, rapport qui reparait entre le fr. dial. 77iaro (marou), matou, et l'hisp.-port. marrano, cochon (cf. marowier, gronder, et 7niarer, miauler), entre TLsere miaro, matou, et le pr.
^ Covarruvias a entrevu le rapport entre miz et musio : „AI gato llamamos miz del nombre antiguo suyo inusio."
* Cf. su6d. miss , n6erl. mies, allem, fnieze (Bavar. mitz , minit), dim. miescJien, rniezchen; — alban. mitsa, russe miska; — tatare müc, etc.
20
miarro (gnarro), gorct; cf. Ban-de-la-Roche vouaÜre (Oberlin), chat male, avec le poitevin voualer, gronder.
26. Une troisieme serie de ces noms hypocoristiques d^rive de r^tat du matou en chasse de la chatte; de la:
raou, chat male,i Lorraine (cf. Plechatel (?« raou, en rut, et fr. votier, gronder), Yonne rouatit, matou en chaleur, May. rivdo (rau), a c6t6 de randoti (rwandou), id., d'oi^ randouler, se plaindre (de la chatte separee de son petit);
racdo, matou, Mayenne: la chatte est en racaut, lorsque par ses cris plaintifs eile appelle le male (Moniere); Poit. en ravaut, en rut. 2
Ou bien se rapporte au sifflement que pousse le chat en colere:
garo (jaro, zore), matou, Savoie {c\. farou, hibou);
fei, chat, Picardie („rarement usite", Corblet): ci. f euler, siffler
(du chat) et l'it. dial. felippa (filippa), primitivement chatte, conserv6
en composition (Napolit. gaitefelippe „chatteries").
27. Ailleurs, ces noms expriment des rapports ou des epithetes touchant la via physique ou morale du chat:
Croup (crup), matou, Aveyron, Tarn, propr. l'accroupi (attitude familiere au chat); c'est peut-etre la meme posture qui explique le rapport du nom du chat avec celui du crapaud: port. sape (zape), chat, et sapo, crapaud (cf. Orne cahier, chat. Du Meril, et Norm. cahot, tetard);
futin, Bessin, nom de chat: le ruse (= fute);
marpo, matou, Loire-et-Cher, Sarthe: „le goinfre" ou le „voleur" (penchants attribues au chat), sens de l'anc. fr. marpaud;
paiou, matou, Saoue-et-Loire (Valais, aussi, chat ä gros poils) ; Bearn. pato pehido, id., repondant ä l'anc. fr. patie pelue (= mitte pelue) ;
vessard, matou, H. -Loire: propr. le puant, le chat en rut ex- halant une forte odeur; cf. H.-Bret. piiaou, chat (Sebillot) et B6arn. gat piloc, chat sauvage (= chat putois).
28. Parfois, le meme nom s'applique au chat et au chien, surtout a leurs petits, ä l'instar du lat. catulus: a Isbergues (Pas- de-Cal.), chatte se dit cahtte, propr. petite chienne (anc. fr. caelei: cf. caler, chatter, et caeler, chienner); de meme, le galicien gache, chat! (cri d'appel, 4) repond ä l'esp. cacho (gacho), petit chien.
Plus rarement, c'est le nom du rat qui passe au chat (le pr. garri designe Tun et l'autre; Remois marou, chat ou rat): Engad.
' Cf. Suisjse allem, räuel, chat male, et Osnabr. ramm, matou (Souabe rammler), ce dernier en rapport avec le Dauphin, ratniä ronronner (des chats en rut): dans l'argot parmesan, le chat se dit ramogn, propr. le grondeur.
- Racaut et ravaut Eont des formes renforc^es de raaut (rwaaut) par rinserliou euphonique d'une gutturale et d'une labiale (cf. it. miagolare et miaz'olare).
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patiligana, rat (Venise pantegana^ Frioul paiitiane) et Tyrol pania- ga7ia, chat.
29. Une derniere categorie de ces noms enfantins est formee:
a) par le redoublement (integral ou simplement initial: cf. bobo et fifille): mimi, chat, fr., Romagne (cf. Pic. vii, minet), et moumou, id., Thaon (cf. Gase, mo, mono, chat), a cote de bibo et bobo, minet (Roussey, XXVI, 28); fr. mimiche (mimisse), St.-Pol mimine, fr. moumouche (et inoumoute)',
b) par l'association de deux termes differents du miaulement: mamao, minet, Venise, Mantoue (Sic. mimitt, chat); Char.-Inf. marnao, chat (Mant. W(7r^7/(7Ci, Venise morgnao); Parme, Sic. t7tarra?nau, chat, et Cöme, Mil. inignao;
c) par la combinaison du nom chat avec un des noms en- fantins: chamarao, matou, Poitou, Deux-Sevres, et chamahon, id.; Namur monichie, chat (= moute-chat): cf. Lang, rjiarrnoutin, chat, mot dans lequel se trouvent associ6s deux noms hypocoristiques.i
30. Rappeions un dernier nom caracteristique du chat, Ra- minagrobis, immortalise par Rabelais et La Fontaine. Les patois modernes l'ignorent, mais il etait encore vivace au XVII ^ siecle, suivant le temoignage de Le Duchat („A Metz et dans toute la Lorraine, le nom de raminagrobis se donne ä tous les chats mäles"), et certainement avant Rabelais.2 Ce n'est donc pas „un mot de gaudisserie que le Fran(^ois a forgö a plaisir", comme le pensait Nicot, mais bien un mot populaire, dont les Clements sont encore transparents: raminagrobis, c'est le gros chat (^gros bis) qui ronronne [i-amind). Le terme grobis,^ familier aux XV^ et XVI^ siecles, contient dans son element final un nom enfantin du chat: bis (d'apres le cri d'appel) ; et faire le grohis, c'etait faire l'important,* l'entendu (aussi faire le ramiiiagrobis), image emprunt^e a l'habitude qu'a le chat de faire le gros dos, lorsqu'il est en quete de caresses (Voir 12).
En somme, la grande majorite des noms d'amitid donncs au
^ Un nom d'amitie plus general est coco ou coquiqui, donne au chat dans une formulelte enfantine du Poitou (Bujaud, Chansons populaires des pro- ■vinces de V Ouest, 1895, 1,40): Le chat saute sur les souris, — II les croque toute la nuit, — Gentil coquiquil — Coco des moustaches, — Miro joli, — Gentil coquiquil
2 On le trouve en effet, au XV e siecle, dans la Passion de Jesus-Christ ä personnages (citc par Burgaud des Marets, Rabelais, I, 612).
ä Nemnich: grobis (groubis), chat male.
* Cf. ce passage de Rabelais (11,30: „Je veiz maistre Jean le Maire qui contrefaisoit le pape ... et en faisant du grobis leur donnoit sa b^nediction") avec cet autre de Noel du Fail, oü il s'agit d'un ignorant promu magistrat par la justice venale de l'epoque (II, 25: „Cet habile homme allant par la rue, saluant ä poids de marc et force soie sur le dos .... avec un haussement d'epaule et yeux sourcilleux et admiratifs en faisant bien le ra- minagrobis . , .").
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chat est rediictible a la notion de miauler ou a un des autres faits et gestes de la vie de cet animal.
31. Ajoutons, en finissant, les noms argotiques du chat, les proccd^s de ce langage particulier se rapprochant de ceux du parier en fantin:
griffard (grippard), par allusion a ses griffes, et plaisamment gre/fier (cf. dans l'argot militaire, chat, greffier, employe aux 6critures);
estaffier (estaffion), par comparaison burlesque avec un courrier (cf. courir comme un chat maigre);
lüvre (lapin de gouttiere): cf. chat, fr. pop. lapin, allem, dial. Böhnhase, chat (lievre des toits), angl. pussy-cat, lapin, lievre (== chat-minet) ;
Dans l'argot des chifFonnicrs : Gaspard (argot parmesan: gasper, filou, gasparar, voler);
dans l'argot bellau (des peigneurs de chanvre du H.-Jura): pcrro, chat, propr. chien;
dans celui des terrassiers de la Tarentaise (Savoie): grin „le triste", pelyu „le pelu" et tarpo „la taupe";
dans l'argot parmesan: scapen („le fourbe"); cf. plus haut /utm;
dans celui de Val Soana (Piemont): garolfo, chat, propr. loup garou („perciocche i gatti quando vanno in fregola miagolano imitando talvolta i gemiti d'uomo che muore assassinato", Dal Pozzo), et fdjma, probablement siffleur [Archivio, III, 60);
dans Target Italien: ratäta, chatte, propr. celle qui ronronne.
32. Les savants qui ont etudi6 Tun ou l'autre des noms hypocoristiques du chat, isolement ou tout au moins sans jamais en presenter un tableau d'ensemble, ont emis sur leur origine une th^orie tout autre que celle que nous venons d'exposer. Cette theorie, soutenue d'arbord par Le Duchat^ et Lacurne,^ a ete admise de nos jours par Scheler,3 Darmesteter,* Meyer-Lübke,^ et reprise tout recemment par IMarchot. 6 L'hypothese de ces savants est bien simple et se resume en la proposition: les noms enfantins du chat remontent ä des noms propres. C'est ainsi que le wall, marcou, chat male, remonterait a Marculphus, le lorr. raou ä Radulphus, le fr. matou ä Mathieu (ou Mattulphus), le dial. marlon a Marulphus.
Voila pour le fran^ais; quant aux langues germaniques et slaves, Cihac (II, go) resume ainsi les opinions de Weigand et de Miklosich: „Le slave matsa, chatte, et Tallera. Mieze, minet, se
^ Dans le Dictionnaire de Menage (au mot marcou) et dans son edition de Rabelais (III, 117: ä propos de Raminagrohis).
* Dans son Dictionnaire, au mot marcou. 3 Dictionnaire s. v. matou.
* Vie des mois, p. I09.
5 Zeitschrift, XVIII, 432.
® Grajmnaire des langues romanes, II, 480.
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rapportent aux noms de Marie (serb. Matsa et allem. Miezchen)', le tcheque tnacek, matou, öquivaut ä. petit INIathieu, et le russe viiska ä petit INIichel."
En principe, aucun animal domestique ne se trouve designe par un nom propre et le folklore con firme ce fait, car „dans les r6cits populaires, lä meme ou nous les trouvons les plus repandus . ., les animaux n'ont pas des noms propres." i II y a mi conte que tout le monde connait, le Chai-botte, et qu'on trouve dejä dans les plus anciens recueils des contes europeens, dans les Nutls de Straparola (1550), dans le Petitamerorie de Basile (1637) et dans les Contes de ma ISÜre VOye de Perrault (1697); ^ ^^ existe en outre de norabreuses variantes chez les peuples de l'Europe et de l'Asie (Polivka en a recueilli une soixantaine), et pourtant, dans aucune de ces r6dactions, le chat ne porte un nom propre. En revanche, dans une oeuvre litteraire teile que le Roman de Renart, le chat porLe un nom propre: libert, dans la redaction fran^aise, Diepreht, dans Celle du moyen age allemand; il s'agit ici de la creation d'un pofete et non de celle du peuple,
Enfin, les noms qu'on donne parfois aux animaux avec lesquels l'horame vit dans une familiarite affectueuse — tels, dans notre cas, le port. Vincente, chat, et l'esp. Bariolo, ä l'instar du russe Vaska (Basile) — ne sont jaraais devenus les noms usuels de ces animaux. Le serbe Matsa, Marie, de meme que l'allem. Miezchen, signifie proprement „minette": les gräces mignonnes de l'aniraal ont fait preter son nom au diminutif de Marie (cf. fr. Mitni et Marie, Poit. Migyiote et JNIarie); le russe miska signifie ä la fois petit chat et petit Michel, le nom propre et le nom d'amitie s'etant fondus dans la meme forme diminutive, et il suffit d'en rapprocher l'it. miscia (esp. mizcx) pour que toute trace de nom propre dis- paraisse (cf. fr. dial. michette, chatte, et Michette).^
C'est de la meme fa(;on, croyons-nous, qu'il faut envisager les interpretations de Le Duchat et des autres: les noms d'amitie donnes au chat ayant le meme suffixe que certains noms propres d'origine germanique, ils se pretaient facilement a une pareille hypothese; mais il suffit de jeter un coup d'oeil sur l'ensemble de la nomenclature pour se convaincre de son inanite. Le bearnais arnb (reno), chat, par exemple, fait immediatement penser ä Arnault ou ä Renault, comme raou ä Raoul; mais tandis que les uns sont des substantifs verbaux tires de rcnä, gronder, et de rouer, ronronner, les noms propres remontent a Arnolt, Reginolt, Radulf.
' Gaston Paris, dans le Journal des Savants de 1894 (i\ propos de Sudre, Sources du Roman de Renart).
2 Les locutions suivantes tirent egalement leur origine d'un lecit ou d'une fable: it, la gutta di Masino (== Tomasino; cf. angl. tom-cat) che chiudeva gli occhi per non vedere gli topi; B^arn. la bere gate de Faulet, douce de pate, de maulet; esp. el gato de Mariramos . halaga con la cola y arana con las manos.
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33, Ceci nous am^ne a dire quelques mots sur les Suffixes des nonis du chat: d (= aud), / (dimin.; cf. mint, misii, cati) et surtout ou, ouf (oufle).
Le Suffixe ou est caracteristique pour cette nomenclature (cf. marcouy marlon, matou, mitoii) et parait remonter ä miaou: le Pas- de-Cal. caou, matou (de ca, chat) en a subi l'influence. Cet oti final alterne tantot avec eu (cf. Ain mateu, matou, et Noyon viareu, ä cöte de rnaroii) et tantot avec on (fr. mitiou et minon, Lyon. 7nirou et })tiro}i, anc. fr. nntou et Poit. nülon).
Le Suffixe ouf (oufle) affecte, de meme, les noms familiers du chat, tels que milouf (anc. fr. initouflei), Vienne marouf, matou (cf. Holiband, Dict. fr.-angl.: un gros mar oufle signifie proprement un gros et grand chat), etc.; le sicilien gaitufu, petit chat en porte la trace. Ce suffixe, de meme que aud, a ete extrait des noms propres gerraaniques: Ernouf, Marcouf, Renouf . . . L'hypothese qui fait deriver les noms enfantins du chat des noms propres, a ete suggeree par ce fait.
34. Du riche tableau des noms familiers du chat que nous avons presente plus haut, un tres petit nombre seuleraent a eu la fortune de penetrer dans la langue litteraire ancienne ou moderne. Quelques mots sur ces privilegies entre les termes patois.
La forme ancienne migne, chatte, n'a ete conservee que par le nom propre Migne et ses derives Mignard, Mignet; celle plus moderne, mine, par son derive ininaud (Anc. Th. fr., I, 290) et par ses composes, au sens figure, comme le grippe-7ninaud („archiduc des Chats -fourres") de Rabelais, ^ le type des juges rapaces, surnom que La Fontaine a rendu au chat (VII, 16: Grippeniinaud, le bon apotre).
11 est tout naturel que des termes qualifies de bas et de triviaux ne se rencontrent pas dans les ceuvres de haute litterature. II faut descendre dans les bas-fonds litteraires du XVI ^ siecle et aborder cette ceuvre etrange qui s'appelle le Mayen de parvenir, pour y trouver, dans un dialogue bravant l'honnetete, les premieres raentions des noms familiers du chat (p. 226): „Ma mie, ma mie, dit l'abbesse, le votre n'est qu'un petit minon; quand il aura autant etrangle de rats que le mien, ii sera chat parfait, il sera marcou, viargaut et maitre juitou."
Ce dernier nom rappelle „notre maitre Mitis'' de La Fontaine, et on le rencontre deja au XVI ^ siecle, dans un serraon de Menot: „O, dicit mater, si eatis juxta illum quem vocatis le bonho?nnie, et
1 Le meme terme designe, dans le Aloyen de parvenir, le jeu enfantin connu de nos jours sous le nom de la „Bete qui monte": les meres pour amuser leurs petits enfants, leurs promenent la main, en agitant les doigts, du venire au menton, les chatouillent en repetant grippeminaut ! grippeminaut ! C'est ä ce jeu que fait allusion le passage suivant (ed. Jacob, p. 392): ,,Ces ccus sont pour vous si vous, en pouvez prendre trois poignees, ha! en disant sans rire grippeminaut ! '■'■
vocatis Miiis, comedet vos . . ." Et c'est vers la meme epoque que Bonaventure Des Periers, dans sa XXIII® nouvelle, specule sur l'origine du mot, emettant une etyraologie qu'on a repetee depuis ä satiete.i D'ailleurs, mite lui meme, dont mitis est une autre forme hypocoristique, revient dejä au XIII® siede, dans le Roman de Renart, dans un vers oü le teime enfantin est juxtapose au nom proprement dit de l'animal (XXIV, 121): „Si l'une est chatte, lautre est mite", c.-a-d. l'une et l'autre femme se valent. Les derives ancien fran^ais du meme nom, mitau et 7nitou, se rencontrent dans les Serees de Bouchet (ed. Royb^, III, 55): „Un gros initati. de chat, un jour visitant une garenne et voyant mon müoii ainsi accoustre, faisant si bien la chatemite, je n'eus le courage de le chasser."
Voila, ä peu pres, ce qu'on trouve jusqu'au XVI® si^cle en fait de temoignages litteraires sur les noms familiers du chat. Cette petite place occupee dans la litterature sera plus tard largement compensee par l'expansion des formes secondaires, des derives et composes de ces noms. Ceux-ci, perdant toute trace de trivialite, subissent un changement profond, en s'enrichissant d'idees nou- velles, et parviennent ä se faire une place dans la langue litteraire. Cette transformation s'opere gräce au travail metaphorique que nous allons aborder.
' „ ... Mitis , car vous S9avez bien qu'il n'est rien tant prive qu'un chat, et meme la queue qui est soueve quand on la manie, s'appelle sitavis.^' Voir 20.
Deuxieme Partie. Sens des noms du chat.
I. Sens romans de cattiis.
35. Le plus ancien monument oü il soit question du chat est la vaste collection des contes d'animaux qui aboutit au XIII ^ siecle au Roman de Renati, avec ses vingt-sept branches. Le chat, appele lyberi, n'y occupe pas la derniere place, et on y trouve plus d'un episode curieux de sa vie physique et morale, On a dejä men- tionne(i2) le trait charmant decrivant la gräce de ses jeux; voici maintenant un episode curieux au point de vue des moeurs du temps, celui de misire Tiberz li chaz que les vilains trouvent sus- pendu aux cordes des cloches qu'il fait sonner (XII, 1296):
Dant Tybert troverent pendant As cordes, molt l'ont conjure Que il lor die verit6, S'il est bone chose ou non.
Et le malin ne se presse pas d'eclaircir leur doute: „II ne respont ne o ne non." On voit ici un des plus anciens temoignages de la croyance populaire en la nature demoniaque du chat, considere comme inseparable du diable et des sorciers.
II fallt ensuite franchir quatre siecles (car les fables de INIarie de France n'offrent aucun trait de la vie du chat qui soit original) pour arriver ä La Fontaine, le peintre par excellence de la vie morale du chat. En somme, excepte quelques observations psycho- logiques bonnes ä retenir, il n'y a rien ou presque rien, au point de vue linguistique special qui nous preoccupe, ä glaner dans cette immense histoire des faits et gestes des animaux. Le dernier remaniement de l'epop^e, Renard le Nouvel, est, sous ce rapport, de beaucoup plus interessant. Ou y trouve mentionne le cri du chat (Voir 7) et les premieres applications metaphoriques de son nom.
Parmi les autres oeuvres romanes qui pourraient interesser notre sujet sous le rapport de sa documentation linguistique, citons le fameux Pataffio, satire tant soit peu rabelaisienne du XV ^ siecle, qu'on a atribuee a tort a, Brunetto Latini. La Crusca le compte
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parmi les monuments les plus venerables du toscan;i il faut en rabattre et reconnaitre que cet ecrit informe n'a que la valeur mediocre d'un recueil de veritables coq-ä-rfine et de bizarreries du parier vulgaire. L'auteur, tout en puisant largement dans l'argot de son temps, se montre incapable de coordonner ses pcnsees que de nombreuses allusions a des faits contemporains rendent impenetrables.
Citons encore, en passant, la Gaiomaquia de Lope de Vega (m. 1635); l'illustre poete y celebre en sept Silvas les amours de deux vaillants personnages, la chatte Zapaquilda et le matou Micifuf. C'est un brillant jeu d'esprit poetique, auquel l'auteur souhaitait une renommee universelle:
Y escucha mi famosa Gatomaquia, Asi desde las Indias a Valaquia Corra tu nombre y fama.
De l'ensemble des faits qu'on vient de rapporter se degage cette conclusion: que l'evolution semantique du nom chat ne remonte pas au-delä de la seconde moitie du XIP siede, et que, en faisant abstraction d'un cas isole, le bas-latin viusio (24*=), cette constatation nous sera d'un grand secours dans la discussion des problemes etymologiques, en meme temps qu'elle nous servira en quelque sorte de garde-fou contre des rapprochements imaginaires.
36. Le point de depart des sens figures du mot chat [chatte), dans les langues romanes, a ete une ressemblance plus ou moins frappante, une assimilation totale ou partielle au physique de l'animal ou ä l'une de ses parties. Ses griffes, par exemple, ont fourni ä la technologie l'image de tout ce qui est crochu; ses poils soyeux, a la botanique, celle des fleurs pendantes, etc. II faut pourtant ajouter que ces analogies sont le plus souvent super- ficielles, sommaires et grossieres, la precision des contours etant plutöt le caractere de l'art que celui du langage, lequel se borne ä rendre approximativement et a sa fa^on les impressions recpues du monde exterieur. Les metaphores linguistiques ne sont jamais adequates aux Images des choses, elles sont souvent flottantes et lointaines, parfois indeterminees et indeterminables. Souvent aussi le point de ressemblance, le tertium comparatioms, echappe, et, ne pouvant saisir l'image qui a produit la m^taphore, on se contentera d'in- dlquer des cas analogiques.
Dans le denombrement des metaphores tirees du nom chat, nous ferons ressortir d'abord les acceptions les plus concretes, les plus materielles, a savoir Celles qui ont un rapport plus ou moins direct avec le physique de l'animal, pour aboutir aux significations
1 On lit dans la preface de l'edition de Naples, 171 8: „11 monumento piü venerabile della lingua toscana, il codice autentico della legislazione della Crusca", et Varchi y trouve „migliaja di vocaboli motu proverbi ri- boboli, e oggi di cento no se ne intenda pur uno".
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qui se rattachent plutnt aux penchants et allures du chat, a son caractcre moral et social.
A. D'apres la forme du chat.
La nom chat (ehalte) designe:
37. En Zoologie,
a) Plusieurs especes de poissons, principalement de la familHe des squales, qui offrent la figure d'un petit chat:
alose feinte (appelee aussi „pucelle"): Royan chatte, Guy. gata (d'oü fr. gate, Oleron gatte) ;
chimere: pr. cat, fr. chat de mer, esp. galo de mar (cf. allem. Seekatze, id.);
lamprillon: Vosges cheite;
roussette: pr. cata, Venise gatta, catal. escat; pr. gat, d'oü anc. fr. gat (Belon, 1531: Un gat qui est ce qu'on nomme une roussette); it. (pesce) gatto.
b) Des insectes, notamment la chenille, dont l'aspect veloute et la conformation oblongue ressemblent ä ceux d'une chatte:
chenille: Auv. cato, Loire-Inf. chatte (Puy-de-D. chato), Bearn. gato, H.-Italie ^r7//a; cf. Pic. cahou („matou"), nid de chenille, reto-r. ghiata, ver oblong, et Suisse allem. Teufelskatze, chenille;
larve de hanneton: Guern. catte (Rolland, III, 247);
scolopendre: St. Malo chatte (Ibid.);
ver a soie: ^o\. gatt;
ver luisant: Basse- Auv. tsato,^ Ossola gata.-
38. En botanique,
a) Des plantes pourvues d'epines, ou ä la forme rampante: ajonc (arbuste a feuilles epineuses): c?ii?i\. gatosa; bugrane (plante epineuse) : esp. gata ;
Serpentine: esp. gata {ci Ome pi'ed de chat, renoncule rampante).
b) Les fleurs lanugineuses de certains arbres (chene, coudrier, noyer, peuplier, saule), comparees au pelage soyeux de l'animal, ainsi que l'involucre des legumineuses:
chaton: h. chat, pr. gato, it. gatto;
gousse (l'enveloppe con(;ue comme la larve de la plante): pr. gato, For. gatta.
c) Des arbres, dont les fleurs sont disposdes en chatons: peuplier blanc (ital. gatto).
d) Des fruits assimil6s ä. la tcte du chat: chätaigne (petite): Mayen, chatte;
^ Dauzat, dans VAnnuaire de l'Ecole des Haiites-Etudes, 1902, p. 126. 2 Salvioni, dans le KritiscJier Jatiresbericht, IV, l, 171.
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concombre (d'Egypte): fr. chaite\ cf, it. zatta, variete de melon; poire (pierreuse): fr. chat, pbi're-chat; cf. allem. Katzenkopf, id.
39. En mineralogie, matiere dure qu'on trouve dans l'ardoise: fr. chat; cf. allem. Katze, id.
40. En agriculture, petit tas de javelles dressees en forme de cöne: Pic. caou, cahou, propr. matou; dans las Vosges, prendre le chat, c'est achever la fenaison ou la moisson (Sauv6).
41. Dans la meteorologie populaire, petits nuages qui paraissent monter sur le versant des montagnes: esp. gatas, H.-Italie gattofii', cf. Bavar. Kaiz, masse de nuages sur les montagnes (ä Mecklemb., on dit des gros nuages, der büle Kater kommt) ; l'allem. vulg. assimile les vagues de la mer ä une chatte grise {graue Katze).
42. Applications techniques.
a) Outils et charpentes, ou excavations:
chevalet (de couvreur) : fr. chat (en argot : couvreur) : toit (pour abriter les sapeurs): e.s^. gaias', canal (cf. chat de gouttiere): Parme gat;
fosse (pour planter la vigne): Monferr. ^a/; cL cattus, syn. de vinea, dans Vegece (Voir i).
b) Diverses machines de guerre, avi moyen äge:
galerie (montee sur roues, poui cheminer k l'abri) : anc. fr. cat ou chat (Froissart, I, 20i: ... un grant beffroy a trois estages qu'on menoit a roues et estoit breteski6 et cuire ... et l'appeloient les plusieurs un cas);
machine ä battre les murs (ayant la tete en forme de chat): anc. pr. cata, anc. it. gatto; cf. allem. Feiierkatze , machine pour assieger.
c) Navire, et ce qui s'y rattache:
vaisseau de guerre (au moyen äge): anc. fr. chat (XII ^ s.) et chatte (XlII^), ce dernier passant en Italie {sciatta, zatta) et en Espagne {chata); Guill. de Tyr (XII, 22), trad. fr. vers 1200: „En Celle navire si avoit nefz qu'on claime chaz qui ont bec devant (= quaedam naves rostratce, quas gaios vocant) comme galies, mais elles sont greigneurs." Le bas-lat. caita, caittis {gatttis), transcription de l'anc. fr., designe un navire du genre des galeres, appelle encore dromott („coureur"): donc, vaisseau ä course rapide comme celle du chat; 1 de lä, it. gaita [gatto), vaisseau couvert, anc. fr. gat, galere (auj. dans le Roussillon, gato, barque), et fr. mod. chatte, chasse-maree servant a la peche;
1 Kemna (Der Begriff „Schiff" im Französischen, Marburg, 1901, p. 140, 183) derive le fr. chat, vaisseau, du norrois kat, id.; mais le mot germanique signifie lui-meme „chat" et represente la meme m6taphore.
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charpente (sur laquelle passe le cäble): wall. chet\ esp. gata, hune de navire;
escalier pratiqu6 dans une röche escarpee (qui conduit a la mer): h. ga/ (terrae pris au pr.); cf. allem. Kaizentreppe, redens d'un pignon crenelc.
B. D'apres les parties de son corps.
43. Par analögie aux griffes du chat, divers outils plus ou moins recourbes:
ancre: esp.-port. gaia (gato), anc. roum. catusä et vülele corabiei („les chattes du navire"), image egalement familliere aux langues germaniques (neerl. kal, angl. cat, allem. Katze) et slaves (anc. sl. koiva, Serbe macka, chatte et ancre; cf. magyar vas-?nacska „chatte de fer"), et qu'on rencontre deja dans une glose d'Hesychius (IV, 2: YQVJXEQ' ayxvgai), oü le griffen se substitue au chat, inconnu ä l'antiquite classique;
crochet (ä branches de fer): ix. chat {ä griffes), pour visiter les canons; wall, chet („chat"), engin que l'on adapte ä. la faux; cf. Hain, cat, morceau de bois posant sur deux pieds et sur son ex- tremite inferieure avec une breche de fer en tete pour enfiler la bobine; cf. \)?ia-\^.\.. gattus, uncus ferreus trifidus, et anc. pr. ^t?/, crochet {tias de gat);
grappin (servant a ramener du fond de l'eau des bouts de cäble): fr. chat, chatte; cf. St. Pol co, Hain, cat (pour retirer les seaux tombes dans un puits);
mouton (pour enfoncer): it. gatto; cf. Suisse allem. Chatz, id.;
piece de bois courbee reliant le joug au chariot: roum. catusä;
pince (pour tirer les cercles): fr. chat; cf. Dauph. chato, morceau de bois fendu formant compas et pince;
soupape (d'un soufflet): Genes gatto (do mantexo);
traverse qui relie deux pieces de bois: roum. catusä; pr. cäio, dalle (allem. Katzenhalken, faux-entrait) ; cf. bas-lat. ^a//fl, trabs lignea (G. Ferraro, Gloss. Monferr. s. v.).
44. Le pelage du chat a fourni, ä. son tour: brosse (pour nettoyer le vaisseau): Venise gatto; drap (de basse qualite): fr. chat;
duvet: Parme gat;
fourrure (de chat): anc. fr. chat (Godefr. 1386: pour les pour- filz de dessoubz douze chas);
fourrure (que les dames portent au cou): \i. gatto; cf. Suisse allem. Chatz, boa et gant fourre;
meche de cheveux (sourtout embrouilles) : Suisse, Sav. cata (Genev. catte, boucle) ; et fig. imbroglio : Romagne gatto.
45. La peau de l'animal: bourse (et l'argent qu'on y garde): esp.-port. gato (et petite outre de peau de chat).
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46. La queue du chat: fouet {{r. chat ä netif queues); cf. russe koski\ id., pl. de koska, chatte.
C. Emploi hypocoristique.
47. Terrae d'amitie qni s'adresse ä un petit gar^on, ä une jeune fille ou ä une jeune femme: fr. mon chat! ma chatte! de la:
gar<;on et jeune fille: Gase, chat, chato, qui se se sont defini- tivement substitu(^s aux lat. filius, filia (a l'instar du crapaud en wallon), de sorte que l'illustre poete de Mireio a pu ouvrir son poeme par ce vers:
Cante uno chato de Prouven^o . . .
pere et patron (qui inspire le respect): Sic. gattw, cf. argot fran^ais chat, geolier.
48. Nom de jeux enfantins oü l'on se poursuit en courant: fr. chat, pr. chata, cache-cache; dans ces jeux, on appelle chat, celui qui est oblige de courir apres les autres, celui ä qui on bände les yeux, etc.
D. Emploi euph6mique.
49. En fr. pop., on appelle chatte, une femme douillette et passionnee (cf. amoureuse comme une chatte); cf. argot angl. cat, prostituee; ensuite:
nature de la femme: fr. pop. chat; cf. bavar. Kaiz et angl. pussy, id.;
pederaste: argot fr. chatte; cf. allem. Katzenritter („dicuntur sodomitae quos Kusoxims feles pullarius appellat". Stieler); en lat., feles pullarius, chat aux jeunes gar^ons, homme deprave qui guette et corrompt les enfants.
50. Diverses locutions interjectives dans lesquelles le nom de l'animal se substitue a des termes que la superstition ou la bien- seance defend d'employer: xt.catta! {dh\. cattara ! caittda!), exclamation de colere et d'etonnement, et gatti! gatti! gare! que Dieu nous preserve! En fr.: c'est le chat! pour dire qu'on ne croit pas une excuse vraie: chatte! jamais! ce n'est pas possible! („On emploie cette expression lorsqu'on retire, en plaisantant, un objet qu'on feignait d'offrir ä un enfant", Jaubert) et ma chatte! exclamation ironique qui equivaut a : je t'en souhaite, tu peux y compter (Dottin). Cf. Suisse allem. Chätzli! pour exprimer l'etonnement ou une male- diction.
E. Epithetes.
51. Le demier terme de l'^volution semantique du nom chat est son emploi comme simple epithete, se rapportant aux penchants attribu^s ä l'animal:
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gourmand : anc. fr. et pop. chat, et fr. chatte, femme tres friande (cf. friande comme une chatte); cf fr. dial. marpo, chat (27);
ivre: catal. gat; Rom. gaila, cuite; le Sic. pigghiar la gatia, se griser („attraper la chatte") repond au port. iomar a gata, id.; cf allem. (Autriche) Katz, cuite, et eine?i Kater haben, avoir la migraine a la suite d'un exces de boisson;
querelleur (le chat etant tres enclin aux disputes): it. ga/ta, querelle et affaire scabreuse [voler la gatta, chercher noise); cf. allem, katzen, se disputer entre epoux;
ruse (cf eveille comme un chat qu'on fouette): \i. gaito (uomo), pr. cat (fin); esp. gato;
sot (cf. finaud, sot) : it. gatto, rustre ;
voleur (cf. \d^.. feles, id., et Piaute yV/^j virgmalis, ravisseur): it. gatto, esp. gato.
52. Applications isolees:
ce qui coule d'un creuset par accident, en fonderie (== esca- pade): fr. chat;
enrouement subit (on ne peut alors chanter, on miaule): fr. chat; cf. fr. pop. enrhume, qui a des chats dans la gorge;
monnaie (anc. Norm, maille au cat, monnaie qui portait l'em- preinte d'un chat): fr. argot chat, piece de cinq francs, anc. ecu de six livres.
Ce denombrement ne contient qu'une partie du ddveloppement semantique de la notion chat. Les formes secondaires, derivees et compos6es, fourniront un contingent autrement considerable, que les sens figures des noms hypocoristiques de l'animal viendront enrichir et completer.
II. Sens des dMv^s romans de cattus.
53. II est indispensable d'avoir recours ä quelques criteres generaux pour introduire un peu de clarte dans l'abondance des materiaux representant les sens des formes secondaires du nom chat. Ces criteres seront fournis par les notions sous lesquelles on groupera leur expression en roman. On evitera ainsi des redites continuelles dans une matiere touffue par elle-meme, et on sera ä meme de fournir sur chaque groupe s6mantique tous les renseignements qu'il comporte.
Mais, avant d'aborder ces nouvelles series de significations, nous tächerons de faire ressortir par un exemple la grande variete de formes dont sont susceptibles certains derives de cattus. II s'agit de la notion de chaiouiller,^ qui ne remonte pas au-delä du XIII ^ siede: c'est une formation romane, c'est-ä-dire analogique, ce
1 Voir l'article de Flecchia dans VArchivio (II, 318 — 332) et surtout la carte chatouiller de VAflas Imguistique (les nombreux types qui s'y trouvent consignes ont ele fournis, outre le chat, par le chien, le cochon, le coq, elc).
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qui explique ses nombreuses variantes absolument irreductibles au latin.* La Gaule et la Haute-Italie ont lire cette notion du nom du chat, l'animal caressant par excellence, qui l'avait egalement fournie au germani'que {kitzeln, de kiize, minet, dejä dans l'anc- haut-allem.). Les variantes anc. fr, du mot, dont la plupart se retrouvent dans les patois, se reduisent aux types suivants: catailler, cateiller (chateiller), catiller (chatiller, gattiller), catoiUer (chatoiller), catotdler (chatouller, gatouUer) et catoidller (gatouiller) ; ou pourvues de prefixes, dans les patois (Pas-de-Cal,: decaiouiller, Marne decatiller A., et Sarthe echatoniller A). Le wallon a call (gati, gueti), comme le bergamasque et le proven9al, dans ce dernier ä cote de catilha (chatilha, gatilha), caiiga (chatiga, gatiga) et catigoula (chatigoula), toutes formes tirees des diminutifs, ä l'instar de l'it. gattigliare (sgattigliare), chatouiller en grattant (Duez), et gattarigolare , cha- touiller de la griffe (Id.), verbes d'aiileurs d'origine dialectale.
Le meme verbe a subi, en frangais, diverses contaminations sous l'influence de notions analogiques telles que grauer (Aube gratouiller, Sav. gratlyi, ^»x. gratilha) , et surtout de chdtier; de lä, dejä au XIII ^ siecle, casleiUer (Renard le Nouvel, v. 69 lo: L'une casteille, l'autre rit) et, plus tard, casiouiller (Commines, VI, 7 : ... ses subjects estoient un peu chastoulleux ä entreprendre auctorite . . .), ä cote de l'anc. pr. castiglar (deja dans le Donat) et caiiglar, ä l'instar de l'artesien gasiiller (Pic. catiller).
Les formes secondaires du nom chat d6signent:
54. En Zoologie,
a) Des poissons:
fretin (le menu poisson assimile ä des minets): pr. chatelli;
lamprillon (37): pr. chatilhoim, fr. cJiatillon (XVI ^ s.), dont la forme contemporaine chatouille präsente des variantes ant^rieures (1450: satoutlle, satrouille et chatrouille) encore vivaces dans les patois (Rolland, III, 137);
roussette (37): \;>r.cateto,W^n.gatti?ta Qi gatiuscio {Genes gattusso), Sic. gattaredda, it. gattuccio,
b) Des insectes:
chenille (37*^): Correze tsotilho A., H.-Italie gattina (gattola), Sic. gattaredda',
ver ä soie (37*^): Y\k,va. gatina, W^. gatin.
c) Des oiseaux, dont le cri ressemble ä certaines modulations du miaulement:
macreuse (double): ■pr. gatouniardo („grosse petite chatte"); milouin (canard): pr. catarous (cf. cataras, matou); cf. Suisse allem. Chätzli, canard morion.
^ Mdnage, d'apr^s Julien Taboct, d^rive chatouiller du lat. cattillire, etre en chaleur, dit de la chienne (et cette Etymologie a passE chez Diez); Flecchia pose des types tels que cattuculare, catticulare, etc., propr. chatter. Beiheft zur Ztschr. f. rom. Phil. I. %
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55. En botanique,
a) Des plantes dpineuses ou agreables au chat:
bardane: Abr. gaüella; Genevc gaitelion, bardane, et Sav. gaieJion (gatolion), capitules de la bardane;
bugrane (38): e?.^. galillos (gatinos) &i gaiuna (gatuna); Galice unas gatas (= gatunas);
dentelaire (sur laquelle les chats aiment ä se rouler): i)r. calussel (Gase, caiusso);
gratteron: Lyon, catolle]
herbe-aux-chats: fr. cataire (chataire), Pi6ra. cataria (gataria), esp. gataria, roum. cätusmcä;
trcde des champs (appelee „queue de chat", a Noirmoutier): pr. catojm, Bess. chaton, Vendee chaiotinette (Rolland, Flore, IV, 139).
b) Les folles fleurs des amentacees (saule, peuplier, etc.), ä cause de leur forme lanugineuse, et l'involucre des plantes:
chaton (38^): fr. chaton, metaphore datant du XVP s. (Palsgr. 251: chatton de saule). Norm. <:a/ö«, pr. catoun] Viem. ct'aton, fleurs du chataignier, \i. gattino (cf. allem. Kätzchen, angl. catkin)',
gousse (38^): px. gatilhoiin, Come gatigol',
noyau (de noix) : it. gattone (Duez) et Sic. gattaredda (et grain de blc).
c) Les amentacees 1 elles-memes : peuplier (blanc): \i. gattero (gattice);
saule: p\. catie (chatte), H.-Ialie ^a//ö/ö (gattone), o.^}. gatillo, d'oü ix. gatlilier (1755).
d) Des fruits, ou des tubercules:
chataigne (38 '^): pr. <ra// (petit chat"), chätaigne avortee;
poire (variete, 38 '^): pr. catilha, propr. petite chatte; cf. Suisse allem. Chatzehirn, sorte de poire;
pomme de terre (bulbe pareil ä la tete d'une chatte): Jura catine (catine-catine A.), propr. petite chatte; cf. allem. Katzenkopf, pomme de terre.
e) Termes relatifs ä la vigne:
plant noir: anc. ix. chattine', esp. gatera, raisin noir;
vrille (a cause de sa forme enroulee): H.-Loire chatoulle (Roll., III, 221).
Ou aux arbres, en general:
elaguer ou couper les rejetons (= chatons): Mil. ^0//«^;
fructifier ou fleurir (= pousser des chatons) : pr. catounä, Berr. chatonner (chatouner).
56. En mineralogie, caillou, dont la forme arrondie rappelle la tete du chat: pr. catoun (catouno), repondant au Bcarn. cap de
* Voir Nigra, dans VArchivio (XIV, 279 s.), pour l'^tymologie des noms d'arbres ä chatons.
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gat, caillou; cf. Maine tetes de chat, calcaire qui se rencontre par petites masses rondes.
57. En agriculture, champ inculte, compare ä un petit chat, c'est-ä-dire non developpe : port. gatenho.
58. En mdteorologie populaire, nuages qui effleurent les cötes des montagnes (41): H.-Italie gattoni.
59. Applications techniques,
a) Supports et excavations:
canal (pour drainer): Ven. gattola, Fern gailul; cf. Monfer. gaiee, sgatee (= ir ä gaii), creuser des fosses pour planter la vigne (42=^);
console (support a tete de chat): it. gaitello;
machine pour assieger (42*^): anc. pr. ga/on;
poulie (corde enroulee) : Sav., Suisse ca/e//e (pour elever les gerbes de la grange); cf. esp. gaio, cric, et allem. Ka/zenro/k, id.
b) Divers outils, d'apres leur forme recourbee:
crampon (43): esp. gatillo; cf. it. gaWglio, jante de roue (Duez);
davier (= crochet): ^%^. gatillo',
ego'ine (scie au manche recourbe): it. gatluccio; Galice galerio, faucille pour couper les herbes;
gächette (d'une arme a feu): Geneve gatillon, Sav. gatolion, Piem. gation, catal. et port. gatilho',^
menotte (= crampon): roum. et esp. (cf. i), d'oü a incälu^a, enchainer, et engatar, engatillar, attacher avec des liens de fer.
c) Termes relatifs au filage:
peloton (image du chat roule sur lui-meme): cf roum. cotcä, pelotte (anc. slave lioiha, chatte) et bavar. Katze, peloton de chanvre roulee ;
poupee (de coton ou de laine), meme image que la prece- dente: pr. catotm (chatoun), loquette qu'on file au rouet; it. gattone, quantite d'etoupe bonne a filer; cf Suisse allem. Chätzli, loquette de coton ou d'etoupe qu'on prend en main pour filer; de lä, les notions de
attraper (cf. embrouiller) : Mil. ingatlid; Padoue incatigio, truc, et hicaiigion, brouillon ;
emmeler (des poils, des cheveux, cf. 44): Sav. eticatla, Ven. incatigiar (ingatigiar) ; Fern gattiara, cheveux emmcles, et sgaition (Parmo scation), personne aux cheveux ebouriffes;
embrouiller (44): Ven. ingaitolare, H.-Italie ingaitiar ou in- gatligliare.'^
^ Cf. port. dial. (Algarve) dar ao gaiilho, fig. mourir. "^ Farenti: „Noi Lombardi diremo p. es. una maiassa ingattigliaia, con Viva metafora esprimente l'azione di un gallo che vi avesse giucato per entro
3*
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d) Termes relatifs aux fourreurs, etc.:
manchen (44): it. gailmo', Sic. gattinu, fourrure de lapin; cf. Yonne seiicatiner, s'emmitoufler (== roum. mcoto^mäna, id., de co- to^man, matou); anc. port. galtum (manto), manteau fourrc;
chagrin (peau de): Nice gattisa (= pr. pel de cat, id.).
60. Faits concernant la vie physique du chat:
etre en chaleur: pr. caiouneja [calouna, desirer ardemment), it. andare in gaikccio (gattesco), demander le matou (Duez), et galte- ggiare, courir la nuit comme les chats (Id.), Sic. gattiari', de la,
s'araouracher: pr. s'achalourli, it. mgattire (cf. amor de gallo, amour furieux, jaloux et querelleur); et
rut: Monferr. gaturnia; cf. gaiun, fevrier („toute chatte a son fevrier", et Bearn. loti ?nes de la gaialha, le mois de fevrier, la periode des amours);
chatter: pr. catä (catouna, gatouna), anc. fr. chatener, chatotmer (chatouner), mod. chaiter (XVP si^cle); it. gattolare',
gronder: it. gaitilare, crier comme un chat (Duez; auj. Ro- magne), bas-lat. caiülare, vocem edere instar felis (Duc); Clairv. catouner, bougonner, Bern ragatoner (rogatoner); Sienne rigattare, Sic. cahmiari (cf. gaitaredda, räle des asthmatiques et des moribonds) ;
s'accroupir (comme le chat pres du foyer): May. scatiner, se blottir, et scaloimer, se ramasser a la fagon du chat pret ä s'elancer sur sa proie (Du Bois); Sic. aggaitirisi, id.; Galice o-fl//?1aj, accroupi ;
egratigner: esp.-port. gatear, poit. agalanhar (dial. esgatear), it. gallonare (Duez) et ragattinare, enfoncer les griffes dans le dos de quelqu'un;
fouiller: Piem. j^a// (V.-Soana jrö/^r) ; cf. Monferr. galee, fouger (du porc); Mayen, ragaiotier (rogatoner), chercher ä, tätons dans un coin; cf. roum. scoiocesc, fouiller, de coioc, matou;
fr6tiller: Mayen, chatoner;
gambader: pr. caiouneja („sauter comme un chat"), pi6tiner (du lievre et du lapin), lorsqu'ils fönt des tours et des d6tours et qu'ils brouillent leurs traces; Geneve segatter, se debattre, se divertir;
grimper: May. chaioner; Berg, ga/ds su; esp. gaiear\
ramper: Norm, caloner {a calons, a quatre pattes), anc. fr. cha- tonner (XIII ^ siecle), auj. terme de venerie: marcher doucement (du chien, se trouvant pres du gibier), ä l'instar de l'it. aggattonare (cf. gaUon gatlone, tout doucement); esp. agatar (= andar a gatas), port. engatinhar (= andar de gatinhas);
röder: Piem. gaioie\
se sauver: Mil. sgalona, esp. dar gatado (gatazo); pr. gatado,
coU'ugne" (cit6 par Galvani, Sa£-£-io s.v.gatt). Voir Mussafia, Beiträge, p. 68; Nigra (-,4r<rÄz'z'zo, XV, 492) d^rive H. -Italic m^a^/zar, de gaiia, chenille, qui remonte ä la m^me notion (37^).
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sortie des ouvriers; Geneve gaiier, faire l'ecole biüssonniere {gaite, gattatice, escapade).
61. Ajoutons la chatiere: fr. chatiere (XIII ^ siede), Pic. cali'ere, anc. fr. chatounüre (Yonne chatougtiüre), pr. catouniero, Nice catoniera, Piera. ciatonera; it. gattaiola (gattarola), Monferr. gatarora (Messine jaitalörd); esp. gatera, port. gateira. Le terme s'est d'abord gene- ralise: caterole (cf. it. gattarola), trou de lapin (XVI ^ siede), et catiche, trou de loutre (i6go), propr. chatiere, derivant de l'anc. cate, chatte, ä l'aide des Suffixes diminutifs analogues ä tnöucherolle et ä pouliche. A la notion de chatiere remontent:
cachot: Pist. gattaiola, Piem. gatog?ta; cf. H.-Italie ingatiar, emprisonner;
conduit: fr. chatiere, Pic. catiire, gouttiere;
soute aux poudres: port. gateira;
subterfuge: it. gattaiola;
treu (d'un robinet): pr. catotmiero; esp. gatera, ecubier: — fente (d'un jupon): pr. catoimiero; it. gattarola, Ouvertüre de devant d'une chemise.
62. Faits concernant la vie morale du chat:
allecher: Morv. achatir (achaiti), pr. agati (d'oii fr. pop. agater);
caresser: chatouiller (53); pr. cateld (catouna): cf. fa catetos, cajoler; Norm, catiner, cajoler („comme le chat qui reclame des caresses", Moisy), Montbel. chaiti (chaitener), Berr. chatoyer („flatter comme lorsqu'on caresse un chat", Jaub.); esp. eitcatusar (engatusar) et engatar;
griser (se: cf. ivre, 51): H.-Italie ingatiar; esp. gatera, cuite;
fächer: waU. s'ecatiner, se depiter; pr. catuna (catigna), encaii (et etre maussade);
quereller (se, 51): it. gattigliare (aggattigliarsi), repondant a l'anc. fr. catillier ou castillier (53), ce dernier encore vivace dans le patois de l'Yonne, d'oü castille, petite querelle (1478), mot familier au.K parlers du Centre, ä cote de l'Yonn. gatille, id.; le chat est a la fois avide de combats et tres cälin, ce qui explique le double sens de harceler (cf. l'ex. de Monstrelet s. a. 1452) et de cha- touiller, inherent a gatiller (castiller) et a peu pres contemporain; xkio-x. ghiatinar (ghittinar), disputer, et chatin (ghiatin), querelle; Sic. catuna, \^.; it. regattare (Napl. rtgattare), debattre,! disputer (cf. gatta, querelle, 45) et regatta (genois), rigatta (Sic, et rigaltu), debat, emulation, et course de bateaux: de lä, it. regata (anc. regatta), d'oü fr. rigate; esp. regatear, ruser entre deux galeres;
se taire (le chat est taciturne): pr. catd;
voler (55): H.-Italie gatä (sgata), gatinä, picorer {gatitio,
^ Pieri [Archwio , XV, 214) derive rigattare d'un type recaptare, en rappelant l'analogie semantique de reprehendere; Caix {Studi, p. 141) tirait le verbe du fr. ergoter. Cf. Mussafia, Beiträge, 92 (Venise regatar = far a regata), et Koeiting s. v. r'iga.
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poHsson); esp. gafcar, et galiaio, filou, galazo, escroqueric (port. gatazio, griffe de chat); cf. Suisse allem, chaizen, voler.
63. Les epithetes derivant du nom du chat coraplctent la caractenstique de sa vie morale:
espiegle: anc. fr. chaton (Des Pcriers: chafierie, chalonnie, espie- glerie), et IMayen. chatoncr, faire l'espiegle; pr. catouti (chatoim), fripon, et chalisso, espieglerie, esp. ga/ada, id.;
gourinand (51): fr. chataud (dans Retif de la Bretonne), auj. Yonne; Morv. chatenet; anc. fr. chaiter, etre friand (Oudin), et Berr. achaiti, rendre gourmand (fr. chaiterü, gourmandise) ; it. gatteggiare (gattolare), friander comme un chat (Duez);
hypocrite (cf. devot comme un chat, 51): l^orm. ca/auc/, reto-r. chatm, bigot; esp. gateria, hypocrisie (cf. hacer la gata)\ pr. catasso, femme dissimulee („grosse chatte");
ruse (51): it. gaitone, esp. gatallon; cf. esp. gatada, ruse du lievre qui se blottit, laisse passer les chiens et rebrousse chemin;
vagabond (cf. röder, 60): wall, cati, Montbel. catin, pr. catounü (et iDaillard); it. rigattato.
64. Maladies propres au chat ou qui les affectent frequemment : jaunisse: pr. catoio (appliqu6e aux Icgumineuses); cf. ix. gattine,
maladie des vers ä soie (terme originaire du Midi);
parotides (les oreillons ^tant assimiles ä la tete d'un chat): it. gattom, id. (cf. capogaito; dans les patois: avives);
rachitique (qui ne croit pas): port. dial. (Algarve) etigatado, propr. semblable a un chat chetif;
tumeur (ä l'encolure des mules): esp. gatillo (V. nuque, 65);
vomir: pr. catou?iä (Bearn. gatilhä), it. ßire i gattini (= pr. fa de minous, faire des minets), a l'instar du bas-lat. f<7////«r^, et de l'angl. /o frt/, id.; cf. Sav. cate/d, avoir de la. xepugna.nce (catc/eux, degoütant).
65. Certaines parties du coips portent le nom du chat: goitre: Bearn. gatarro, propr. gros chat (= pr. cataras); nuque (les petits chats ayant le derriere du cou tres charnu):
esp. gatillo (principalement chez le taureau et le mulet), „que parece gato aferrado en el" (Covarruvias); cf. port. gato, terme de veterinaire, portion de chair grosse du chignon des chevavix.
66. Emploi hypocoristique : nom d'amitie donne ä un enfant (47): fr. chaton (en argot: individu charmant), Limagne gatio, le dernier venu, le petit; esp. gatillo, gamin.
67. Emploi pejoratif:
apprenti (= petit chat): esp. gatiielo',
femme mal mise (cf. fait comme les quatre chats): pr. catarot (chatarouio) , et „chipie"; cf. roum. cotoroanla, vieille chatte et vieille femme laide et acariätre;
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heretique: anc. fr. catier, epithete ironique donnee aux Albigeois (Mousket, V. 2824g: Li mescreant furent nommez Katiers), qui rappelle le sobriquet donne par les catholiques allemands aux Bernois reforraes, Kaizenküsser, baiseurs de chat; des le XIII "^ siccle, on imputait aux heretiques de baiser le derriere d'un chat,i corame hommage au diable (qui en prenait la forme); cf. Suisse allem. Chälzler (Chätzli), terme euphemique pour Ketzer;
marmaille (et foule): pr. catuegno, it, gatiumaglia (cf. razza- maglia), esp. gateria, propr. engeance de chats;
revendeur (= disputeur, 62): it. rigaitiere (de n'gaitare, debattre), pr. rigatie (le fr. regrattier a subi l'influence analogique de gralter et de gratie), esp. regaler 0 (regaton) et regatear, regratter; cf. esp. gahmero, celui qui vend de la viande de contrebande;
vacarme (cf. musique de chats): Romagne gateria („engeance de Chats").
68. Applications Isoldes:
avoir des reflets changeants (comme l'oeil du chat): fr. cha- toyer (1753), it. gateggiare; esp. gaieado, aux couleurs du chat (cendre, gris, noir, jaune, blanc); cf. pensee, 71a;
brülure (faite a une etoffe par une etincelle): pr. catoun (petit chat = petit trou, 61);
grumeau et gäteau (par assimilation a une tete de chat): anc. fr. et dial. caton, Suisse gatolmi] pr. catoun et gatilhoiin;
poche (gousse, 55 '^): pr. gatol (gatoun); cf. it. sgatigliare, de- bourser (Bas-Gätinais depocher, payer).
Les sens des formes secondaires de callus embrassent ainsi les manifestations les plus importantes de la vie du chat; plusieurs ont franchi leur sphere primitive pour se generaliser dans la langue. 11 importe maintenant de completer ce tableau par les composes de caltus, dont nous allons constater la variete et l'importance.
III. Les composes romans de cattiis.
60. Cette partie de notre travail est herissee de difficultes et nous nous rendons pleinement compte des ecueils dont eile est environnee. Nulle part ailleurs, peut-etre, l'etymologie romane ne presente autant d'incertitudes ni d'obscurites, et le rcsultat de nos recherchcs tranche telleraent avec les donnees gencralement ad- mises que ce n'est pas sans quelque hcsitation que nous le presentons.
Avant d'aborder les diverses categories de ces composes, remarquons que leur premier terme reflete les diverses formes romanes de catlus (3); que plusieurs de ces formes, qui tcmoignent
* Voir Du Gange, s. v. cathari (cf. Norm, catonier, qui aime beaucoup les chats, Du Bois). L'assonnance des mots allemands, Ketzer, heretique, et Katze, chat, a probablement ficilile le rapprochement.
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de penetrations dialectales, ont subi iin renforcement a l'aide des liquides /, r, et c'cst ainsi qu'une autre scrie vient s'ajouter ä la premicre: cal (gal), car (char), etc. La raison de cette am- plification rcside dans le caractere monosyllabique du masculin (le fem. cata ignorant ce renforcement); et, en effet, cal (car) aboutit parfois a cali (cari) en fran^ais, et a cala (cara) en provent^al, c'est-a-dire a un mot dissyllabique. Des doublets tels que fr. dial. capleure Qi carpleure, \>x. caborno &i calaborno, cabougno ^1 carabougno, viennent corroborer cette maniere de voir.
INIaintenant, si l'on ajoute ä ces variantes multiples les nombreux terines enfantins designant le chat (17 a 30), ou, ce qui revient au meme, les diverses expressions du miaulement (6 11 11), on obtient un ensemble considerable de composes que nous repartirons dans les trois cateffories suivantes:
A. Composes proprement dits.
Le second terme de ces composes peut etre un nom ou, plus rarement, un verbe; le premier est ordinairement le mot chat, et ce n'est qu'exceptionnellement qu'il passe au second rang. Voici les notions que ces composes representent :
70. En Zoologie,
a) Des poissons, principalement de la famille des squales: aiguillat (variete de squale, 37): pr. cat-de-mar\
epinoche (appelee en Lorraine „chette d'aue"): pr. estraiiglo- cat („ etrangle-chat ") ;
leiche (variete de squale, 37): pr. cal-de-foiins (squale qui habite les profondeurs) ;
roussette (54): fr. chai-rochür, pr. cai-auguü („qui habite les algues") et cato-d'aigo („chatte d'eau"), d'apres les endroits qu'elle prefere.
b) Des insectes, specialement la grosse chenille (54*^) aux poils longs, soyeux et toufifus (appelee peluso en Dauphinee): H.-Italie gaita plosa („chatte poilue"), Norm. anc. et mod. caie- pecetise (Palsgr.: chaltepeleuse), Ille-et-Vil. chatlepelouse A., ä cote du Pic. capleu (Seine-Inf. carpkii) et caploii (Somme carploii), c.-a-d. chat velu, le pendant masculin du precedent; le meme insecte s'appelle, a Guernesey, catepehure (source de l'angl. caterpiUar, XVII^ siecle), a cöte du Norm. f^z/A-wr^ (Calvados: carpleure), c.-ä-d. pelage de chatte ou de chat (anc. fr. caiepeleüre, toison de chatte); enfin, les variantes telles que capletise (Oise carpleuse, Eure char- pleuse A.) et caplouse (Calvad. carplouse, Orne charplouse A.) sont le resultat d'un compromis entre catepehuse et capleure; Tyrol giaia- magira (Alton), litt, chatte-pierre (sur laq. pullulent les chenilles);
scolopendre (43*^): Boul.-sur-Mer carplue („chatte pelue"), Roll. III, 247.
41
c) Des oiseaux, d'apres leur cri:
corraoran (compare a un chat noir): pr. cat-marin („chat de mer");
hibou (le plumage donne aux strigiens I'aspect particulier qui les fait ressembler au chat, dont ils ont encore le cri): Pic. co-caivan, hibou (= chat -hibou) et Yonne chai-roiianne, id. (de rouaiter, miauler), Sav. gaf arote (tsafarou, stafarou), hibou, propr, chat-hibou; 1 anc. fr. et wall, de Mons cacornii (Pic. co-cornu), chat cornu,2 a cause des cornes qui ornent sa tete (cf. Genois iesta da gallo, id.);
plongeon (son cri ressemble a un miaulement) : Pic. camarijt („chat marin"); cf. Guernes. cal-drage, espece de plongeon;
tarin (son chant est une sorte de ronron): St.- Arne che-d^atme (Roll., II, 191), propr. chat de l'aune, dont les bourgeons lui servent de nourriture en hiver.
d) Des betes de la famille des felins:
lynx: chat-cervier (anc, fr. chat-loup, port. lobo-gato): esp. gato cerval (d'oii fr. serval, nom donne par Buffon au chat-tigre du Cap); ^ ^ ^ ^
tigre (variete de): chal-pard, c.-a-d. chat leopard (1690), a Cüte de gtiepard (XVIII*= siecle), Variante d'origine dialectale [gaipard pour gapard), repondant ä l'it. gatlopardo (le guepard, ou leopard de chasse, a une tete de chat sur un corps de chien tachete).
Et specialement, les petits felins, semblables au chat:
civette: chat-?nusqiie , it. gat!ozibello\ port. gato de algalia; cf. allem. Zibelhkalze;
ecureuil (appele „petit chat" en Normandie et en Suisse): Barr, chal-kurieu et JNlontbel. chail gairiol, propr. chat bigarre; pr. cal-esqiiirol (gat-esquiro) ; cf. Bavar. Eichkatze, ecureuil, et allem. Kaizeneichhorn, ecureuil bleu;
fouine (qui miaule comme un chat) : anc. fr. et dial. chafouin (XVI ^ s.), Y>^. cat-fouhi, Basses-Fyr. gati/pitocha (cf. putois); catal. gal- fagi, Piem. (Val-S.) cela-fougn;"^ anc. ix. chat-garam'er (Cotgr.) et carable, propr. chat qui gronde (de rabler, ronfler);
genette (ressemble au putois): Char. chat-piilois (Roll., I, 50);
raarte: anc. fr. chat de niars (Rabel. I, 13), z\)\)iAk. chat d' Afriqiie par les premiers naturalistes; esp. gata de Panonia;
putois: Berr. chat-piitois (chat-punais), pr. cal, cal-pudis et gat- urlaii (Quercy), B^am gatpitoch; Genes gallo spiisso; cf zWem. Et ien- katze (Eibkatze), ax\^. pole-cat, id. (= allem. Kalzenpfütze, V. Grimm);
zibeline: anc. fr. chat-soubelin (Cotgrave).
^ Voir sur le hibou, Appetidice C.
^ Cf. ce passage de V Histoire des Emperetirs (ap. Godefr.): Un cacorun (sie) que autres gens appellent huart ; E. Deschamps, VIII, 65 : chat cornu. ^ Voir sur la fouine, Appendice A.
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e) Certains mammifcresr
chauve-souris (sa tc-te resscmble a cellü d'un chat): Pas-de-Cal. caie-souri (cosouri, ca-d'souri) et Yonne chai-sourt; Lecce gathi- pignula, propr. chat plumete; ^ cf. allem. Kaizenfledertnatis , chauve- souris d'Amcrique;
singe (certaincs varictcs, p. ex. les galeopitheques, ont la taille et la queue du chat): \\. galtomammoiie (dial. gat-maimoii) , Y>r. cat- viiviotm (gaminoun), guenon; esp. gatopaul („chat de inarais" ou chat sauvage), singe ä longue queue; ^ cf. bas-allem. apkai (danois abekai), guenon, et allem. Meerkatze, id., propr. chatte d'outre-mer, c.-a-d. de l'Afrique; l'ar.-esp. maiinon designe une espece de chat (pers. viaimoun, singe).
71. En botanique,
a) Des plantes qui affectent la sensibilite du chat:
bourdaine (arbuste qui croit dans les terrains humides): Hain. bren-d'cat ;
cataire (55^): anc. fr. chate/ouel, propr. feuille ou herbe- aux-chats; it. erba gaita (erba da gatti);
dentelaire (55=*): . pr. f<7/'//>/ (gatifel), propr. fiel de chat; Piem. erba dt gat;
epurge ou ricin (dont la forte odeur ressemble a Celle que le chat repand pendant la periodc des amours) ; it. cataptitza (devenue, par etymologie populaire, cacapuzza) , d'oü anc. fr. catapnce (et cacapuche) ;
menthe (d'une odeur aromatique): Norm, cateptiche (V. epurge); cf. it. menta dei gatti;
terebinthe (d'une odeur forte et desagreable) : Abr. catapiizzo (calapuzzo), propr. odeur de chatte (V. epurge).
Ou qui rappellent certaines parties du chat:
eglantier (plante epineuse): Y\c. grate de cat („griffe de chat");
lierre terrestre (de forme rampante): Norm. d'Yeres pas-de-cat;
pensee (fleur a trois couleurs): Aube ycux-de-chat (Roll., Flore,
n, 175);
prele (par allusion ä la queue du chat; cf. qtieiie de cheval, id.): fr. char queue, mot d'origine dialectale, repondant au Montbel. cotie de chat, prele;
primevere: Ilain. catabraie ou braille de cat (Maubeuge) , plante appelee en fr. brayette, brate de coiicou ou brairette, c.-a-d. cri de coucou, oiseau qui fait son apparition au printemps;
roseau (= queue de chat): Bess. cacotie; Norm, catecoue, roseau a balai;
vulneraire: ]}X. ped-de-cat („pied de chat").
b) Des amentacees:
peuplier (55 '^): it. (Luques) albogatto („chat blanc");
1 Cf. Zeitschrift, XVII, 159.
* Voir sur le siuge, Appendice B.
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saule (55*^): \)r. chai-sause (gat-sause), saule marceau, repond ä l'esp. satize-gatillo („saule-chaton").
g) Des fruits:
poire (variete, 55'^): chat-brüU (chat-grille); Smsse eiraiigle-chai;
pomme (variete de): capendti (1493) et carpendu (Nicot), terme d'origine normande, propr. chat-pendu, cette pomme tenant a l'arbre par un pedoncule tres court; de la, par etymologie populaire, courpendu (1601) et coiirt-pe7idii,^ cette derniere forme encore vivace.
d) Termes relatifs ä la vigne:
cepage (55^): anc. fr. samoireau, gros raisin fort noir (= chat moiraud), auj. samoiseau, cepage noir dans l'Aisne (Littre, SuppL);
marcotte (assimilee a la tete d'un chat: cf. catal. capficat, id. litt, tete iichue): it. capogaito, propr. tete de chat;
raisin (variete de) : -^x. estegne-cal („qui engoue les chats"); esp. esgaiia-gaios, raisin blanc (id.).
72. Applications techniques, d'apres la ressemblance exterieure DU la forme recourbee:
chenet (piece de fer ä tete de chat): pr. cafio (carfio), chafoiiec (caufoue), propr. chat de feu, et Isolajidier, id., Ardeche A (= chat- landier); cf. \i. paragatio , sorte d'ecran (les chats aimant a se tenir aupres du feu);
crochet (59^): wall. Mons catepiiche, crochet a une corde de puits („chatte de puits"), Bern chabtii (gabut), id.;
fronde (au manche recourbe): Y\k.m.. gaiafrust („chatte-fronde");
machine de guerre (42''): diwc. ir. chai-chastel (XlII'^ s.);
outil de calfeutrage: \\. caiaraffa („griffe de chatte");
rape (ä percer): Piem. coa d'gat („queue de chat");
rossignol (fausse cle): fr. argot carouble (carrouble, caroufle), le grincement cause par ce crochet etant plaisamment compare ä un chat qui ronfle.
73. Faits concernant la vie physique ou morale du chat: cabriole: galicien pinchagato, saut de voltigeur („saut de chat"); caresser (62): INIorv. et Yonne chagriot (faire le), chatouiller
(de chat garimi, chat bigarre, 70 '^); port. galimanhos, minauderies (= ruses de chat) ;
chatiere^ et cachot (cf. 61): it. gai/a btiia („chatte sombre") et catorbia (gatorbia), „chatte aveugle" (d'ou mcatorbiare) , terme em- prunte au piemontais; Abr. cahihbe (= catorba);
^ Rabel. III, 13: „Vous mangerez bonnes poiies crustumenies et bergua- mottes, une pomme de court pendu, quelques pruneaux de Tours . . ."
2 \.'\\..biigigatto, bouge, qu'on rencontre des le XV^ siecle (Pataffio, 1, 14: Ciurmate baldamenle il bugigattd), est d'origine dialectale (Parme husigot) et rdpond au pr. bousigadou, bouloir (de hoiisigd, fouger), ä Tinstar du Genois burdigottu (= bugigatto), de biirdigd , fouger. Cf. Schuchardt, Romanische Etymol. II, 211, et Pieri, dans VArchivio, XIV, 371.
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culbute; es]}. gaiaturnba (et politesse exagcrce: c^. zWcm. Kalzen- lucliel), Sic. calambota, caialwnmuhi (cf. it. capitombolo);
folatrer: Gase, catifoula („jouer comme les petits chats");
ramper (60): Poit. ä grappe-chai (aller a), sur les picds, sur les mains (Bas-Gatin. ä giippe-chat);
vacarme (67): Gase, gatibiirro, gatifurro („grondement de chat"); Piem. caiabtn {c\. it. buglia, mclee); esp, de mazagatos, tapage infernal (= a assonime-ehats).
74. Epithctes:
chctif: Clairv. chat d\iire, enfant delicat, faible ou mal nourri (== chat qui garde le coin du feu), fr. pop. chat-grillc, enfant cheiif;
coquet: pr. cafiiwt („propret comme un chat");
emport6: pr. cafer („chat sauvage"), Mess. chabogne, homme facile ä se mettre en colere (ef. depiteux comme un chat borgne), mot cite par Le Duehat (dans Menage);
hypoerite (63): -^x. cato-hagnado („chatte mouillee") et anc. fr. chatte mouillee (faire la), XV *= siecle; cato-faleto („chatte grise"), caio-morto (= it. gatla 77iorta, esp. gata muerta'. la chatte sait faire la morte), calo-siau („chatte-silencieuse") et calo-sourno („chatte sombre"); Yxkvn. gala mörbana („chatte malade"; cf. 88), 'Nknxl. gata- piata („chatte aplatie"); cf. anc. fr. pattepelu, doucereux (comme le chat qui fait patte de velours), pr. pato viineto, id. ;
maussade: Tour., Vo\i. chabruti, sombre (= chat noir): „ä Metz, chabrim, mine austere, refrognee, et faire le chabrun, c'est propr. prendre la chevre ou bouder" (Le Duehat, dans Menage); anc. fr. ä rechignechat („ou en tristesee de coeur");
querelleur (51): pr. escaragno-cat („egratigne-chat") et Morv. erchigne-chat („lorsque les joueurs commencent a se faeher et ä se lancer de gros mots, on dit que le jeu va devenir erchignechat^ c.-a-d. va degenerer en querelle", Chambure); cf. cest un jeu de chat, un jeu qui tournera en noise (Rolland, IV, 99), et allem. Haderkatze, querelleur;
vaurien: pr. escano-cat (espeio-eat), „eeorehe-chat"; Piem. scano- gat, it. scalzagatii, esp. pelagaios (mazagatos), id.
75. Maladies:
bouton (sur la main, sur lebras): H.-Bret. rÄö/-yc»/>;a' (Sebillot), peut-etre chat fonce (cf ibid. peiit maou de chat, bobo);
chassieux (Oudin: ehassieux comme un chat de mars): Poit. chareilloux , Saint, careilloux, propr. aux yeux de chat (cf Morv. riyeux = yeux);
vertige (on l'attribuait au chat, qui l'ignore): it. capogatlo, vertige des chevaux (= capogiro), propr. tete de chat.
76. Emploi hypocoristique:
bambin: Hain, cat d'mai, enfant ne en mai; Berr. chacouat et chactdot (INIarne charculoi), le dernier de la couvee;
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jeune fille (47): Hain, chabourktie, fillette fraiche et dodue („boulette comme un chat").
77. Noms de jeux enfantins, et spec. le colin-maillard (48): pr. caiohorgno („chatte borgne") et calorbo („chatte aveugle"), cati- torbo (= cateto-orbo) ; Piem. catorba (gatorba), \\.. gaita orba (gattor- bola) ou gatta cieca (cf. Suisse allem. Blindchalze , id.), Piem. ciata- losca („chatte louche"); fr. chat-briile, chai-cotipe, chat-malade, chai- perche, Varietes de jeux; Pas-de-Cal. cabouri („chat bourru"; cf. Meuse: Chat bouri, d'oü viens-tu?); pr. cö/öü^r^/ („chatte droite"), le vainqueur se fait porter sur les epaules du vaincu; port. ^^7/1? sapato („chat botte"), variete du meme jeu.
78. Emploi pejoratif:
cendrillon (le chat ne quittant pas le coin du feu): pr. caio- cendrotdeio, souillon;
entremetteur (de mariages): Berr. chat-bure „chat gris" (= fiii matois);
fillette (mal batie); Berr. chacrotle („crotte de chat");
pistület: it. vmzzagato (Duez: epouvantail pour les oiseaux);
usurier: "^x.escaiio-cals (manjo-cats), propr. ecorche-chats (mange- chats).
79. Applications diverses:
corset (tres d6garni): Poit. cor-aii-chat („corps de chat");
doublure (en peau de chat): '\i. gaitofodero (chat fourre); cf. Saint, chaffawrer (chaffeurer), vetir ä l'exces et en se deguisant;
embarras: fr. chat-en-jcwibes (cf. jeter le chat aux jambes de quelqu'un, et Geneve c'est ou la chatte a mal au pied, c'est le point difficile);
fard: esp. mano de gato, id., et darse con mano de gato, se farder (le chat mouille sa patte avec sa salive,^ la passe et repasse pour faire sa toilette);
flute (cf. fr. chatte, harpe de Birmanie): pr. cat-enfla, cornemuse (= chat enfle, d'apres la forme);
galette cuite au four (68): it. (genois) et esp. gatafura (= chatte de four); cf. Catafura et Gati/ura, noms de chattes (dans la Gato- maqma), Bavar. Ofenkatz (Gogelhopf) et Suisse allem. Büsel, biscuit („minet");
perruque a queue (= queue de chatte): May. catacoue;
potage (= patee de chat) : Marne (Gaye) trompe-chat, soupe faite avec du lait; Naples calzagatt, polenta m(^lang6e avec des haricots;
ricochet: Clahv. pas-de-chai't, d'apres l'allure ondulatoire du chat;
^ Cf. la berceuse Le chat ä Jeannette (Bujaud, Chants et Chansons populaires de V Ouest I, 35): Le chat Ji Jeanette est une jolie bete, — Quand il veut se faire beau, — II se l^che le museau; — Avec sa salive, — II fait la lessive . . .
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voile (latine): anc. fr. catepleure (Nicot, Cotgr., Oudin), proprem, chenille (70''), ä cause de sa pointe, appelee encore „oreille de li^vre" (Le Pore Rene Fran^ois, 1622, cite par Jal); cf. alle de pigeon, coq-souris (= chauve-souris) et papillo7i, noms de voiles, d'apres leur forme plus ou moins carree.
B. Composds par synonymes.
80. Les composes synonymiques resultent de l'association de deux noms du chat, dont Tun represente le terme proprement dit et I'autre le nom hypocoristique de l'animal, ou son 6quivalent, le cri. Cette juxtaposition ne modifie en rien la valeur primordiale du nom simple et ce n'est qu'ulterieurement, tout en partant de la notion chat, que la sphcre semantique en a ete agrandie. La synonymie joue, dans cette categorie de composes, le meme role que la reduplication, en sorte que le second terme renforce mor- phologiquement le preraier, et c'est uniquement sous le rapport semantique que sa sphere s'elargit.
Le premier exemple d'un compose synonymique dans la langue lilteraire est chattemüe, dont les Clements constitutifs se ren- contrent deja au XIII^ siecle (34). Sous le rapport de la forme, chatletnile est une appellation enfantine de l'animal, ^ dont le dernier terme est l'equivalent hypocoristique du premier. La valeur primor- diale du compose revient dans l'ancienne langue et dans les patois modernes: dans une lettre de Joinville de 1295, on rencontre la locution en chaiemite (ap. Godefr.: Des la porte assous le pont jusques a la tournelle qu'on dit e7i chaiemiie), c.-ä-d. en Serpentine, d'apres le mouvement ondulatoire de la bete; et, dans le forezien, chata-mita est le nom du colin-maillard, dans lequel le joueur aux yeux bandes represente une chatte ä la poursuite des souris. Le sens ulterieur de „hypocrite", fait allusion a un trait caracteristique de la vie morale du chat, ainsi depeint par La Fontaine (VII, 16):
C'6tait un chat vivant comme un devot ermite,
Un chat faisant la chattemüe, Un Saint homme de chat, bien fourr^, gros et gras . . .
Et la meme image, rendue par des composes synonymiques d'origine enfantine, se rencontre dans les autres langues romanes:^ pr. catomito (catomato, gatomieuto), catovierouno et catomiaucho (cato- miauno, catomiauro); \\.. gattamogna (gattamorgna); cdX?iX. catamixa (catamoxa, gatamoixa), gatamaida et gatamusa.
La locution en catimini, employee d'abord par Froissart, exprime l'allure doucereuse que prend le chat pour surprendre ses victimes: formee de cati et mini (dim. de cate et mine\ eile veut simplement
^ Analogue aux synonymes: iXlem. Busekatze, Aliexekatze, M{auhätzchen\ SiTi^. pussy-cat, hikS-zWtxa. putis-katfe, etc. Cf. aussi Wackernagel, Voces , 20.
^ Ce caractere des 61^ments composants de chattemite se trouve d^jä indiqud' dans Rolland, Faune, IV, 119 nole.
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dire ä. la fa(;on du minet qui s'avance a pas de velours. Cette demarche silencieuse du chat (meme sauvage) avait dejä frappe les Premiers observateurs, et Pline en parle avec admiration.i L'origine synonymique du compose (entrevue par Le Duchat, dans M6nage) et, par suite, son caractere eminemment populaire,^ est mise hors de doute par les correspondants siciliens, catamarri et 'ncalaminu, Venise catamellon calamellom, qui repondent au toscan gatton gallone.
Voici les notions designees par les composes synonymiques :
81. En Zoologie,
a) Des insectes:
chenille (70*^): Aude caramagno (cf. go), Bearn. gatamtna\ hanneton (son bourdonnement compare a un grondement de chat): Lorr. chatte meurotle ou chette miniaoue („chatte qui miaule"); ver a soie (54*^): Gironde gatemine A. (V. chenille).
b) Des oiseaux:
cheveche: Sologne chat-miant (Roll. II, 54);
chouette: pr. catomiaulo; cf. allem. Katzeneule;
mouette (son cri est une sorte de miauleraent) : esp. catarana 3 („chatte qui miaule": cf. genois 0 gallo ragna, le chat miaule), devenu en port. tataranha (tartaranha).
82. En botanique, chaton (55^): MoniheX. chaü-mitioji.
83. Application technique, tire-lire: pr. catoniaiicho („chatte qui miaule"), le son que rend l'argent jet6 etant plaisamment compare a un miauiement, de meme qu'en fr., ce son argentin pretend imiter le chant de Talouette, son tire-lire\ cf. allem. Katze (Geld- katze), ceinture a argent (XVIII ^ siecle).
84. Faits concernant la vie physique du chat: pleurnicher (= miauler): Poit. chameuler, pleurer comme a voix
couverte ;
ramper (73): Versiglio gattoinagnoni , a quatre pattes (Pieri, Zeitschrift, XXVIII, 181), Vihia. gatagnau, catal. ä gatameus\ fr. en caiimini (80).
85. Ajoutons encore:
culbute (73): pr. catamiroto (= cabriole de minette); vacarme (73): Sic. scatamasciu, propr. miauiement de chat.
' Hist. Nat. X, 202: Feles quidem quo silentio, quam levibus vestigiis obrepunt avibus! Quam occulte speculalaj in musculos exsiliunt!
"^ Cette nature vulf^aire de catimini exclut le rappiochement (tente depuis Manage) avec catamini (xata/irjvia), menstrues, terme technique m^dical. Cf. aussi la Variante caiimini (Cotgrave).
* Depuis Covarruvias, on d6rive le mot Avi\aX. cataractes, sorte d'oiseau aquatique. Pour cata = gata, cf. encatusar = engaiusar, 62.
48
86. Faits concernant sa vie morale:
caresser (62): h.\xy. acalanu'aula, cajoler, \>x. catimello (gatimello), propr. caresse de chatte (cf. calorniau/o, et 21): caresses que se fönt an jouant deux chats avec leurs pattes (Azais), gestes et caresses des yeux et de la joue que l'on fait aux enfants (Mistral); Pas-de-Cal. faire cate-cate, se dit d'un jeune enfant qui frappe de petits coups dans la main d'une personne qui le caresse (Edmont); Napl. _^a/'/^- felippe („gentilezze amorose segrete, e fatte piü con gesti che con la voce", d'Atnbra) et Sic. gattifilippi („carezze svenevole delle donne", Traina), propr. chatteries (26); Parm. catamletina (= pr. catimello) et Sic. scataminacchi, minauderies ; Rouerg. cathnoto, mi- nauderie d'enfant;
se quereller (62): pr. caiaratigna, propr. gronder comme une chatte.
87. Epithetes:
bavard: pr. chamarroi\ Saint, chamarrage (chabarrage), discours confus (= miaulement de chat); wall, chamareite, caqueteuse;
bigarre (comme le chat zebre): ~Qg.xx. cha?na)-ou (V. maussade) ;
cälin: pr. catomiaulo („chatte qui miaule"); cf. Geneve caiamaiila, femme toujours dolente;
faineant: Mayen, camiyao (= pr. catomiaidd)\
hypocrite (74): fr. chattetmte, etc. (V. 80);
maussade (74): pr. carami (de ramiä, ronronner) et ga- marro (= chat qui gronde); May. chamarotc, grognon, renfrogne (H.-Bret, Mee: animal ou homme a poils longs et herisses, et homme de mauvaise mine, Leroux; Blais.: reveche, sauvage); H.-Italie catramonacda, chagrin profond (de *catamona = \i. gaiia- mogna, et pour l'epenthese, it. catrafosso et catafosso), propr. (melan- colie de) chatte.
88. Maladies:
moisissure (les fleurettes blanchätres sur les liquides 6tant assimilees au pelage des minettes): Mayen, camines (chamines) et chamarettes ;
maladif: Abr. catamone („chatte-mine"), repondant ä l'anc. fr.
faire la cate-catie („chatte accroupie"), imiter les plaintes d'une
chatte malade qui est tapie sur son ventre (Eust. Deschamps,
IX, 123):
Faictes bien la cate-catie . . .
Et soupirez parfondement.
89. Emploi hypocoristique:
enfant (76): fr. gamin^ terme recent d'origine dialectale, masculin refait sur gamine (Clairv. gamigm), propr. chatte (= pr. gatanmia), appliquee ä une jeune fiUe espiegle et hardie (cf. pr. chaio, 47);^ dans
1 D'apr^s Schmidt -Göbel (Herrig's Archiv, XLI, 229), gatnin serait l'allem. Gemeiner, un simple soldat, et remonterait aux guerres allemandes du XVIII e stiele.
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plusieurs patois (Vendee, Calvados), gamin est l'appellation generale de l'enfant et du petit gart^on (Norm, galmin, gamin et petit domestique de ferme); Mess. ga/mi'rofi, Vic. galmite; Guern. cami'on (cf. 7mon, 112), enfant gäte, petit favori;
colin-maillard (47): Agde ai/o viilotuiro („chatte qui miaule"?), Dauph. chatomito borlyo „chatte aveugie", et Alpes chatamusa, propr. chatte; cf. Pic. cairabeuse, id. (> catabuse = catamuse).
90. Emploi pejoratif:
entremetteur de mariages (78): pr. chamarrot (= bavard, 87);
fille (surtout en mauvaise part): Yen. catamoise (= pr. chata- musa) ;
foule (= marmaille): Mil. catobolda, Berg, gatibolda (pour le terme final, cf. anc. fr, miaidder, miauler); pr. caramagnado (cara- bagnado), grande quantite (= portee d'une chatte);
ramoneur ambulant (= vagabond, 63): Vosges caramagyia (Mess. caramogna), ^tameur ambulant, Mouzonnais charamotcgne, ra- moneur, propr. lodeur comme un chat (== r^x. caratnagno, 81*), fr. carmagnol, ramoneur savoyard (cf. Littre, SiippL), puis car- magnole, vetement et ronde r^volutionnaires.
91. Injures et sobriquets: pr. caiamarret , terme injurieux que les enfants ä Aix adressaient aux Juifs, en simulant une oreille de porc avec le pan de leur habit, repondant au Lyon, carramiaic (courramiau), surnom donne aux habitants de St.-Chamond („chat qui gronde"); Pic. carimoireau , sobriquet des habitants de Bertangle (= sorciers, V. ci-dessous).
92. Emploi euphemique:
croque-mitaine : Frioul giatemarangule (dim. de * giatemara = pr. catomiauro); esp. catarana, epouvantail (81^^);
sorcier (qui prenait, comme le diable, la figure d'un chat noir): Poit. chamaraud („chat-matou", d'oü enchainarauder, encha- barauder, ensorceler), Pic. caumaro (carimaro, carimouero), sorcier et bohemien, anc. fr. caramara (Cotgr.), auj. Lille, id.; H. -Italic cairamonaccia, sortilege, propr. sorciere (= chatte, 87).
C. Composes latents.
93. Nous allons grouper sous ce titre tous les composes dans lesquels le premier element, le reflet roman de catius, perdant peu ä peu son sens propre, a fini par representer une valeur intensive ou pejorative. C'est ainsi que le fr. dial. caborgJie (caliborgne) ne dit en apparence ni plus ni moins que borgne tout seul, et que le pr. caborno est simplement synonyme de borno. Cet affaiblissemeut graduel de la notion chat constitue un phenomene semantique de la plus haute importance, et pour en marquer les etapes successives, nous tächerons d'accurauler les exemples qui appartiennent principalement
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aux patois, mais dont plusieurs ont penetie dans la langue litteraire.
Pour embrasser les phenomenes de cet ordre dans leur generalite, il faudrait empieter sur le domaine setnantique des notions chien et cochon; en reservant les cas similaires se rapportant ä ces derniers, nous ne tiendrons pour le moment compte que des faits relatifs au chat, malgre les rapports intimes qui l'unissent avec le chien et rendent parfois inseparable leur etude meta- phorique.
Voici maintenant l'analyse des composes latents particuliers surtout au proven^al et au fran^ais.
94. En proven^al:
caborno, ä cote de calaborno et caiahorno, cavite, creux, trou, meme sens que borno, primitivement trou de chat; de la, les accep- tions' de taniere (pr.), cabane (patois du Centre), ruche d'abeiiles (May. calibourne, ä cote du Berr. borgnofi), campanule (Bessin cali- bourne), etc.; 2
cabougno, ä cote de carabougno, creux d'un arbre pourri, meme sens que bougno, ä l'instar du Berr. cabouinoiie, cachette, trou {== botnnoite);
cafourno, ä c6te de caiaforno et gatihorno, repaire, recoin, propr. fourneau de chat, cette bete aimant ä se fourrer derriere les cheminees et les fours (cf. allem. Katzeirh'ölle , fournaise derriere le fourneau): Pas-de-Cal. cafourneau, petit fourneau etabli sous un four; Geneve faire le cafournet, se dit des femmes qui se tiennent comme accroupies sur leurs chaufferettes (Sav. se ca/ourner, se cacher); ^^oxi. cafurna, meme sens que /ur/ia, grotte, caverne (V. Coelho, Diccion. eti7noI.), emprant fait au provencpal ;
capigiiä (chapigna), ä c6t6 de carpignä (charpigna), se disputer, en parlant des femmes et des enfants, propr. peigner un chat (cf penchitid la cato, se quereller, et fr. pop. se peigner, se prendre aux cheveux); anc. fr. et dial. capigfier (chapigner, charpigner), se battre; cf. anc. fr. pignechat, taquin , et Geneve voilä oü les chats se peignent, voilä oü est la difficulte;
catacournüle, Forez, bluet (= cournillo), fleur appelee en pr. „langue de chat";
chabaire, Limousin, debattre, propr. se disputer a la fa^on des chats (batailleurs et querelleurs, 62).
95. En italien, la plupart des composes latents se rapportent a la notion chien; les quelques exemples patois concernant le chat seraient:
^ Cdbourne designe dans Rabelais (II, 7: le cabourne des briffaulx), un chapeau profond tel que le portaient certains ordres de meines: ce sens du mot qui repond au Polt, cabourne, bouge, est fond6 sur le rapport semantique entre les notions cabane et vetement; cf. Poit. bourgnon, coiffe, propr. ruche.
2 Schuchardt {Romanische Etym., II, 139, 141) voit dans le pr. caborno, ainsi que dans caforno (V. plusbas), tous deux inconnus ä l'ancien proven9al, des d6riv6s du lat. caverna.
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agaruffarsi, se quereller, propr. se disputer ' ä la maniere des Chats (cf. pr. capignä, 94) ;
garusola (garösula), Mantoue, coquelicot (= Padoue rosola, Dauph. rousola), propr. chat-coquelicot ou pavot des champs, a l'instar du Lorr. catecolinjo, du Norm. cotecoUnco, id.; cf. allem. Katzen- Tuagen, id. (oü tnagen repond a VaWexa. Mohn, Pic. ma/wn);'^ et les noms siciliens de plantes tels que: caiaciiru, ä cötd de calacitni, oseille (plante ä saveur acide), et catatufulu, pomme de terre, propr. chatte-tubercule, c'est-ä-dire bulbe pareil ä la tete d'un chat (55^).
96. Les patois des Abruzzes, de Naples et de Sicile possedent, il est vrai, un certain nombre de composes commen^ant par cata, dont la valeur est egalement intensive: Abr. caiahisse et catafunne, abime (cf. it. catafosso); Naples catacogliere , d'oü le toscan catacoUo, emprunt du XV® siecle (comme son contemporain catafascio)', Sic. cataniusu, ennuyeux, caiaminari (Abr. catametiarsi), se demener, etc. Mais l'element initial de ces composes est un reflet de l'influence grecque dans le midi de l'Italie.s
97. En fran9ais (dialectal):
catimuron. Norm. d'Yeres, müre sauvage („ chatte -müre"), ou fruit de la ronce (Hainaut), appelee ä Doubs mtire de chat et ä Fribourg isaia niiama , chatte qui miaule (Roll., Flore, V, 190); cf. port. caiapereiro, poirier sauvage;
chabourrer, Berry, gronder (= hourrer, cf. 73), propr. gronder comme un chat, et chafourrer, effrayer, chasser avec des cris (d'un *fourrer, gronder, cf. gatifourro, 73), a l'instar de Vii. galta/urato „ spaventato da un gatto" ;
chabranler, Berry, se balancer (pr. sahranlä, ebranler = etre remuant comme un chat) et chahranloire , escarpolette rustique, appelee en Bourgogne cabalance (calbalance) et en wall, cablance', cf. Lyon, gagnivelö, balancer (de niveU, niveler) ;
chabroUer, Berry, gratter (spec. avec la pointe d'un couteau), et chacrotter, gratter leg^rement la terre (habitude des chats avant de satisfaire leurs besoins) ;
choffourrer, anc. fr. griffonner (sens garde par les patois, d'oüi fr. pop. se chafourrer, s'cgratigner), et H.-Maine fouiller, bouleverser (d'un verbe fourrer, fouiller; cf. Vosges chafouretks, lieux d'aisance) ;
chafuler. Norm. d'Yeres, effrayer la volaille (= siffler comme le chat en colere) , et Berr. chafuthi , dispute (yid\\. cafut, bagarre);
chafrigner (chafrogner), Clairvaux, faire le degoüte (chafrognous, difficile ä nourrir, delicat), et Yon. chafrignard, grognon;
* Caix {Studi, n" 297) se demande si agaruffarsi ne serait pas un com- promis entre garrire et arruffare.
2 Le premier terme des composes siciliens, comme caragiai, geai, et carcarazza, pie, est de la meme nature onomatopeique que le fr. carcailler, Poit. cracasser, crier comme la pie ou le geai.
^ Voir, pour le sicilien, Avolio, Introduzione allo stttdio del dialetto siciUano, Noto, 1882, p. 33; et pour le napolitain, D' Ambra, au mot cata.
A*
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cha/rtoler, fr. pop., se montrer tout rejoui, se complaire (em- ployc dans cc sens par Balzac) , de l'anc. fr. et dial. äffriolerf etre friand {comrae un chat) ; cf. Poitou chafoicrni, satisfait ;
chatourne, Norm., soufflet, litt, tournoiement de chat (qu'on croyait expose au vertige, 75), et Perigord chataurelhat , taloche („chat ou coup sur l'oreille"); cf. torgnole (torniole) , id., et allem. Kalzenkopf, taloche.
98. Envisageons, en dernier Heu, ceux des composes patois qui ont pen6tre dans la langue litteraire. Gräce a cette circonstance, ils ont a peu pres seuls attire i'attention sur le probleme de leur origine, que le manque d'une vue d'ensemble rendait presque insoluble. 11 s'agit d'uri certain nombre de mots fran(;ais com- menyant par ca (amplifie en cal, cali, 69), le nom anc. fr. et dial. du chat. Les voici dans leur ordre chronologique :
cahorgne, Haut-Maine, borgne, louche, ä cote du Pic. caliborgne\ le mot signifie propr. „chat borgne" et se trouve etre la traduction pure et simple d'un fait: les petits chats viennent au monde avec les paupieres closes et conservent jusqu'au dixieme jour cette cecite originelle; le vulgaire l'attribue a la häte qu'a la mere de mettre bas: „La gatta frettolosa fa i mucin ciechi", dit le proverbe Italien; de lä, les termes synonymes: Pic. calouc, May. et Yon. ca- louche, Auv. chalusc (= louche comme un chat), Poit. chaveuillon, louche (Geneve: aveugle = aveugle comme un chat), Aunis ca- mirau (Poit. mirer, regarder du coin de rosil), Lorr. calotigne, H.- Maine calorgne (chalorgne) , ce dernier se trouvant d6ja dans Eust. Deschamps (IX, 81):
S'il est bossu ou s'il est borgue, Boiteus, contrefait ou calorgne . . .
cafourchon (d'Aubigne), a cöte de calfourchon (Ronsard), caillt- fourchon (Cotgr., auj. Saintonge) , galfourchoii (Abb6 Gusteau), et moderne califourchon; le sens premier est „chat enfourche", par allusion aux minets montan t sur le dos de leur mere, habitude a laquelle se rapportent les synonymes: Sav. tsotiele, ä califourchon (= en guise de petit chat), Piem. a galalin, id.; ^x. fa las catetos, faire courte echelle (= faire les minets); cf. Blais. calibourdon, califourchon (dans le jeu de course appele „chat"), et calicalaud (d'un enfant qu'on porte sur le dos), Norm, calimoulette, id. (= mouleUe).
La locution moderne ä califourchon fut precedee par une autre, ä caleforchies, qui parait reraonter ä la fin du XIIP siecle et qui figure dans ce passage d'une traduction en vers des Miracles de Notre Dame de Chartres (dans Godefroy):
Cest Guillaume avoit en ronture (lire : routoure)
Dont il ert si rons (1.: rous) et tranchies (1.: trancliids)
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Qu'il aloit a caleforchies (1. : caleforchies) Pas avant autre et belement.^
Godefroy traduit la locution par „ä califourchon ", ce qui ne con- vient pas au sens et ne repond pas du reste au texte latin, qui porte: „Infirmitate quam rupturam nominant adeo laborat ut divari- catis semper cruribus innixus baculo tarde expedetentim vix posset incedere". Par cons6quent, aler a caleforchies signifiait marcher an ecartant les jambes, imiter en quelque sorte l'allure particuliere des chiens (cf. anc. fr. caelet, calet, petit chien ou petit chat), qui, pendant la marche, portent leur corps de travers, en faisant semblant de boiter; et le naayennois caltfourche, culbute, exprime la consequence de cette demarche oblique. Nous voyons dans les deux locutions, ancienne et moderne, des formations d'epoques difförentes et re- montant aux notions apparentees chat et chien (cf. Verduno-Chälon. canifourchon pour califourchon). Quant au bas-latin calofurcium, fourche, gibet (que Ducange cite d'apies un glossaire latin-fran9ais du XV^siecle), il n'est que la transcription du ^r. cahfourcho7i, au sens d'enfourchure;
colimagon (atteste des 1529), merae sens que limagon, forme picarde, ä cöte de calimachon, ce dernier designant au Pas -de- Calais Tescargot, spec. de la grosse espece {„vieilli, on dit plutöt limichoji", Edmont): le terrae signifie chat-limapon, par allusion ä. sa forme enroulee, ^i l'instar de l'allem. Katze, nom de plusieurs limac^ons;
calimande, sens identique ä limande, propr. chat-limande, ä cause de sa forme aplatie (cf. 37); du reste, ce terme, donne par Littre sans indication de source, ne parait pas etre populaire (il manque dans Rolland et dans les traites de peche);
calilaiide (caillebaude), Norm., flambde vive et petillante (appelee baudelle, au Pas-de-Calais), et Berr. chalibaude (charibaude) , feu de la Saint-Jean, feu de joie, propr. fouee de chat 2, peut-etre par r^miniscence du feu de la Saint-Jean, lorsqu'on lächait dans les flammes des sacs remplis de chats, dont les cris et les convulsions offraient ä la populace un spectacle amüsant, un feu de joie.
En somme, les composes qu'on vient d'analyser^ sont d'origine vulgaire et la plupart de date moderne ou recente.
^ Les corrections sont dues ä l'obligeance de M. Ant. Thomas, qui m'ccrit ä ce propos: „Gaston Paris place la traduction des Miracles par Marchant vcrs 1240 ; c'est donc Xllle sifecle qu'il faut lire dans le Dictionnaire General, au lieu de Xlle. Ma lectuie a caleforchies m'est inspiree par le contexle; j'ai imprime le texte latln sur lequel Marchant avait fait sa traduction dans la Bibliotheque de VEcole des Charte s , tome XLII, p. 505 et suiv. Ce texte porte, p. 517 . . ." (Voir la citation ci-dessus.)
"^ ,,On appelle fouee de chat, dans le pays d'Ernee, la trou})e de jeunes gens et de jeunes filles qui, apr^s avoir fleuri le lit de la fianc^c le dimanche qui prdc^de la noce , se rendent le dimanche qui suit la noce ä la ferme des epoux oü ils se livrent ä des danses et ä d'autres jeux entremeles de libations" (Dottin).
3 Nous renvoyons, pour les autres, ä l'^tude ultörieure sur le chien et le cochon.
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99. L'hypoth^se sur l'existence d'un prefixe frangais ca (cal) fut d'abord emise par Littre et reprise ensuite par Darmesteter: „La particule cal doit etre d'origine germanique, ou scandinave, ou, ce qui est moins vraisemblable, basque".i On voit quelle portee Darmesteter attribuait a la question. Presentee sous les auspices de tels maitres, l'hypothese fit fortune et les meilleurs esprits en subirent rillusion.2 Tout recemment, Nigra, en cueillant dans le champ roman une nouvelle gerbe d'exemples ä l'appui de ce prefixe ,3 appela de nouveau l'attention sur ce probl^me obscur de l'etymologie romane, Cependant, Groene s'est vainement eflforce de circonscrire la question 4 et de reduire presque ä neant l'exis- tence d'un prefixe ca (cal), et Schuchardt est dernierement venu appuyer de sa puissante originalite cette maniere de voir.s
Tout en partageant son doute sur la valeur d'une particule ca, nous diflf^rons quant ä l'explication de son point de d^part. Schuchardt considere les composes de cette categorie comme autant de fusions verbales, chaque cas particulier exigeant un compromis de nature difförente, a savoir:
cah/ourchon, compose de cahallus et fourchon [„caballus qui a ete en partie tres defigure et meconnu par les savants eux memes");
calimande, compromis entre l'allem. Kliesche, limande, et le fr. limande ;
colimagon, resultante de limacoji et de l'anc. fr. escale (escaille), a l'instar de l'anc. esp. coguerzo, d'un type coca -j- cortice.^
En principe, ce procede d'interpretation verbale, lorsqu'il n'opere pas sur des Clements homogenes et appartenant ä la m^me langue, est par trop complexe pour s'imposer a l'intelligence simpHste des masses. Les explications de ce genre exigeant un effort de memoire considerable et une erudition peu commune, forment un veritable contraste avec les eclosions de l'esprit popu- laire."? Du reste, les combinaisons lexicales citees plus haut pre- sentent de serieuses difficultes phonetiques:
califoiirchon reflechirait, dans son premier element, le lat. caballus; mais alors , comment se fait-il que dans aucun patois gallo-roraan, cahal n'ait abouti ä call et, cette supposition une fois admise, com- ment rendre compte des aspects nombreux du mot?
On ne congoit pas non plus le compromis de cali?nafide, cas vraiment singulier de fusion bilingue.
L'explication fournie pour colimagon est certainement plus
1 Forfnation des inots composes, p. 1 1 2.
2 Salverda de Grave croit tiouver en flamand l'origine de cal (V. Melanges Kern. 1903, p. 123).
3 Archivio glottologico italiano, tomes XIV et XV. * C vor A im Französischen, Strasbourg, 1888.
5 Zeitschrift, XXVII, 613 et suiv.
^ Ce dernier excmple est emprunte aux Rotn. Etym., II, 33 ; les deux aulres, d'apres la Zeitschrift.
■^ Voir les listes similaires de Caix, Studi, p. 199 ä 203.
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naturelle que le fameux type cochlo-limax , iraagm6 par Manage; mais eile n'est pas moins embarrassante sous le rapport formel.
100. II est permis peut-etre de conclure que rapparition tardive des composes de cette famille exclut tout rapprochement avec le latin, et que leur facture accuse nettement une conception originale, une creation vulgaire. Nous croyons voir, dans le premier terrae de ces composes, non pas un prefixe ou le tron^on d'un mot, mais un mot veritable qui, sous ses divers aspects, represente le reflet roman de cattus (ou de cam's). Ces formes multiples, qui ont tant surpris ceux qui en ont soulev6 le probleme, trouvent ainsi, suivant leur provenance dialectale, une explication des plus simples. De cette fa^on, le probleme, qui se presentait dans des conditions presque mysterieuses, rentre dans les cadres des faits generaux de l'etymologie romane.
Et pourtant, au point de vue semantique, cette constatation n'en est pas moins interessante. Ayant souvent joue, dans cette categorie de composes, un role purement intensif ou augmentatif et pejoratif aussi naturellement, le nom du chat est descendu ä la simple fonction d'une particule, et c'est ce qui explique l'illusion des Premiers investigateurs. Cette usure du nom de l'animal temoigne en meme temps de l'importance du chat dans la vie des peuples romans. Nous ne voyons, dans le domaine animal, que le boeuf et le cheval, betes eminemment domestiques, qui aient joue chez les anciens Grecs un role metaphorique analogue: ßovjraig, boeuf-enfant, signifie grand enfant, et &vfiög l:njtoyvc6ficov designe (dans Sophocle, Ajax, V, 148) un grand esprit, des sentiments eleves. On peut trouver des traces de metaphores pareiiles, mais empreintes d'une nuance pejorative, en anglais oü Aorse-kiss designe un baiser brutal, et horse-latigh, un rire aux eclats.
Les patois de la Suisse allemande n'ignorent, non plus, la valeur intensive du nom chat dans des composes tels que chalzgraii, chaizlaub, chatzangst (== sehr angst); cependant dans les noms de lieux, il a plutot un sens diminutif : Chatzen-See, ou Matien-See, est un petit lac, et Chatzen-Törli, petite porte (ä l'usage des pi^tons), etc.i
Mais, en realite, ce sont seulement des cas isoles et tres eloignes des applications aussi nombreuses que vari^es que certaines langues romanes ont su tirer de la notion chat. La sphere seman- tique derivant de cette source acquiert ainsi une importance speciale dans le domaine de la metaphore.
IV. Sens des noms liypocoristiques.
101. Les acceptions figures des noms enfautins du chat ne sont pas de moindre importance que cellcs des appellations propre- ment dites de l'animal qui viennent d'etre eludiees; et comrae les
* Cf. allem. Katzanker, pc^tite ancre, Katzensteg, sentier etroit (repondant au vendomois ruelle aux chats, passage tr^s 6lroit, lour d'6chelle entre deux maisons), Katzentisch, petite table, etc.
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premieres sont de beancoiip plus nombreuses que les secondes, leur Sphäre scmantiqne en est d'autant plus etendue. Nous ren- voyons, afin d'eviter des redites, aux paragraphes consacres aux noms hypocoristiques du chat (i8 ä 30), en rappelant, d'un cote, l'cchange equivalent des labiales (m, b), dont quelques noms du chat portent la trace (cf. bü et mi's, sarde baitu et fr. viaiou, port. bicho et esp. jnkho); et, de l'autre, le mouillement de la syllabe initiale (it. vnagohre et gnaolare), qui est parfois reduit ä la simple nasale (cf. fr. pop. et dial. mioche, gnioche et nioche). Ces noms hypocoristiques ddsignent:
102. En Zoologie,
a) Des poissons:
aigle marin (poisson appele encore „ratepenade", ou chauve- souris) : pr. mounino („chatte") ;
fretin (54): esp. morralla („portee d'une chatte");
lamprillon (54): Finistere minard, „gros chat" (Roll., III, 97);
merlan: pr. mouno („chatte");
squale (37); pr. maraco (Gase, mirco, Guy. märracho), esp. 7narrajo, port. marraxo\
trigle (par comparaison de sa tele cuirassee ä celle du chat): pr. mineto („petite chatte").
b) Des insectes:
larve de hanneton (37^): Meuse viacon et Guern. magot i^o^.,
m,33i);
lombric (= ver): it. mignatto („minet"), esp. mitiosa, port. minhoca (galicien monocd) ;
mite: fr. migne, mite de la cire (Duez), et inignon, id. (Furetiere), Pic. mme (mene), mite, et ininon, vers engrendres dans les viandes, les fruits, les fromages (Jouancoux);
sangsue (son Corps long assimile ä celui d'un minet) : it. ma- gnatta,^ vtignatta (bignatta) et mignella (mignera), Sic. mignetla\ port. hicha („chatte") ;
ver a soie (81): pr. et anc. fr. magnan (Rabel. II, 11: halle- boter apres les maignatis', fr. mod. magnanerie), avec les var. magna (Gard A.), magnac (H.-Loire), mogiiard (Aveyr.), magnaud (Dauph.; Ol. de Serres: magniaji, Cotgr.: magnaud), magni (Forez); magnon (Isere) et magnol (Rouergue) , tous signifiant „minet"; it. mignanna (Pi6m.) et mignaiii (Duez; Abr. magnate)', Arag. mona („chatte");
ver luisant (37 '^): Val Furva 7na7nauin, dim. de mamau, in- secte (V. gata, 37^).
c) Des oiseaux:
canard garrot (54^): pr. tnüu mieu, fr. mion (Hainaut: cri du chat), Jura mmi; port. meauca\
' Nigra, Archivio, XIV, 280.
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chouette (81''): Sarthe rniou, Isere 710 (= gno), f. gnüuca A.; Abr. nicchie (= gnicchie), Lyon, gnocca (nocca), repondant a gnouca (qui miaule) ; 1
epervier (il miaule comme un jeune chat): H.-Vienne viiau- lard A.;
goeland (cf. mouette): fr. miaulard, anc. fr. niargau („matou");
milan (d'apres le cri): \S.xa.miaiilo (miaulard), Cantal miaroii, Arden. viio-mio, pr. mietoun, Palerme miula', galicien minato, minoio (,,minet");
mouette (84^): Pic. miau (miaule, miaulis), fr. miaulard, esp. meauca; it. mignaitino („minet"), mignattone',
plongeon (70*=): Gard miauco;
vanneau (son cri est aigu et court): wall. gnaivUe (gnanwete), Toscan miciola, mivola (Ravenne felina. Roll., II, 350).
d) Certains petits felins:
belette (appelee dans les patois „petite chatte"): Vosges 7nar- colle (Lorr. harcolle), et marcolaite (margolatte; Meuse barcolelie); wall, viarcotte (May. inargotaine) et marlotwtte',
hermine (espece de belette): Norm, margotin (Roll., I, 62), propr. petit chat; cf. danois Icecät, norrois röskat (= fr. rosselet);
fouine (70 '^): Lille margoiaine (Roll., I, 60).
e) Des mammiferes:
marmotte (119): Alpes magnoto (d'oü fr. magnote), propr. minet;
singe (70^): fr. magot, gros singe (= matou) et matagot, compromis entre magot et matou,'^ singe des forains, auquel les bate- leurs apprennent mille tours de souplesse; it. micco, dim. micchetto (cf. micco-micco\ miau!), d'oü fr. mico (micou), esp.-port. mico, petit singe, ä cote de micia, guenon (Duez), propr. chatte; it. monna, mona,^ guenon [mona, une chatte, ä Venise, Duez), dim. monina (Mil. monina^ minette); anc. fr. moymeqiän, auj. mone (monin), singe ä longue queue; esp.-port. mono (mono, primitivement chat), dim. monico (monicaco, monicongo, monigote), et mo7ia {mona); pr.
^ Voir Appendice C.
2 Ce mot qu'on renconlre d'abord dans Rabelais, qui l'avait pris ä un paiois du Midi (cf. pr. matagot, chat sorcier), a beaucoup prcoccupe ses coni- mcntateurs ; voici , ä tilre de spccimen, leurs elucubratior.s ä so;i egard : Matagot, compose de Goths et fxaraiöc, et signifie des Goihs ineptes, imbcciles (Le Duchat); dans matagot, l'it. ?fiatto nous marque les foUes idees que ces matagots se forment de Dieu (Id.); de Golhs et fnatou, gros chat (qui est fou parce qu'il est en chaleur), ou de Goths et /ueza, Irans, plus que les Goths (Esmeingard); matagot doit signifier gtä mactant Gothas, ceux qui assomment les Goths, peuple hevetique (ed. Variorum); cf. Godefroy: matagot, terme d'injure tire du nom de Mathieu Got, chef des Anglais dans le Perclie au XV« si6cle ...
3 Schuchardt [Zeitschrift, XV, 96) voit dans it. esp. mona une abrdviation du turc maimoiui (qui a donne en it. mammone, 70 e), et de meme, dans gr. mod. fwvva; ce dernier est, ü notre avis, un emprunt fait au vdnilien mona, ehalte et guenon (le turc mai'tnoun a doun6 en gr. mod. /.ca'if^ov).
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motmo (mougno), chatte et guenon (Lim. singe), Quercy moino. Gase, motini (mounin), et mounard, ?)ioumno (mouneno, mougnegno), id.^
103. En botanique,
a) Des plantes:
bluet (94): pr. mounino („petit chatte");
cataire (71): pr. amistouso (Quercy mistorio) et menugueto („minette"); fr. niitietie, anc. fr. et Vosges minon, Barr, jnignofietle, May. mionette \
dentelaire (71): pr. maturlo (matucel) et viachurlo;
gesse (plante grimpante): Meuse macd, Troie marcou (Roll., Flore, IV, 209); Puy-de-Dome mioleto\
luzerne (V. trefle): Berr. mtgnoneite et St. -Pol minette (May.: hipuline);
mandragore (herbe magique): Lim. matagot (= chat sorcier) et citrouille, Berr. matagot (martagot), herbe de pic („qui passe pour enlever au pivert la force de percer le chene avec son bec", Jaubert); V. singe, 102*;
ceillet (appele dans la H. -Marne „oeillet de chat"): Lot-et- Gar. minoun („minet"); cf. fr. mignonette, mignotise (d'oü esp. mino- tisas), auj. ffiignardise ;
trefle (ses fleurs sont disposees en chatons tres serres): anc.fr. et Berr. minons, May. mitons, Oise matou, Loire-Inf. tnimi (Roll., F/ore, IV, 139).
b) Des amentacees: saule (71^): Mil. migna, H.-Italie mognon, saule poilu, Canav. ?}iusa (mudja), saule sauvage.
c) Les chatons des amentacees (55'^): pr. niagnan (du peuplier blanc), it. migna, 7nignola (de l'oranger) et tnigno, mignolo (de l'oli- vier), Norm. Calvados mignette et minot, Berr. mignon et mi7ion (Ain mnon), Bess. minet, Suisse minette (du saule), Cher mino (nino A.), Creuse minodou (= minaud: de saule A.) et wall, minow, it. miciolo (du chätaignier), Vendome mijui^ May. mitons', Sav. mire, miron, Isere mirotm; cf. allem, dial. (Lausitz) minzel, hiselchen, id.
d) Termes relatifs a la vigne:
brouillard (qui fletrit les vignes): Fr.-Comte ?nagniji (Roll., III, 239); cf. Forez magni, ver ä soie (105^);
elaguer (55*^): it. miagolare, Mil. gnaidari (= chatter) et viognä (= gatinä, 55^);
greife (V. marcotte): pr. vieiio („chatte", et race, espece); cf. anc. fr. mine, souche;
marcotte (71''; cf. couper les branches d'un arbre en dos de chat): marcotte (1398: mar cot; Ol. de Serres: marquote et margote) et margotte, propr. chatte, d'oü it. margotta (margotto),^ ä cote
^ Voir Appendice B.
* Menage et Diez fönt remonter marcotte au lat. mergus, provin.
59
de margolato (= fr. dial. tnargolate, primitivement chatte, forme parallele ä marcotie, 102*=); cf. Mi), magno, id. (= minet?);
104. En agriculture, tas de ble (40): Lyon, mia^i (myo), Sav. tjiya, pr. minei; cf. fr. marcottin (raargotin), pelit fagot (V. marcoite, 102^), et Poit. niioche (gnioche), tas de fagots, propr. minet; Pia- cenza morgtion, tas de gerbes (= matou).
105. En meteorologie, nuage pr6curseur de la pluie (cf. 58): Poit. maragot, nuage qui arrive du cote de la mer (Favre), et maiagot (martagot), bände de nuages qui parait le soir a Thorizon du cote de l'ouest (Laianne); ce sont des comprorais entre marou et magoi („matou") d'un cote, entre viaiou et 7nagot de l'autre (V. singe, 102*=).
106. Applications techniques,
a) Outils, d'apres la forme exterieure: chenet (83): Clairvaux minet;
cuve (sur pieds et munie d'anses, assimilee ä un minet): Sic. mucinu („bigoncia da someggiar 1' uva''), 7imdna (,,colatojo del mosto"), propr. jeune chat, jeune chatte.
Ou d'apres la forme recourbee:
crochet (65): esp. mozo („chat"), et battoir de blanchisseuse; port. bicheiro, gaffe;
pelle (pour tisonner): Mayen, rouaiide, pelle pour tirer la braise du four (de rouauder, miauler tres fort, 10);
verrou d'une serrure (cf. gatillon, gächette 52*^): it. honcineJlo, propr. petit chat {boncio).
b) Termes pour fourrure et choses fourrees:
bonnet (fourre): Norm. Calvad. mignette, bonnet de fillette entoure d'une bände de fourrure (de Guer), Sic. mimi, coiffe; cf. wall, madou, bonnet d'enfant fait d'une petite piece d'etofie (= matou?);
duvet (44): Berr. mine, plume et aigrette des graines, et Pic. minon (wall. Mons minou, St.-Pol. mirioule), duvet, poils ou filaments cotonneux de certains graines, et St.-Pol ininine (minou, minoute), poils legers provenant de l'usure des Stoffes; cf. allem. Btise, id.;
fourrure (59'^): Norm, minot, St.-Pol. minoute; pr. minet, manchen, Sav. minon (wall, minou), tour de cou en fourrure; anc. fr. miton (XV*^ s.), Sorte de raanchettes (Poitou et Jura, manchon; Morv., manche de gilet, May., cache-nez); fr. dial. mitiiisses, espece de bas Sans pieds (Littre, Suppl.);
gant (les griffes du chat sont emboitees dans une membrane d'oii elles rentrent et sortent comme fönt les doigts d'un gant): anc. fr. et dial. (Berr., Poit., Fr.-C, Suisse) mite, sorte de gants
6o
laissant le bout des doigts ä decouvert (= chatte), mitaine (XII® s.: mittaine), id.,^ Suisse inettana (bettana), et tniioufle, id. (Oudin);'-'
Velours (cf. patte de velours): r6to-r. minna („minette?") et Pic. mino7i, passementeries veloutees avec lesquelles on borde les toilettes feminines.
107. Faits concernant la vie physique du chal:
etre en chaleur (60): Berr., Poit. majaiider, miauler (du matou en rut), et allet- en viaraiide, du chat (Deux Sevres: des garcpons) que l'amour fait courir (cf. it. andare i7i gattesco, 60); Liege marcoukr (wall, marcotter), appeler le matou (se dit d'une chatte); anc. fr. viargauder, s'accoupler, des chats (Mayen, courir apres les femmes); wall. Mons marouler, crier comrae des chats en rut (et rechercher les femmes, chercher ä se marier), Jura ?natouIer, courir le chat; ■^x.minound, s'ebattre avec les matous; \,oxx.raouer, courir le guille- dou; May. rouoder ou rander (Maine rouodir, raudir), courir le monde (de rouaud ou raud, chat en rat, 26), propr. roder comme un chat: de la, anc. fr. raudir (XV^ s.), XQ.06.. roder"^, courir c;a et lä, parcourir (XVP s.); Lyon ww, courtiser, faire ramour, li.mionzo, un amoureux (Diez);
chatter (60) : pr. minounä, anc. fr. et Norm. 7nito7vier, Bas-Valais feludza [cL fei, chat, 26);
gronder (60): May. mionner, parier entre ses dents (Amyot: fredonner), Bresse viiauner, fredonner (= miauler); Norm, romafic/ier (Bessin r'manchier, '^\?i)\ romancer) , grommeler*, Ven. rammafizina (romancina), gronderie (d'oü it. ramanzina, semonce); de la, les notions d6rivees:
pleurnicher (84): fr. miauler (Lacurne biaukr, crier, des enfants) et niiailler (Chälon. miller, crier d'une maniere per^ante), it. niiago- lare, Vqti. gtiaular (sgnaolar), Bol. gnular; Sav. mionner (pr. inian, plaintes), Piem. gnaogne, gnogne, gemir (== miauler), Brescia g7iegna, Marches g7iag7iera (Abr., Rom. g7iagnara), pleurnicherie et miaule- ment (aussi bout de la queue du chat qu'on mutile pour l'empecher
^ Manage: ,,Je crois que le mot mitames (gands d'hiver qiii sont fourres) a cte fait de celui de rn/^e , dans la signification de chat, par ce qu'on fait oidinairement les mitaines de peau de chat. Les Latins ont dit de meme galea, de yaXtT] , ä cause qu'on fourroit les casques de peau de chat." Le Suffixe -aine, se retrouve dans margotaine (102 d), dans croque-mitaine (126b) et dans tnarmotaine (II9). Le mot remontant ä la fin du Xlle siecle (date du Partejtopetis), liouve un pendant chronologique dans cateron (131 h), deux des plus anciennes metaphores tirees de le notion „chal".
2 Diez derive viitahie de l'allem. Mitte, milieu (c.-ä-d. gant divise en deux moiti^s); Körting pose un type tnedtetada7ia (d'oü mitoye7t7ie).
3 Diez tire l'anc. fr. raudir, med. r6der, du lat. rotare ( qui a donne rouei-); Cohn (V. Koerting s. v. rabies), du lat. rodere (qui a donnd l'anc. fr. rore, ronger), et Koerting (s. v. rotare), d'un type räbidare (qui serait la base de l'anc. fr. reder, deiirer).
* May. ro7nancines (roumancines) , moustaches du chat (cf. ro7nioner, gronder, lO), appslees encore grondoueres ou sentoueres (cf. sentement, odeur), Norm. t7iingr olles et Mil. 77iis7naffi („moustaches de chat").
6i
de miauler), IMonferr. gnero, enfant qu pleurniche; Come inorgnä (Rom. gnorgne) et Naples regnolejare (== miauler); Norm, micher^, Kora. g?!Üc/ie {Bo\. gm'ccar), it. 7i/cchiare, se plaindre tout bas, des femmes en couches (= miauler) 2; et
mendier: May. miander, miauler pour demander a manger, et Venise gnaolar (sgnaolar), demander l'aumöne; St.-Etienne (Forez) miaolant, quemandeur („comme un chat qui miaule pour avoir un morceau"); Norm, millatid, mendiant (de milier, V. pleurnicher) et Sic. minnicu, id. („minnet"); Vosges raviiner, quemander (et se plaindre constamment); cf. Suisse allem, mauen, mendier (= miauler), et räuleii, id. (= routonner);
s'accroupir (60): Naples muchio viiichio, tout blotti (= it. gatton gattone);
cacher (r^ s'accroupir): Suisse viirihi, mettre ä couvert (de mire, chat); cf. ^x. fa meuco, se cacher (dvi soleil), Gi fa gnau, se montrer subitement;
envelopper (= cacher): fr. amitonner (Duez: rinchiuso e ca- muflfato nella pelle come una gatta), enimito7iner et eminitoufler ^ (Pic, Norm, amisioufler) ;
grignoter (les chafs ne peuvent manger que lentement et diffi- cilement) : Pic. mier, mioter, Marne (Gaye) iniouler, macher lentement comme fönt les vieilles gens; -^x. gnaii, coup de dent, et gnaugtia, pignocher; Norm, miomter, manger avidement (May.: sucer sa langue, remuer la bouche, en parlant des enfants); de lä, la notion de:
pätee (panade): May. miamia, nourriture des petits enfants, et miachee, pätee pour les chats (Pic. miache, aliment), Plechatel mü (mye) et Vendome mtot (myö), fr. miaulee, pain emiette dans du vin ou dans du lait (Troyes: ce qu'on mäche avant de le donner aux petits chats, Grosley); pr. miato (gnato), miette de pain et pain grossier {biaio, aumone) ; anc. fr. mioche (Yon. gnioiiche) et mion (auj. Poitou), miette de pain, ä l'instar du Norm, iiiiton^ morceau de mie (fr. partie molle de pain): soupe aux müons ou ynüonnee {?\k.ch. milrowiee), panade qui est restee longtemps sur le feu;* faire mltottner un potage, faire bouillir et tremper lentement le pain dans le bouillon sur le rechaud (Oudin), d'oü fig. müontier, disposer ou preparer lentement, prendre grand soin;
ramper (84): Clairv. miaou (marcher, aller ä), marcher courbe, soit pour dissimuler, soit pour cause de vieillesse ou de douleur.
^ A la forme r6duite nicher se rapporte le second element du fr. mod. pleurnicher (1774), corapos6 synonymique ä l'instar du port. choramigar, dans lequel migar est la forme renforcee de miar, miauler (esp. tniagar, 8); l'it. dial. gniccar remonte ä *miccar (cf. micco, miau).
'^ Peri {Miscellanea Ascoli, 440) fait remonter it. Jiicchiare, gemir, h. un type nicticulare.
2 Diez met einmitoufler en rapport avec le lat. amictus, enveloppe.
* De lä, aussi, Norm, niiton, poire pr6coce (Dubois), Reims mitofi, bain d'eau ti^de {mitonner. faire un miton , laisser s'atti6dir), et fr. onguent müon- mitaine (= minet-minelte), rcm^de qui ne fait ni bien ni mal.
62
108. Ajoutons:
chatiere (6i): Sic. vmcüduni, bonge, propr. (trou de) rainet;
lucarne: Terraman. maitarole (chattiere?);
vacarme (78): Vendome ravaud, May. racaut, rut des chats et bruit dont on ne connait pas la cause (de ravaiil, racau, chatte en chaleur, 26); de lä, anc. fr. ravatidis, tapage.
109. Faits concernant sa vie morale:
caresser (86): Pic. atniauler, propr. flatter en miaulant, Norm. amioier, et fr. pop. roni-onner, cajoler; Abr. maule (mavele), cajolerie (= miaulement), et Mantoue gnola , Piem. gnaogne, gnogrie, pr. gnougnd (= miauler); Mayen, miner,^ Bol. mnein, cajoleur; anc. fr. et dial. mignarder, viignoritier, mignoter et inignauder (130); Naples gnuoccole,- cajoleries {== mignoccole, V. sot, iio), Sic. minnicaria, caresse (== chatterie), et tnuchiltt, caressant (= minet); Suisse mirihi (de niire, minet) et viitihi, May. milonner, amidonner (de niite^ jniion, minet) ;
convoiter: Morv. mionner et fr. 7niauler (Oudin: Tu as beau miauler, tu as beau souhaiter . . .);
fächer (se, 62): Berr. marauder, et May. se dimiter, propr. se mettre en colere comme un chat (cf. esp. estar de morros, bouder) ;
flairer (queter): Sic. affutari, propr. siffler (du chat en colere); cf. lt. fiutare;
lambiner: Ahr. mufid (musciä); V. languissant, iio;
griser (se, 62): Plech. j^ ?nmer (d'oü mi'ne'e, pointe d'ivresse); pr. caiga la mineio, propr. charger la minette (et prene la miato, attraper la chatte?); catal. mix, ivre („minet"), et esp. mona, cuite („chatte"); cf. Suisse allem. Biiseli, cuite lagere (== minet);
taire (se, 62): muci! (bucü), mucio! silence! (= minet); May. demine, tout douceraent, et fr. pop. minon-mineite (entrer en), ä la derobee comme une chatte.
110. Epithetes :
affecte (cf. hypocrite): May. 7niaulou, id., et wall, viiauler, faire des mines d'affeterie (Remacle) ; pr. miafi, fa^ons (= miaulement), Ven. viiascio (smiascio), it. smiacio (smacio, smagio), id.; it. dial. morgne, ?}iogne (mone, moine), mines, dim. f?iorgnine (Cöme; Mil. gfiorgne), mognine („minauderies", Duez), et monine, id.; Brescia viignone (minone) et Frioul inignogiiulis (Napl. gnuognole), fa^ons, et Venise gnagneo, id., Genes gnagtiue et filecche („chatteries": cf. filippe, 26); pr. vmieto, mines (riwiouno, chatterie), et mi7-otm-}nirello, simagrees (= minet-minette); anc. fr. minois, minaudier, mod. mi- naiider, affecter des mines (= faire des chatteries, de ininaud, minet), et Champ. miiouries, chatteries, Norm, mascarade accompagnee d'un ceremonial burlesque („fetes populaires qu'on c616brait ä Dieppe
^ Cf. la formulette poitevine (Pineau, Folklore du Poitou, p. 469): Minet, minet, d'oü viens-tu? . . . (ceci en chatouillant le creux de la main de l'enfant); ce qui rappelle le vieux grippe-minaut (34 note).
63
le jour de l'Assomption", Moisy); port. bichancros, minauderies (= chatteries) ;
avare: wall, marou, anc. fr. viitou („matou");
bigot: pr, menet („minet") et Poit. nienette, devote (= minette); Perig. roumiu („qui ronronne");
capricieux: pr. ramagnol, remamiaii, caprice, lubie (= gronderie), et roumadau (Gase, arremido), id.; li. gnagnera, caprice (= miaule- ment) ;
colere (74): Genes futta (Lomb, fotia), id., Sic. affutu, parole violente („il soffiar del gatto in difesa", 10); de la, la notion de:
moue: Aveyr. merro („chatte"); it. boncio (chat: „botuio lo .stesso che broncio", Tommaseo);
curieux (cf. fouiller, 60): Berr. mitetix, id., et Yon. j}iitöu („jeune chat"), homme qui se mele un peu trop des details de son m6nage;
debauche (63): anc. fr. margou, coureur (= matou), et Liege viarcoieu, id.; pr. garrt, male en rut (= matou);
doux: Berr. miiou, docile (cheval ou bceuf), pr. mistoun (nistoun), apprivois6; esp. morroncho, b6nin („minet"); cf. St. -Pol minöute („minette"), tout ce qui est velu, doux au toucher; Alpes magn, Bearn minous, douillet;
entete (cf. enteie comme un chat qui vient d'etre batlu): Hague tnahoun („matou"), homme entete et morose;
friand (63): Hain, miard (miou); pr. 7nounassarie, friandise (de motinasso, minet);
gentil (87): pr. 7nagnac (raagnoun), minet (menin) et mirgaud („minet"), Bourn. megno et mino („chat");
hypocrite (87): Berr. miandoux, propr. miauleur (cf. Norm. amiau/er, tromper comme un chat); Pic. ?mte („chatte"), individu doucereux, flatteur, insinuant (Jouanc), pr. viito, chattemite; anc. fr. et Poit. miioti („matou"), hypocrite (anc. argot: mendiant qui se donnait l'air d'un malade), et miloiü7i (d'oü mitouiner, flatter), mitouflet (Mist, du viel Test., VI, 46126); Cöme morgnon (morgnin), de morgn, matou; esp. marrajo, id.;
languissant: fr. pop. guan-gnan (cf cale catie, 88), Romagne gnan, Naples gnagnoUa, Mi\. gn/g/ion; Abr. mavela mavele (cf. perde In ?natile, esser prostrato, mogio), it. tnoscio, imiscio (Ferr. moss, Sic. mussu) et mogio (Piem. mösi), tous signifiant (faible comme un) minet (24*^) •: gatta mogia (cf. Marches viorgio, mogio, hypocrite) cquivaut a l'esp. mojigato, chattemite (123);
maussade (87): Suisse gnauca, fille maussade („chatte qui miaule"), et mio7ina, qui se plaint sans cesse (de mio7iner, gronder, May. ennuyer de ses plaintes); pv. garri, mauvaise humeur („matou"), et Piem. 77iaruf (baruf, Dauph. barufo, moue), fachö, bourru (cf fr.
1 Diez hesite, pour l'it. tnoscio, enlre tnusteus et *niiiccidus; Schuchardt {Rom. Eiym. I, 58, 60) se prononce pour le premier (auquel il i^duil 6galenient mogio); Pieri [Archivio, XV, 217) voit dans tnoscio un doublet de tnosso , de tnovere, i l'instar ^q ßoscio (= flii-xus?).
64
dS2\. viarotif, maton, 19''); csp. ?nom, morrina, tristesse (= minette), et 77iurrio, triste (cf. morro, chat);
querelleur (74): \)\. garrouio , querelle {<1q garro, matou), re- pondant ä l'esp. morra, querelle, propr, chatte (= \i. gatta 51);
rusc (63): May. mi („minet"), it. gnauo, habile, adroit (Duez); esp. maula, ruse (Abr. mimda); port. bichago et marraxo (= span. ?narrajo, V. hypocrite); fr. maiois (pr. mat)y propr. matou (cf. minois de mini), Suisse 7niton (niton), malin, ä l'instar du Bessin marlon, id. (= matou, 19*"); d'oü argot inarlonserie, malice);
rustre (87): May. marcou, homme grossier (,,matou"), et fr. mato7i (Oudin: un gros matou de gouttiere, un gros gar(;on, un bon lourdaud) ;
sot (51): Suisse matou, stupide; 1 \t tnignocco, un badin (Duez), d'ou gnocco, niais; fr. viinon, simple (dans altrape-minon), Sic. minnuni (minnali), Gallure juimianu, Sassari mignonu (V. Ärchivio, XIV, 399), ä cöte du Sic. gnognu (niais et ruse), gnignu, gnegnu (it. gne gne, sot, et gnegnero^ jugeotte), '^ovo.. gnagn, Brescia gnagno (niais et finaud), Venise gnagnao, niais; anc. fr. 7nion (Oudin), Sic. miuhmi (de miulu, miau), Rom. 7niaca, sottise; Berr., Sav. nioche (Lyon. gnioche = mtoche, 112); Naples »zz/^/hö;/^ („matou");
vagabond (63): May. 77'Jao, id. (r/iiaoder, roder), pr. 77iag7n7i (Mil. mogniti), vaurien; wall. 77iargoul, vaurien {tnargou, matou), Chälon. 7)iargouli7t, rodeur (pr. ouvrier jeune et petit charretier. Norm, petit marchand forain, Lyon, colporteur) ;
voleur (51): M\\. gnao, Tarme gnaii/a7-, voler (faelgnao = fa el gat), et Berg, migni „minet"; Yonn. marlotif (de marlou, matou); anc. fr. 77iatois (cf. langue matoise), auj. malin (V. rus6).
111. Maladies:
crasse (les minets en sont souvent couverts): wall. meTie (= 77ii7ie, chatte), crasse sur la tete des nouveaux-nes;
fievre (petite): Yrionl gnagiiara (Mil. malaise, it. aversion), Parme gnignetta, legere Indisposition;
louche (cf. chassieux, 75): Sic. miciu, propr. minet (99); Bio. ininon, myope (== jeune chat);
moisir (88): 'Qexx. gnioler (= miauler) et Pas-de-Cal. 7iiiuler (biuler) ; Vic. 7>iino7is (wall. Mons 77miou, St. -Pol 77ii7iotite) , moisissure en forme de duvet (comme sur les confitures).
112. Emploi hypocoristique, a) Applique aux personnes:
enfant (89): Berr. mias (= mya) et 77iiaille (miaillon), Norm.
J- Cf. le mal Tibaut mitaine, etre sot (Oudin), peut-etre le mal du chat Tibaut (ou Tibert, nom du chat dans le Roman de Renart): „Dieu gard de t?tal Thibaut mitaine'''' (Rabel. IT, ll).
- Suivant Caix, Pieri et Salvioni [Romania, XXVIII, 97), le ^\z. gnegnu (gnignu) , jugeotte , remonterait au lat. ingeninm. Ct. pour la finale du derive gnegnero , la forme parallele g7iagnera, caprice (lio), Tun et l'autre derivant des verbes patois gnagna (= pr. miana, 7) et gnegnd (Genes miegna), miauler.
65
gnias igna), wall. ;«ö, bambin ; Jura mimi; fr. pop. viioche (Yon. gnioiiche = pr. miaoiicho „qui miaule"), anc. fr. (Oudin) et IMay. mion (cf. mionner, miauler), id.,i viiot (gnao), dernier ne d'une couvce, dernier enfant; Poit. niaraud, comme terrae d'amitie et comrae appellation generique (= matou, 19''); pr. menin (menit, menont), Suisse mimt, St.-Pol viinoute (terrae d'amitie donn^ aux chats et aux petits enfants): H.-Alpes meina A., Valais vujio et Aoste tnina A., Sic. viinimi, catal. viino, &v^. nino (cf. Cher vn'no et nmo, 103*^);
garc^on (89): AIpes-Mar. magnan, Lyon, magnaud („fils aine", VendCme meniau, grand gar^on, maigre = matou), H.-Sav. megna (mgna), Suisse tnegnot (menot, menolet), esp.-port. nienino (d'oii fr. menin, auj. Berr. menin, enfant); Suisse minö (minolet), Pyr.-Or. mignou (Lim. viignerouji, enfant gätc) et mine A.; port. mogo , esp. mozo (dim. miuhacho, Arag. viesachd), propr. chat,2 d'oü it. mozzo (Genes miissti), valet, fr. moiisse (terrae de raarine, emprunt du XVP s.; auj. JNIay. monsse, petit gargon espiegle, dim. Vendöme moussepin, moussepion, galopin), pr. j7iossi, bambin (et mouchacJio, enfant des- agr^able); pr. margoulin, gamin, et argoulet (= margoulet), bambin, propr. jeune chat;
fiUe (89): Jura migna (Berr. mogne^ et fr. minette (Hainaut: petite fille delicate); esp. moza (port. vioga), d'oii it. mozza, fiUette (= chatte); esp. morra, minette (terrae d'amitie);
frere (lai): port. marrufo (cf. fr. marouf, „matou"), frere lai qui a soin du refectoire (cf Hain, cat d'ermile, ceux qui faisaient le menage dans la cuisine du couvent des carraes);
patron (47): it. boJicio (Pulci), litt, chat; port. hichago, gros bonnet (= gros chat);
poupee: pr. mico („chatte"), et menino („fillelte").
b) Applique aux animaux:
lapin: Chätenois miqui (et mico! pour l'appeler); veau (qui tette): Abr. migiarole (de mige, min et); cf. Suisse allem. Buseli, veau d'un an (= minet).
113. Noras de parent^ (comme termes d'amitie):
grand pere (et grand' raere): pr. minet (menin), grand pcre, Liraagne migno (mino), grand' mere, Berr. mignon (appliqu6 ä tous les deux); Sarde (Gal.) minnanu, grand pere, et Corse vwinona (Udine ?7ienond), grand' mere;
pere (et mere): H.-Italie 71ms c , 77iosc, propr. chat, f. 77iuscia, tnugia (cf Tappolet, 35);
^ On d^rive gendralement mion, mioche, bambin, de mie, miette.
* Suivant Guyer (dans Manage), „mozo, jeune gar^on , a 6t6 form6 de mustus , c'est-ä-dire novus", et cette etymologie a passe dans Diez; on a ^galement propos6 des types comme muticus et mutius (= mutilus ; cf. Koer- ting). Voir sur les difficultcs phonetiques des pareilles dcrivalions, D. M. Ford, The old spanish sibilants, Boston, 1900, p. 76 s.
Beiheft zur Ztschr. für rom. Phil. I. e
66
tante: anc. fr. amisie (= la miste), Motivier (manque dans Godefroy) ; it. inagna (Duez : mot lombard), auj. Piem, migna, Gase. motmoune (= petit chatte; cf. Bayon. megnune, oncle).
114. Noms de divers jeux (77):
anc. fr. mine, jeu de des {Renart le Nouvel, 4558), et minette (auj. Pic, jeu de boire); it. minella, jeu de trou-madame (Duez) et minnone, jeu de cartes (Duez; deja dans le Pataffio, III, 38); cf. Mantoue mignin, brisque (= minet), Arag. mona, id., ä cöte du fr. misti (mistigri), le trente-et-un (appele aussi mistroii) et valet de trefle (au jeu de brelan); Piera. mitoccia, jeu de tarots (cf. mitoiuhe, fem. de viitou, matou, 132), et esp. morra („minette"), jeu de la mourre, jeu de defi qui passa de l'Espagne (cf. morra, querelle, iio, et andar alla morra, se battre) en Italie et en France (Rabel. IV, 14: Les paiges jouoient ä la mourre a belles chiquenauldes) ;
Colin -maillard (8g ^): pr. minet-minet, id., et marcou („chat"), jeu oü Ton se poursuit en criant marcou! cf. Clairv. viisseratide, l'enfant a qui Ton a bände les yeux (il crie: cK lai misseraude!) et Vosges creuye d'mitä, croix de matou, jeu enfantin („signe ou croix trace sur la terre pour effrayer ou faire passer l'adversaire, lui faire man quer son coup", Sauve); cf. Suisse allem. Büseli, ?nach miau, id.
115. Empioi pejoratif:
chaudronnier ambulant (90): anc. fr. iJiaignan (Rabelais, Pro- nositcat. 5: lanterniers, maignins), it. magna^to, serrurier, Pic. magna- que, Suisse, Jura magnin, fr. magnier, chaudronnier (Bearn magni, ramoneur, ^\.V>owxxi.megnin, retaraeur); ci. QX?iSxv. matou chaudronnia! injure dont les enfants poursuivent les chaudronniers ambulants, etameurs, etc., et wall, de Bouillon migneroti, ferblantier qui roule par les villages; cf Parme mogn („matou" = rodeur), Suisse qui, pendant l'hiver, vend des marrons en Italie;
chiffonnier: Berr. mignaud, marchand de guenilles (mignauderie, rebut de mobilier, et ramignauder, ravauder);
novice: it. ynarruffino (de *7)iaruffo, fr. maroiif, matou, iq''), apprenti, auj. ouvrier en laine et en soie;
marmaille: sarde maiigUa, propr. engeance de chats;
usurier (78): anc. fr. mitou (= matou).
116. Empioi euphdmique,
a) Designant des personnes:
galant: anc. fr. mignon, giton du roi, et Blais. mignonne, mai- tresse (anc. fr. mignarde et mignote, d'oü it. mignota, argot mimt), Mantoue niarcone, amant (V. prostitu^e); wall, viargoulet (argoulet), petit fat, propr. petit matou (V. gar^on, 112);
maquereau: Berr. mar lau (= matou), id., Lorr., souteneur;
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man (en mauvaise part) : fr. matou et it. marcone i (Duez : la pace di marcone, la besogne de Venus), port. marco, mot d'origine argotique (V. prostituee);
mijauree (= chatte) : 'Lyon, gmgftetie et pr. miaureo („celle qui miaule"); Cöme viig7iosa\ cf. \t tnagnosa, jeune mariee (Duez);
prostituee (49): Cöme inianna (cf. pr. mian, minauderie) ; Poit. menesse, femme ou fille peu riche qui afFecte des airs de grandeur ridicule (argot, prostituee; cf. pr. 77ieno, chatte), argot mineite (Clairv.: faire ininette, caresser avec la main, pop. chatouiller, et (obscene) „lingua c. lambere vel titillare"); May. mineite, fille faineante et devergondee; anc. fr. maraude (auj. Vendee meraude , femme de mauvaise vie qui a des enfants), propr. chatte en chaleur, ä l'instar de l'anc. argot marque (terme fr^quent dans les ballades de Villon), litt, chatte, mot passe dans l'argot it., esp. et port.: Val-Soana marcona, femme, esp. marca (marcona), femme publique (cf. galant), port. marca, maquerelle.
b) Organes sexuels: ' nature de la femme (49): St. Pol. bis („minet"), et wall, minoii
(„minet"), reto-r. minna; \i. felippa (= chatte, 26) et mozza (muzza), id. (112), ieio-\. miiozza', cf. hd^s-^Wera. Mutze, prostituee (Suisse allem. Altitz, chat);
nature de l'homme: anc. fr. marguet (XV^ s., Romania, XXXIII, 573), probablement petit chat mfile (cf. anc. fr. margou, matou).
c) Etres imaginaires: epouvantail (92): Mil. et Monferr. »w^7/ß« („chat"); Berg. 7«a(? (= miao); cf. Naples ^«(^«arzr^, ensorceler (= enchamarauder, 92).
d) Interjections (50): pr. miau (gnau)! nenni! bernique! fr. minon! minon ! (Oudin: dont on se sert pour refuser a une personne ce qu'elle demande); ii.micio! (per micio!), mucia! pardi!
117. Applications isolees:
balle (comparee ä une chatte pelotonnee): it. bonciana (de boncia, chatte, 23^=); cf allem. Katze (Katzball), eteuf, et katzen, jouer ä la paume;
colle (coller = cramponner? cf. 59*^): matou- colle, sorte de colle, et marouf (maroufle), colle forte (1628), propr. matou;
fanons (ces excroissances etant comparees a des chatons): Mil. magnaio („minet") et Frioul mingul (id.);
gäteau (79): Berr. miasse, miat, tarte faite avec des fruits (= pätee, 107), it. bonciarella, gaufre,2 propr. petite chatte (de boncia, chatte, 23=); cf. Liege mirou („chat"), gäteau ayant la forme d'un O ou d'un S;
gourdin (son renflement compar6 ä la tete d'un chat) : wall. viarlouf (Yonne, matou); cf angl. cat-stick, Crosse pour jouer;
* On rapproche marcone du lat. marculns, marcus , martcau, pris dans un sens obscene (V. Koerting).
* Suivant Caix {Studi, 212), bonciarella ddriverait du lat. buccella, bouch6e.
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instruraent de musique (son outre coraparc a un chat enflc, 7q): anc. fr, vmse, mod. musette (XIIPs.), primitivemcnt petite chatte (24'=);
monnaie (45): anc. fr. 7nite, mitle, mod. mitaille, mitraille, petite monnaie (1295: tnilaille, 1375: mis{raiUe)\ Naples migJiole, mognole., argent (cf. argent migno7i);
oeil brillant: Bearn aeil d'arnaout (=r chat male, 25), oei! grand ouvert; ha bist Varnaoiä, faire luire l'oeil, jouer de la prunelle;
tas (105): Bourn. /««a („minet"), gros tas de neige amoncele par le vent (Fourgs minaii); esp. moralla, amas (= portce d'une chatte).
Ajoutons la locution: dts le patron minei,^ de tres grand matin (les chats se levant de bonne heure) , qui parait signifier des que les chats sont sur leürs pattes [patrott = pateron, dim. de pate, patte), repondant ä la locution synonyme dh que les chais seront chausses (Leroux; cf. Anc. Th. fr., VII, 144: Vous etes sortis du logis avant que les chats ne fussent chausses).
Y. Compos^s des noms hypocoristiques.
118. On a dejä releve, ä l'occasion de l'element composant ca (93), cette fonction particuliere a la notion chat, reduite ä renforcer simplement le dernier terme de la composition. Ce phenomene n'est pas etranger aux noms hypocoristiques parmi les quels 7nar, le nom patois du chat male, subit une degradation analogue. Les composes fran9ais mai-jnite et marmote (ancienne forme de niarmotte, d'oü Ton a extrait un masc. ?narmot) ne disent proprement ni plus ni moins que les simples i7iHe ou mote (mod. ?nojite, chatte); l'it. marmogio est une forme renforcee de 7nogw (primitivemcnt chat), comme l'esp. margaion est simplement l'intensif de gaion. Les uns et les autres appartiennent donc a la categorie des composes synonymiques, au meme titre que l'it. dial. mitiügatt ou l'esp. rnojigato, ce dernier repondant exactement a margaion.
Voici les notions que designe ce genre de composes:
119. En Zoologie:
marmotte (ce gros rat des Alpes s'appelle „chatte ",2 ä. cause de ses proportions qui d^passent Celles du rat ordinaire): anc. fr.
' Ou bien d^s le patron jaquet (^oxvs\.jaquet, dcuveuil =n petit chat, 70 d), avec les variantes: potron (Oadin poz'tron), petron (May.), pitroun (Hague), formes diminutives analogues.
* £n allem., la femelle de la marmotte s'appelle ,, chatte", et ;\ Salzburg, la marmotte elle-meme Mangelkatze , calandre-cliatte (V. Grimm). Quand eile est contente, la marmotte fait entendre un bruit Interieur analogue ä celui d'un chat qui file (Brehm, II, 83), d'oü l'interpretation populaire de marmotte par bete qui remue les levres ou qui marmotte; cf. allem. Murmeltier, aha. murtniinti, litt. Celle qui murmure (reto-r. murmont, id.): le murem montis, conjecturc par Bochart (dans son Hierozoicon), est purement imaginaire.
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viarviote (raarmot, marmotaine), mod. mannoite, mot originaire de la Savoie, patrie de la marmotte (cf. ?nar77iouiin, chat, 29 '^); du fr., le nom possa aux autres langues romanes (it. marmoiia et ynarmotto);
singe (102^): fr. viarmot^ (XV^ s.), ä cote de viarmioti et de marmoiise (forme conservde par le breton), dim. marmouset (XIIP s.) ; le masc. marmot est refait sur le fem. anc. fr. marmoie, guenon ; 2 cf. it. ynormicca (mormecca), guenon (= micca), ä cöte de mar- mocchio, singe, mar/not(a, guenon (tous les deux emprunt^s au fr.);
ver venimeux (102'^): Corse vialmignatia, marmignatiu, propr. mauvais ver (= chat).
120. En botanique:
coquelicot (98): Mantoue marusola (= mar-rusola), r^pondant a garusola, id. (95);
saule (103^): ix.marsauU (XI V^ s.: mar saus , XVP s.: marsaule, auj. Berry), Velay marsause {= gat- sause, 71^), graphie fr. mod. marceau (marseau), repondant au wall, minoti-sa., saule marceau (= chat-saule), et au Val-Brozzo nünügali, saule sauvage (ou epineux).
121. Applications techniques:
pelle recourbee (106^) pour tirer le sable des rivieres: pr. grato-viinaud, propr. gratte-chat;
pot oü Ton fait cuire la viande (V. cuve, io6-*): fr. viarmite (X1V*= s.) , pourvue anciennement de pieds (cf. Oudin : la marmite avec les pieds en haut, c.-ä-d. renversee), propr. chatte (123), re- pondant a l'angl. cai, ustensile de cuisine a pieds.^
122. Faits concernant la vie physique et morale du chat: agiter (s', 96): Sic. maratniari, propr. se demener en miaulant; caresser (109): anc. fr. et May. dodemmer, dodinimer (du mot
enfantin dodo, et miner, 109);
escarpolette (97): Viodhw^ minnigatta y repondant au Bern c/za- hraiiloire (97);
gronder (107): pr. re^niaumd, remoumid, grommeler ; •* Saint. roumiä, räle d'agonie (= Sic. gaitaredda, 60);
ramper (107): es^^. marramiau (ir a) Qi^l\\.7}iarabiand {üi\&\ -d); Monferr. mgnangai07i (mgnargaton, mgnavgaton), a quatre pattes;
vacarme (108): 'Lyon.rama77iiau (pr., miaulement), et esp. rimru7i, rumeur (= ronron).
123. Epithetes:
bigot (iio): ?ix\c. ir. maiegri'n, trcs devot (= chat triste) et 77iiie77ioe, litt, grimace de chat;
1 Voir Romania, XX, 550 (Bos), et XXIII, 236 (Jeanroy), oii Ton derive marmot de Tanc. fr. mer/ne, petit.
2 Voir Appe7idice B.
^ Cf. cette devinetle de la Haute-Bretagne (Sebillot, II, 42): Qui a sept pieds, quatre orcilles et une queue? — Une chatte dans une marmite.
* Suivant Hennicke {Mireio, ed. Koschwitz), ces verbes provcn^aux remonteraient au lat. ru?mnare.
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colere (iio): Motv., 'Poit. ?narmoue, litt, grimace de chat;
hypocrite (iio): a.nc. ir. tnarmi/e (= chattemite, 80; d'ou mar- viiieux),^ dont le sens premier revient dans saye marmite, sorte de soie, douce au toucher, comme la robe de la chatte; \>x. grapo- minaud (cf. anc. ix. gn'ppe-tjtinaud)', esp. margaton et viojigaio (mogato), chattemite, 2 Picm. inognaquacia („chatte aplatie" = Ven. gala- piaia, 74);
languissant (iip): it. viarmogio (barbogio), ramolli (= mogio, iio); Sic. muscmma {Kbx. juKsduiiwie) et "^ü-yAc?, 7iiusctomaiieo (forme des syn. miiscio et *matio, chat, 20) ;
louche (iii): wall, de Mons macaveide (macaveuque) , qui voit mal (surtout s'il est chassieux), propr. aveugle^ comme un chat (98);
sot (iio): Venise marmeo (== miau „minet").
124. Eraploi hypocoristique :
bambin (112): zxvc. ix. marmioji (cf. ;;/;ö«, 112);
Cache -Cache (114): Tarn maragnaii, et cri des enfants qui jouent (= miau);
Colin -maillard (114). ^Qxx. cache-mite et Cote-d'Or cache-muse, fr. cligne-musetle', cf. Morv. caühe-imsserande (dim. de misse, chatte) et Poit. Cache -mistouri (dim. de miste, chatte); Vaucluse rotwiiau A. (= chat qui ronronne) et Lauraguais miaulo-miaulo (V. Reime des langues rom., 1891, p. 271);
gamin (82): fr. "i^o^^. gromiau („gros chat") et wall, gros g/iofi, gros mignon.
125. Emploi pejoratif:
novice (115): fr. pop. mis/i£-ri, apprenti-peintre en bätiments (= chat);
vendeur de marrons (115): IMü- tnargfiac (cf. margnao, matou).
126. Emploi euphemique,
a) Organes sexuels:
membre viril (116''): anc. fr. mistigouri (cf. misiigri, chat, 20^); nature de la femme (116^): anc. ix. grob is („chat male", 30), mod. mimi.
b) Etres imaginaires:
croque-mitaine (92): pr. mamiau, cri du chat qui mord et bete qui effraie, Sic. mamau, mamiu, chat et cri du chat (Forez mamiu.
^ II sert, dans le Roman de la Rose, ä ddpeindre „la papelardie" (v. 421): Ele fait dehors le marmiteus, Si a le vis simple est piteus, Et semble saiate creature . . .
2 Cette etymologie perce d^jä dans Covarruvias: „Moj'igato, el dissimu- lado vellaco, qua es come el mizigato, qua diziendole miz, se humilla y regala, y despues da uiiarada." Voir aussi M^e Carolina Michaelis, dans le Jalir- biich für romanische und englische Litterattir, XIII, 307.
3 Hdcart: ,,Pour se moquer de ceux qui louchent, les enfants disent: Macaveule i quatre oreilles, qui saque l'bon dieu par les pieds."
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espece de lutin); pr. marmau (barbau), i ogre (= chat qui miaule); fr. croquc-7iiiiai7ie , terme moderne qui signifie le chat {initaine) qui croque las enfants desobeissants (le croque-mitaine ayant remplace l'ancien moine-hourrii), ä l'instar du wall, crahe-maive, id.; Venise marmutone (mamutone), bete noire, rdpondant au Lang, marmoidin^ Chat (ss'^);
epouvantail (iiö*^): Come mamao (maramao), Sic. marramau (marramamau , mirrimimiu) , propr. raiaulement (it. morimeo „voci di dolore", Fanfani); Sic. ;«rt/^?«/;/^, diable [cL Gcaes ?nduma „fatto stra- ordinario compiuto a caso ") , propr. chat qui miaule (Sic. f?icuuau) ; pr. rouvieco (raoumeco), espece de vampire2 (cf. roumiau, miaule- ment de chat).
c) Interjections (116'^'): Mil. inarmao! (maramao! mamao!), jamais! propr. chat (cf. 51); Vsixvae. fnaramco! peste! Naples /«arra- 7?iao! (Sic. marra?nau!), jamais! allons donc! esp. zape! que Dieu nous en preserve!
127. Applications isolees:
instrument de musique (117): ir. cornetmise (^IIV^ s), primitive- ment chatte qui gronde (Pic. corner, ronfler), mot passe en it. et en esp. {cornamusa) ;
monnaie (117): zcacAr. niarmite („chatte");
thon sale (compare plaisamment ä un chat malade) : Genes viusciammc , Sic. musciumä (muciuma), d'oix it. inosciamä (mosciame), port. nioxama (cf. Sic. miisciumao, languissant, 123).
128. Certains noms du chat, disparus a l'etat isoI6, ont trouv6 un refuge dans les composes, particulierement dans las compos6s forraes par synonymie. C'est ainsi que le dernier element du compose provenyal catimello (86) atteste la valaur primordiale du terme mello (21); le compose italien marmogio recele, dans sa finale, le nom hypocoristique mogio (24*=); l'acception primitive de niusa, ä savoir minette, r^sulte d'un compose tel que le ca.ta.]. gaüünusa (H.- Alpes chata7nusa, 8g). Les composes synonymiques peuvent ainsi fournir, ä leur tour, des renseignements destines a completer la Serie des faits deja connus.
1 Hennicke (Mireto , 6d. Koschwitz) renvoie marmau (et sa Variante marman, barian) au lat. barbain,
'^ Diez rapproche rowneco du lat. rtitna , etre devorant; Honnorat, du pr. routiiec, arbuste 6pineux, et Mistral, de rheumaticam. Voir la note de Koschwitz aux vers de Mireio, III, 299.
Troisieme Partie.
Metaphores us6es.
129. Un certain nombre de mots d'origine dialectale ont reussi ä s'introduire dans la langue litleraire, et tres souvent ä s'y maintenir, grace A l'oubli complet du sens originaire. Tout en gardant leur forme patoise, ces mots ont acquis en frant^ais des acceptions nouvelles, parfois tres eloign6es de leur signification primitive. Ce double proces, phonetique et semantique, a eu comrae resultat d'isoler dans la langue ces termes par leur forme du type general et, par leur sens nouveau, de rendre meconnaissable tout rapport entre l'origine dialectale du mot et son Evolution litteraire. Les mots qui se pr^sentent dans ces conditions con- stituent autant de metaphores usees, * lesquelles, en Opposition aux metaphores proprement dites qui ont garde le sens primitive- ment materiel de leur provenance, n'ont conserv6 que le reflet de la notion primordiale. Ce sont des applications figurees d'un sens exclusivement patois, dont la valeur primitive s'est par suite absolu- ment effacee. Aussi faut-il, pour saisir le developpement complet de cette categorie de mots, envisager les deux raoments de leur histoire: leur point de depart dans le parier populaire et leur fortune ultdrieure dans la litterature.
Voici un exemple.
Maraud parait, au XV*^ siecle, avec le sens de mendiant et de voleur, terme a la fois injurieux et plaisant comme ses syno- nymes coquin, gtieux: il appartient en propre aux patois du Centre oü il signifie „matou",2 je chat male 6tant le type du rödeur et du maün (sens argotique de maraud, en pr., espiegle). Le wall, viarou possede egalement les deux acceptions, matou et gueux, comme son deriv6 maroufle (35; Rabel. II, 5: marrouße), contemporain de maraud en litterature. L'esp. marrul/ero, ruse (port. marralhero , ä
^ Cf. Montaigne, Essais, III, 5 : „En nostre commun (= langage), il s'y rcncontre des phrases excellentes, et des metaphores, desquelles la beaule flestrit de vieillesse, et la couleur s'est ternie par maniement trop ordinaire; mais cela n'oste rien du goust ä ceulx qui ont bon nez, ny ne deroge ä la gloire de ces anciens aucteurs qui, comme il est vraysemblable, meirent premierement ces mots en ce lustre."
'^ L'historique du mot exclut le rapprochement propose avec le lat. ntas, marem (V. Zeitschrift, XXII, 487).
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cote de l'emprunt fr. iriaroto), et le sarde marnisco, remontent ä la meme source. Un autre sens dialectal de maraud, maladif (cf. Poit. maraud, qui engraisse difficilement, et port. dial. engatado, 64) penetra dans las patois de la H.-Italie (Come inarb, Berg, maras, Genes viaroitii, malade) et dans l'allemand [marode, epuis6), ce dernier durant la guerre de trente ans.
Un des synonymes de maraud, a savoir fi/ou, accuse une origine pareille: c'est un derive de fi/er, ronronner, ensuite voler, ä l'instar du parmesan gnaular, miauler et volar (iio). Dans les patois da la Mayenne et de la Savoie, filou a le sens de ruse, malin, enjoleur de filles, sans impliquer la moindre idee de vol, et cette acception premiere de filou coexiste avec Celle de „chanson d'amour" (= ronron): Pour vous endormir, la belle, j'ay dit cent fois le filou (Anc. Th. fr., IX, 221). Filou, de raeme que maraud, a penetre dans la H.-Italie (Piem. et Come filou); ajoutons que flauer (pour filouer), escroquer, est egalement d'origine dialactale (Pic, Norm, flouer, voler).
Passons maintenant aux autres metaphores tirees de la vie du chat.
I. Vie physiqiie: Parties du corps.
130. Le chat est l'image meme de la proprete, de la grace, de la gentillesse". Les termas mignon et mignard (XV*^ s.) , anc. fr. inignot, ineg7iot et minnot (XIII'^ s.), mignatdt (XIV'^ s.) et fr. mod. minaud (XVP s.), sont tires de migne (mine), le nom enfantin du chat (18); et la meme metaphore est reflechie par l'anc. fr. misie, gentil (XV^ s.), par ex. dans ces vers du Mislh-e de Viel Testament (V, 13606):
Elle est encore jeunette. Miste, gracieuse, necte.
Disparu ä la fin du XVP siecle, 7niste s'est maintenu dans certains patois (Jura miste, joli, charmant, pr. misto, mistotiliu, id.).i
131. Certaines parties du corps portent le nom du chat, dont la conformation physique a sugg^re ces appellations, a savoir:
a) Tete (caboche, cräne), celle du chat est caracteris6e par sa rondeur et nul autre animal n'a la tete si belle: esp. morro, tete (d'oii morrion, armure de tete, pass6 an fr. et en it.), corps rond, et morra, cräna (= chatte).
b) Visage (figure, air) , la physionomie du chat est tantöt intelligente et friponne, tantöt maussade et furieuse: miue (XV^ s.), Pic. mine, Clairv. mig7ie, primitivement visage de chat, applique ä
^ Menage et Diez deiivenl mignoii du vha. w/i'«7?a (minja), amour; Thurn- eysen le rapproche du cellique inin, petit; PJennicke (dans Mireio, dd. Koscli- wilz) fait remonter pr. mod. miiloutin h. un type mustellinum.
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rhomme (se laver la mim, dans le patois de Geneve), sens garde par les derives minois (XV s.), May. mmon, pr. viineto, minois (cf. Mouzon. yö/;-^ minette, faire belle figure); de la, les acceptions de figure, air (avoir une viine de chat fache) et de grimace {mines de singe). Le fr. tnine, chatte et visage de chatte,i passa au XVIIP s. en allemand et, vers la meme 6poque, en breton. Le terrae morgue, mine surtout hautaine (Norm.: visage, plutot favorable), emprunte au langued. mo7'ga, museau (V. ci-dessous), parait reraonter ä la meme notion (Montbdl. morgoii, matou),^ qui sert encore a designer le front (argot märlou, matou et front).
c) Sourcils, tres saillants chez le chat: Norm, de Bayeux caiune, d'oü caiimer, froncer les sourcils, etre de mauvaise humeur comme un chat („a Valogne, on dit catonner^\ Dum6ril), et catunas, sournois, hypocrite (Du Bois), Bessin scatuner, froncer les sourcils (cf. pr. encatuna, s'irriter, 62), regarder en dessous, et se couvrir, en parlant du temps (Joret). Le terme figure uniquement dans deux passages de la com6die Le Brave de Ba'if, dont voici le premier (ed. Marty Laveaux, III, 207):
Je vous supply, voyez sa trongne, Comme pensif il se renfrongne, Et ses chatunes il rabaisse . . .
Chatune, sourcil (auj. dans la Mayenne), repond aux formes normandes catune et catonne, id., propr. petite chatte. La figure contractee du chat en colere et les sourcils fermes lui donnent une expression terrible qui frappe l'observateur; cette attitude caracteristique a fourni, outre le terme normand, le rouergat merro, regard oblique et mena^ant (propr. chatte, 19^).
d) Bouche (surtout d'enfant ou de femme), comparee ä la jolie bouche rose du minet: Norm, tnargoulelte, May. margouline, propr. (museau de) petite chatte (cf. margou, matou); le meme terme des patois du Nord designe encore la mächoire et le menton. Le museau du chat est luisant, poli, et sa forme arrondie le distingue de celui de tous les carnassiers; c'est pourquoi cet organe porte parfois le nom du chat: pr. viozigno, tnoiino, chatte et museau (d'oü mougnond, bougonner, Pic. mougnonner, se dit du chat qui se frotte le museau contre qn. en ronronnant de plaisir); Naples 7}mg}w, museau et Sic. mugna, bouderie; pr. mourre, museau et visage renfrogne (terme introduit par Rabelais), Suisse et Sav. mor, morOi id., en rapport avec moro, chat (19*^), esp. morro, lippe (== museau), ä cöte de tiiorro, matou. Peut-etre le bas-lat. mtistis „rostrum, rictus" est-il lui -meme apparente a musius, chat (24*^), s'appliquant probablement d'abord ä cet animal et passant ensuite
* La Fontaine, en parlant de Louis XI {Oeuvres, IX, 239, ed. des Gr. Ecrivains) : Je lui trouvai la mine d'un matois; et Benserade, du chat (Ib. I, 257): Puis il s'enfarina pour deguiser sa mine . . .
2 Horning {Zeitschrift, XXI, 457 et XXVIII, 605) pose, pour morgue, un type morica (de niorem).
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au rauscau du chien, du loup, etc. Le diminuüf miisio, a l'instar de son contemporain audo (oison), suppose un primitif ?nusus, 7nusa, (hat, chatte, qu'on rencontre effectivement en roman (cf. 24"=). On trouve, a cöte de Tit. muso et du fr. r/iuseau (XIIP siecle), une forme femmine contemporaine viusa, bouche, et 7nuse, museau (dim. museqiim, XV*^ siecle, et St.-Pol mnsetie), anmser, tenir le museau tourne et fiche a quelque chose (Nicot), it. avimnsarsi, mettre le museau Tun contre l'autre, se donaer du museau comme fout plusieurs betes (Duez); ensuite, des variantes telles que: wall., Pic, Norm, mouse (d'oü niouser, bouder, et Suisse motisette, Hague bouseik, fiUette, litt, petit museau, Sav. mouson, enfant ä la mine iüt^e), pr. *?nouso, d'oü mousiga (bousiga), fouger [mousigadou et bousigaJou, boutoir) ; Pic. moiisse, levres (cf. esp. mozalhillo, blanc-bec), et bouche d'un chien (Lacombe), May. müsse, id., d'oü mwiusser, flairer (du chien) ; pr. fnusso, museau, Naples musso, levre (ammussare, bouder), et Abr. miisse, museau (Sicile musso, chat, 24'^).
e) Nuque (65): l\lorv. chacignoji, le derriere du cou, propr. chignon de chat; esp. ga/i7/o (65).
f ) Doigt, et principalement le petit doigt (== petit chat) : Bearn (dit) mi'mn (menin), esp. menique; it. mignolo (mignoro, bignoro), Combi telli muninin, propr. minet.^
g) Moelle, substance douce au toucher comme la robe d'une chatte (cf. Clairv. fliehe, rate, propr. mou, doucereux): Sav. megiiolla („minette"; cf. Qz.'&c. meuco) et Naples faA;»i^//a (== chatte- minette; cf. Venise catamellon, 80).
h) Sein (cf fr. pop. viinet, teton): Sic. Tiivvta, Naples ^ /«^««a (= minette); anc. fr. cateron,'^ bout de la mamelle, propr. petite chatte (Palsgr. chellron, minet), terme qui survit dans le Pic. cairon. Tun des quatre pis d'une vache (Poit. chet, pis d'une vache). Le mot cateroft parait une seule fois dans Aucassin et Nicolette (XIV, 20): „Fenme ne puet tant amer l'oume, con li hom fait la fenme; car li amor de la fenme est en son l'ceul et en son le cateron^ de sa mamele et en son l'orteil del pie, mais li amor de l'oume est ans el euer plantee, dont ele ne puet iscir." II represente la plus ancienne metaphore qu'on ait tiree de la notion chat.
* Depuis Manage, ou deiive it. mignolo d'un type latin »linimulus. Voir aussi Zauner, p. 117.
^ D'Ovidio (dans le Grundrifs de Gröber, I, 503) rappioche le terme napolitain du lat. mina, sein sans lait (Festus).
' C'est la le9on qui figure dans les deux premi^res 6ditions de Suchier; depuis, le savant editeur, admettant trop benevolement une conjecture suggeree par 1 1. Andersen, rem]ila9a cateron par teteron. Les objections forinulces dans la Romania (VIII, 293) contre la premieie inltrprelation de Suchier (öd. 1878 et 1881: ta^^;ö«, Kätzchen, Brustwarze), tombent devant les exemples, lormels et semantiques, rapportes ci-dessus.
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II. Yie morale: Hypocrisie, ilatterie.
132. Le chat, cet animal „doux, büiiin et gracieux", a fonrni ä la langue rimage de l'hypocrisie ; i aux nombreux exemples dejä cites (63, 74, 80, 110, 123), ajoutons celui de sainte Niiouche. Ce terme se presente, des le XVP siecle, sous la double forme Miiouche et Nitouche (les deux dans Cotgrave) ; la forme primitive est certaine- ment la premiere et la seconde est mie interprctation populaire: iine sainte qui n'y touche pas (phonetiquement, la transition de mitouche ä niiouche est normale, l'inverse est sans exemple). La plupart des patois (wall., norm,, bourg., poit.) ont garde la forme mitouche (le pr, miioticho et le Piem. 7iiitoccia, Nice cahwiitocha , en sont des emprunts) qu'on rencontre dans VOvide houffon (1662), p. 463:
Elle fit la sainte Mitouche, N'osant le baiser ä la bouche.
D'un autre cöte, ?iitotiche se presente toujours dans la litterature en un seul mot (Rabel. I, 107: Sdiincic N'y touche). Ces faits permettent de remonter ä Torigine: mitouche'^ est le feminin de miioti, matou, et sai?ite Niiouche, c'est la sainte chatte (pr. tatan 7?ii?ieto „tante chatte"), la devote par excellence, l'hypocrisie personnifiee.
133. Le chat aime a flatter et surtout ä etre flatt6; c'est ce qu'exprime d'abord ainadouer (R6gnier, Sat. VllI, 35: Je devins aussi fier qu'un chat amadoue), c.-a-d. passer doucement la main sur le dos d'un chat pour le rendre plus doux 3, le frotter douce- ment pour l'apprivoiser. Le terme qui remonte au XVP s.,* a ete pris aux patois du Nord: wall, ainadouler (madouler), amidouler (midouler), ä, c6t6 du Pic. aniitouler. Ces verbes sont des derives de matou ou 7nitou, chat male, et l'echange des dentales s'explique par l'origine enfantine du mot (cf. 17 et May. amitormcr, amidojiner, caresser, For. abiata. Lim. abiada, a cöte du Lyon, amiato et Ceven. aniiada, amadouer); sous le rapport du sens, atiiadomr repond au ^l3.y. ariiiauler, 'Norm, amiouier (lOg), adoucir par des caresses, propr. flatter en miaulant (cf. Frib./aire gtia ä un chat, le caresser en lui passant la main sur le dos, et Suisse allem, dem Busseli miau machen, id.). Le sens premier de amadouer est donc liatter ou
1 Applique aux moines, 11 a forme le terme burlesque chatnoine. Cf. Garasse (ap. Lacurne): „Du Moulin tourne nos mots latins en termes fran^ais tres impertinents et ridicules, comrae quand il traduit doctores canonici, les docteurs chanoines, et de lä les docteurs chamoines.^'
2 Cette forme se trouve confirmde par Minouche , nom de chatte (dans La Joie de vivre de Zola): c'est le feminin de minou, nom dial. du matou.
^ Joubert, Dictionnaire frangais et latin, 1718, s.v. amadouer: Manu feiern permulcere; cf. aussi Leroux, Dict. comique, amadouer.
■* On le rencontre d'abord dans Rabelais (prologue du Ille livre) avec le sens materiel de toucher, frotter (ä cote de Ttiitontier).
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caresser un raatou,i ensuite caresser une personne et l'enjnler par de belles paroles (Nicot: adoucir le coeur d'un qui ha revesche) et cette valeur morale du mot se trouve dejä dans Calvin leinst, ehret., 317: ... nous faire crouppir en nos ordures en aviadouant notre paresse).
Le sens materiel est encore inherent au derive amadou, qui a et6 d'abord un terme d'argot avant de faire son apparition en litterature. Tandis que le Dictionnaire de l'Academie ne l'en- registre qu'en 1740, on le rencontre dans un recueil argotique de la fin du XVP siede, 2 oü il d6signe la substance spongieuse dont se frottaient les malfaiteurs pour jaunir leur teint, avoir l'air malade et apitoyer ainsi les personnes charitables. C'est precis6ment le sens de amadou, Champignon, dont plusieurs especes ont les tiges et les feuilles couvertes de poils longs, epais et soyeux, semblables ä ceux du chat;3 et l'acception secondaire de mcche ou tissu inflammable fait avec les poils de ce Champignon, se rapporte egalement k une particularite physiologique du chat, a sa fourrure 6Iectrique.4
III. Tie psychique: GJaiete, melancolie.
134. Le chat est, suivant Tage, l'animal le plus joyeux ou le plus maussade, et sa profonde tristesse confine souvent a la folie. II importe d'examiner ces divers etats d'äme, qui ont laiss6 des traces curieuses dans les langues romanes.
Les jeunes chats aiment passionement les jeux, les distractions. A peine leurs yeux ouverts, ils jouent continuellement avec la queue de leur mere et avec la leur propre, des que cellc-ci est assez longue pour leur permettre de la saisir avec leurs pattes (V. 12). C'est probablement ä cette particularite psychique du chat que remontent les termes fran^ais miiser, perdre le temps (XIIl*^ s.) et amuser, s'occuper des riens [bailler la muse, amuser), propr. jouer comme des chats (Morv. ahujer, Bearn abusa) : muse est un nom hypocoristique de la chatte, ä l'instar du bas-lat. iniisio (cf. allem. Buse, minet), encore garde avec ce sens par certains composes synonymiques (128). Le sens de „r6fl6chir" que possede encore
^ Tobler {Zeitschrift, X, 576), partant de la Variante amidouler, y voit une dörivation de ami doiix , ä l'instar de coiicouler (de coucou); Ni^ra {Ro- tnania, XXVI, 560) tente iin rapprochement entre amadou et ainygdalum.
^ Ol. Chereau, Le jargon ou langage de l'argot reforme, 2« ed. 1617: „Les cagoux enseignent aux apprentifs h aquiger (prendre) de V amadou de plusieurs sortes, l'une avec de l'herbe qu'on nomme esclaire, ponr servir aux franc-mitbux."
^ La forme dial. (Sav., Geneve) la madou, pour Vamadou, resulte de la fusion du mot avec l'article (cf. la midon = Vamidon), ce qui a entraine le changement du genre (Saintonge: de la bonne amadoue).
* Buffon: „Comme les chats sont propres et que leur robe est toujours sÄche et lustrce, leur poil s'dlectrise aiscment, et Ton en voit sortir des ötin- celles dans l'obscurit^ lorsqu'on le frotte avec la main."
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muser,^ pourrait se rapporter ä l'attitude silencieuse du chat, a son immobilite meditative.
135. Tandis que le jeune chat est l'image de la gaite en- trainante, le matou devient en vieillissant le type du melancolique, et dans l'argot des terrassiers de la Tarentaise (Savoie), 11 porte le nom de grin, le triste, a l'instar de Tangl. gnmalkin, vieux chat, dim. de l'anc. fr. grimauld, renfrogn6 (May. grimaud, grognon). Sa physionomie exprime alors presque toujours une gravite morose, et le proverbe „Qui ne rit point a nature de chat", en resume l'im- pression generale. Cet etat de choses a laiss6 une empreinte dans le fr. chagrin, de mauvaise humeur (= chat triste), d'abord adjectif, datant de la fin de XI V^ siede (Jean Petit, Livre du champ d'or, 1389, V. 1197):
Et sa noble teste largesce Degaste chagrine paresce.^
La finale du mot est l'anc. fr. ^/7«, triste (Borel a chagrain), ab- strait de graigner, attrister (Pas-de-Cal. grin, grimace, gn'gner, grimacer, et grignon, qui se dit des chats en chaleiir); Parme viorgno7i (Monfer. miirgnuti), air renfrogne, proprem, chat male (29*^). L'anc. fr. disait encore efi rechignediai (ou en tristesce de cccur), a l'instar de l'allem. Katzenangsi, grande angoisse, tandis que le com- pose moderne Katzenjatnmer designe le malaise qui suit un exces de boisson (cf. encore maussade, 87).
Cette origine vulgaire 3 du mot explique, d'un cute, les variantes patoises: Yonn. chagreigne, chagrin (Brantöme dit encore chagrigneux pour chag7-vi)\ Bearn chegren, pr. segreti, sombre pressentiment, tristesse [Mtrao, ed. Koschwitz, IX, 283: Dou paire et de la maire a gounfla lou segre^i), d'oü it. segretina, femme maigre, propr. chatte sombre (Allegri: Fingen la fama svolazzante . . . e 1' avarizia una segrenna). Et d'autre part, les acceptions secondaires tcUes que: anc. fr. chagrin, humeur capricieuse et jalouse des epoux (Lacurne; cf. Furetiere: querelle, brouillerie entre mari et fcmme, entre amants); waW.chagrem, bigot (= sombre), et Norm, j^ chagrmer, s'assombrir (du temps); Metz chagregnon, difficile a nourrir, delicat (litt, chat grognon). Ajoutons que le mot fran(;ais pen^Lra en pi^montais [sagrin et sagrinese) et en genois [sagrtnase, se consumer).
136. Le chat vit seul; son inquietude et sa mauvaise humeur le forcent ä des grimaces affreuses (Granville a compt6 75 ex- pressions differentes) ; il a des crises nerveuses, des troubles mentaux;
1 Du fran^ais, muser passa en Italien {musare, rester immobile i\ regarder, ne rien faire); sur ammusarsi, V. 131 'i.
^ Cite par DelbouUe, dans la Revue d'histoire litteraire, VI, 301.
^ Menage avait propose, en passant, chagris, vieux chat qui gronde en lui-meme, mais il ajoute: „L'origine du mot chagrm m'est tout h. fait inconnue." On y voit göneralement une application mötaphorique de chagrin, peau, mais ce dernier est de trois siecles posterieur ä chagrin, peine (V. 143).
1^
c'est le plus nerveux des etres. Le cerveau du chat, petit et de forme triangulaire, rendait fou, croyait-on, ceux qui le mangeaient ou causait de continuels vertiges ^ ; de lä, it. aver mangiato il cervel di gatlo, c'est etre fou (Ruini, Cav.ll, 14: E detto cervel di gallo, cio e capo matto e pazzo, imperocche il cervello del gatto, mangiato che si sia, ammalia di tal sorte gli uomini, che diventano verti- ginosi, pazzi ed insensati). Paracelse et Ambroise Pare partagent encore cette opinion.
IV. Siiperstitious.
137. Le chat voit la nuit comme le jour, sa demarche est majestueuse, sa physionomie grave et silencieuse; tout contribue a en faire un etre raysterieux: son corps phosphorescent, ses yeux etincelants et sa queue ecourt^e lui donne l'apparence d'un animal diabolique. Le demon et les sorciers prennent souvent, dans les croyances populaires, la forme d'un gros chat, surtout d'un chat noir. „Les chiens sont du bon Dieu et les chats sont du diable", dit un proverbe provengal (V. aussi 35). Ducange (s. v. caita) cite un passage de la vie de Saint Dunstan (XIP s,), oü Ton parle du dcmon sortant du corps d'un possede sous la figure d'une chatte; a Saint -Pol, co („chat") est un esprit follet apparaissant sous la forme d'un gros chat blanc (appele encore hernimetie); dans les poemes fran<;ais du XIP et du XIIP siecle, on parle des combats d'Arthur avec un monstre marin, capalu (chapalu), c'est-ä-dire chat des marais ou chat sauvage.^
138. Le chat est surtout l'incarnation du sorcier et, dans les feux de la Saint -Jean a Paris, l'autodafe des chats etait considere comme un supplice inflig^ aux sorciers; de lä: matou, sorcier sous forme de matou (Furetiere), Berr. macaud, viaraud^ marcou^ et marlon, matou et sorcier, May. randou, id.^; pr. tnatagot, chat sorcier enrichissant ceux qui prennent soin de lui (cf. Yonn. marlon, vieux
1 Et pourtant, „le chat ne connalt pas le vertige" (Brehm, I, 291).
2 V. Romania, XXIX, 121 s, (^ propos du travail de Freymond sur cet episode, dans les Beiträge zur romanischen Philologie, Festgabe für Gröber, Halle, 1899, p. 311 — 396). C'est i\ ce combat que fait allusion le vers suivant de P. Cardinal (ap. Raynouard): Venra 'N Arttis , sei qu' empörtet lo catz „Viendra le seigneur Artus, celui qui empörte le chat." L'anc, fr. chapalu repoud exactement ä l'esp. ^a^o paul, espece de singe (70^), et l'allem. Meer- katze, bas-allem. merkatte, signifie ä la fois singe et monstre marin.
^ Jaubert: On prötend que le jour de mardi gras, les macauds ou marauds vont faire bombance avec le diable.
* Id. : Mareen , le septieme gar^on d'une m^re, sans fille interpos^e . . . le marcou passe pour sorcier. Cf. Vendome: le tnarcoti gu^rit les dcrouelles par attouchement (= Lille : mal de saint Marcou, dcrouelles).
^ Dotlin: Les randous („matous") äges d'au moins scpt ans allaient au sabbat; toutes les fois qu'avait Heu le sabbat, un randou etait tu6; ces randous parlaient la langue de l'homme; on cite celui qui dit .^ son maitre: Vgars R'ndo est mort, Renaud dtait le chat du voisin (cf. 32).
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richard, et "B^-zm gaiwe, petite chatte^ et tresor mysterieux). Le soir du mardi gras, les chats-sorciers allaient faire le sabbat a un certain endroit: Suisse chaüa (chetta), assemblee nocturne des sorciers presidee par le grand bouc (Bridel), et Vaud ch^le („chatte"), r6union d'esprits se promenant dans les airs (Littre, SuppL).
La chasse sauvage, ou chasse Arthur, porte dans le Maine (V. Montesson) les noms de chasse-mäle et de chasse-marre (chasse-märe), c.-ä.-d. chasse-matou-, vialoti et marro (maro) etant les noms patois du chat male (19): »La chasse Ariliur 6tait causee par les chats males qui faisaient ce bruit de chasse en allant la nuit au sabbat" (Dottin). Le terme se trouve d6ja dans Coquillart:
Elle chasse les loup-garrous
Et les chassemares"^ de nuyt . . .
II est donc contemporain de cauchemar (XV^ s. : qiiauqiiemare et cauqiiemarre, Nicot: cauchemare et chaucemare), dont le terme final parait remonter a la meme notion de chat-sorcier (cf. plus haut maraud). On pretend, en effet, que le chat aime ä se coucher sur le ventre des petits enfants et sur le lit des vieilles femmes pendant leur sommeil,^ et le wall. 77iarc, cauchemar (Liege chatte- viarque = chauquemarc), ä cöte de mar, vient appuyer cette Inter- pretation (cf. plus haut marcou). Le compos6 cauchemar signifierait donc le chat {niar) qui foule [cauche) le dormeur, de meme que le Sic. mazzamarro (mazzamareddu), cauchemar, et Napl. mazza- viauriello, lutin, est le chat (deraon ou sorcier) qui assomme (cf. sarde battii marruda, croque-mitaine, propr. chat qui gronde). Du reste, la date moderne de tous ces mots (l'anc. fr. disait apesart comme l'esp. pesadiUd) exclut une ddrivation du germanique , qui ignore la forme parallele inarc.
139. Le bruit confus du sabbat a son point de depart dans les concerts amoureux des chats, lorsqu'ils fönt un vacarme infernal.'*
^ Lespy: „Qti'ha la gatine , il a la petite chatte, il est riche et on ne sait d'oü il lui est venu l'argent; dans Tesprit populaire, une id6e de sorcellerie 6tait attachee ä la possession de la gatine.^'' Ailleurs, on attribue au chat noir l'oiigine d'une fortune subite (Roll., IV, 117).
2 Cette le^on figure dans l'edition de Jean Bonfons (de 1597.'') et dans Borel; les autres ^ditions ont chasse-maree, ce qui ne convient ni ä la versi- fication ni au con texte. Voir Les Oeuvres de Coquillart, Reims, 1847, vol. II, p. 78, et l'edition donn6 par Ch. d'Hdricault, Paris, 1857, vol, I, p. 104.
^ Suivant VEvangüe des Qiienouilles (X, lo), ,,la cauquemare est une chose velue d'assez doux poil" (serait-ce la chatte?). Dans Rabelais (IV, prol. et 64) , cauquemare a le sens de monstre aquatique (,, un cauquemare d'Euphrates"), et r^pond ä peu pr^s ä. l'anc. fr. cß/a/« (137). Aujourd'hui, cauquemar signifie ^pouvantail, en Saone-et-Loire (A.).
* Cf. Brehm, I, 293 : ,,A certaines ^poques de l'ann6e, les chats donnent de vrais concerts. Un certain nombre de chattes se reunissent autour d'un matou: assis au milieu d'elles, celui-ci fait entendre sa voix basse, les chattes chantent le tenor, I'alto et le soprano. On entend tous les sons possibles . . . ils fönt souvent un vacarme infernal."
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Ce concert est designe, en Provence et en H.-Italic, par rainadmi (rabadan, ramatan, roümadan), qui exprime les miaulements • des chats en rut (pr. ramiata, remihda, roumüiita), et en fran^ais, par charivari, anc. chalivali (calivali), qui remonte au XIV^ siede. Ce mot veritable- ment proteiforme subit de bonne heure divers changements düs tantöt ä. la dissimilation [chalivari ou charivali) et tantöt ä l'assimilation de ses dentales [charivari, seule forme littoraire, qui parait dejä dans Froissart) ; outre ces aspects, le mot en revet une cinquantaine d'autres, düs au jeu des memes consonnes.2 Le sens primitif de calivali y qui repond exactement ä l'angl. caterwatd, est musique de chats ,=^ et specialement concert bruyant et ridicule qu'on faisait la nuit devant les maisons des veuves nouvellement remari^es*: „Les femmes et les enfants courroient par les villes a bacins et a sonnettes si come Ten fet orendroit aux chalivaliz" (Bercheure, ap. Littre). Dans ces cer^monies burlesques, le chat jouait un certain röle: „On attachait des chats sous les fenetres des veuves re- mariees",5 et „dans un charivari fait ä l'occasion d'un mari qui se laisse battre par sa femme, on se passe un chat de main en main en le maltraitant tant et plus; c'est ce qu'on appelle faire le chaf'ß Faire le chat, c'est-a-dire contrefaire les cris des chats tortures, c'etait faire un charivari, un tapage infernal; de lä, aussi, grimaces de coquetterie, mines aifectees, que le mot a dans Coquillart (I, 7 : Regards, oeillades, petis charivaris . . .). La formule caribari- cariharal que crient les enfants, en Picardie, en donnant un charivari (Corblet), est restee dans le jeu de cache-cache {tarihari est le nom morvandeau du colin-maillard); sa Variante carimari- carimarä! (charivari, dans Cotgr.; cf. Bess. carimalo, id.) faisait jadis partie de tout exorcisme, comme l'atteste d6jä la farce de Pathelin:
Ostez ces gens noirs ! . . . Marifnara ! ^ Carimari-carimara !
II est donc permis de conclure que calivali, de meme que ses variantes charivari ou carimari, exprimait d'abord les cris plaintifs
1 Mistral et Hennicke identifient ramadan, musique des chats, avec l'arabe ramadan, careme des maliom^tans.
"^ Voir Ducange, Godefroy et Mistral. Les formes bas-latines sont de simples transcriptions du fr., p. ex. caravallium , c'est caravali (d'oü l'allem. mod. Krawall); le l^yon. charabarat, marc]i6 de chevaux et maquignonnage, n'est que le langued. charabari, charivari.
3 Le rapport entre carivali et caterwaul repond exactement ä celui du Norm, carpeleure et de l'angl. Caterpillar (70b).
* Cf. Yonne hillade . aubade donn^e h. un jeune mari6 ötranger i la commune (propr. miaulement, de hiller = milier, crier, 107).
5 Edelestaad Du Meril (cit6 par Percheron, Le chat, p. 52).
« Rolland, Faune, IV, I15.
' Ce terme repond ä carimara (dial. »zar, matou), compos6 analogue au Sic. marramau, chat (29 1j). Un commentateur ricent de Fatheli?t, M. Chevaldin {Les Jargons de la farce de Pathelin, 1903, p. 454) voit dans marimara, ime divinit^ belliqueuse ou brillante, et dans carimari-carimara, le specimen rac- courci d'une vcritable incantation.
Beiheft zur Ztschr. f. rom. Phil. I. 6
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du Chat, cris d'amour ou de detresse, dont on ridiculisait les per- sonnes qni se remariaient, ou, comrae terme de grimoire, pour caracteriser le bruit du sabbat.^
140. Ce meme bruit confus a servi parfois ä d6signer un discours decousu, un langage inintelligible (cf. bavard, 87): le pr. charabiat (sarabiat), qui d^signe specialement le patois auvergnat, et source du fr. charabia, baragouin (terme r6cent venu par l'inter- mediaire du berrichon), signifie simplement grondement de chat (cf. "^x. rabin, grondeur, et ramiä, gronder), a l'instar de rabadan ou ramadan, dejä mentionne.2
141. Les Chats ont eu leür martyrologe; il suffit de men- tionner les autodafes de chats qui accompagnaient les feux de la Saint -Jean, ä Paris, ä Metz (jusqu'ä la fin du XVIIP s.) et en Picardie, oü ce divertissement se pratiquait encore au XIK*^ siecle. Cette cruelle distraction parait avoir laiss6 des traces dans la langue (V. calibatide., 98). Plusieurs noms de jeux fönt allusion ä des supplices infliges aux chats: tel, l'esp. correr gaios (on courait ä cheval sur un chat pendu par les pieds, en lui donnant des coups de poing sans etre egratigne); tel, le pr. esiratiglo-cat, jeu usit6 dans les fetes de village (deux Champions enlaces au cou par la meme corde, tirent en sens inverse a qui mieux mieux), et lou jo dbu cat, jeu de la Fete-Dieu, a Aix (on jetait un chat en l'air et on le rattrapait dans sa chute).
Y. Applications techniques.
142. Le nom de la pierre precieuse camaieu, attestd des 1295, se presente sous de nombreuses variantes (Lacurne en comptait plus de vingt), telles que camaheu (13 13), camahieu (138g), chamahieu,'^ et ganiahu (1354), gamahieu (1534), sans parier des formes bas-latines (p. ex. 1295, camahutus) qui ne fönt que repro- duire des variantes anc. fr. (c'etait deja l'opinion de Diez). Les autres formes romanes sont toutes posterieures: it. cammeo et camoino (Ven. camajiii) datent du XVP siecle; esp. camafeo (= anc. fr. ca- maheu) est relativement moderne. Toutes ces variantes representent un seul et meme nom hypocoristique du chat, ayant pour type
1 Le mot a d'abord et^ envisag6 comme une onomatop6e (De Guez, dans Palsgrave); Diez a tentd de rapprocher l'eldment final de charivari, de hour- vari (mais la finale est primitivement vali, qui rappelle le synonyme anc. fr. harvale), en proposant pour le premier le lat. cälix, verre (= bruit de verres) ; on est alle jusqu'ä deriver le mot de l'hebreu: tantot du terme schebarim, trompette synagogale (V. le Tresor de Mistral), et tantot de la locution biblique chor vahhamör, bceuf et äne (V. le Grundrifs de Gröber, I, 664).
* La date recente du mot et son usage local excluent la d^rivation de l'esp. algarahia, proposee par Devic (Littre, SuppL).
3 Palsgrave traduit le mot par l'anglais camuse, pierre precieuse (le terme manque dans Murray), et son pendant Italien camussati, sorte d'ouvrage aux bagues d'or (Duez), manque dans Tommaseo.
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cama'ku et r^pondant au pr. caiomaw, chat qui miaule. Ce sens primordial perce encore dans l'anc. locution fr. en gamahu (Vie des Peres, ap. Godefroy: . . . Bien suis assis en gamahuz), qui veut dire accroupi comme un chat,i ainsi que dans le terrae argotique gaina- hucher (= faire mineUe , Ii6^), qui a, en rouchi, le sens de prendre un baiser a la maniere des pigeons. La pierre precieuse porte ce nora de „chat", ä cause de ses couches de diverses Couleurs, de meme que oßil de chat sert a designer une espece d'agate, et que chatoyer exprime le reflet ondoyant de ces memes pierres. Le lapidaire auquel ou est redevable de ce terme a ete certainement un homme du peuple qui a puise dans le langage vulgaire et familier, en suivant d'ailleurs un procede habituel a la nomenclature technique,^
L'it. garmnaute, bistouri, n'est que la forme litteraire (cf. ci- dessus camahuius) du meme terme enfantin gamrnau (= gattomiau), chat (cf. ci-dessus gamahu)', l'angl. catling, signifiant a la fois minet et scalpel, en confirme l'image (cf. esp.gaiü/o, davier, 59*^): la forme courbee de cette lancette rappeile la griffe du chat.
143. Une origine egalement indigene et vulgaire doit etre attribue au fr. chagr/n, cuir grenu, qu'on ecrivait chagrain au XVII ^ et au XVIIP siecle.3 Le mot signifie propr. „chat grenu" (anc. fr. graineux, grenu; cf. de meme, chagrin, triste, pour chagrineux, 135), etant la peau rugueuse de la roussette* ou chat de mar (59'^). Du fran^ais, le mot passa dans la H.-Italie (Venise sagrm, Parme sagren, et sigrino,^ zigrtno), oü il prit place a cöte de l'osmanli sagri, qui designe, non le chagrin proprement dit, mais son Imitation artificielle avec des peaux de croupes [sagri ayant ce sens special) de chevaux, änes et mulets. Du reste, on rencontre le terme oriental deja en moyen-haut-allemand (sous la forme sager), tandis que chagrin est une forme moderne et purement fran^aise.
Tl. Iroiiie populaire.
144. La malice du peuple a laisse son empreinte sur les diverses appellations de la soldatesque, dont la plus ancienne,
1 Schultz-Gorra {Zeitschrift, XXVI, 720) confond ce gamahuz (rime: miz) avec un gatnahauz (G. de Coinci) ti ga?nauz {x'imQ-.faiis), qu'il derive des notes gama-iit. En fait, le premier terme differe du second par la forme et par le sens.
* On a fait venir le mot de I'hebreu, du grec, du laiin (Voir Manage, Scheler, Koerting); cf. Diez, I, 103: „L'interpretation de cammeo est un des problemes ies plus ardus de l'etj'mologie roniane."
^ L'orthographe moderne a eld- infliieucce par son homonyme {chagrin, peine), attestö trois siMes avant (135).
* Borel : „ Chagrain, chagrin, ce mot vient de chat et de grain, c.-a.-d. du chat marin, duquel on appelle la peau du chagrin, parce qu'elle est toute couverte comme de pctits grains, mais rüdes, en sorte qu'on en peut polir le bois." En frioulan, segrin est le nom meme de la roussette dont on prepare le cuir de chagrin.
^ Cette Variante repond a la forme parallele fran^aise cliegriii (Oudin).
6*
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caralin, Soldat a cheval, remonte au XVP siede. Le terme signifie propr. chat grondeur et vient du Midi (pr. carahin, maussade, et rabin, grognon), oü il fut donne d'abord aux infirmiers (cf. caralvi, etudiant en medicine) et aux croque-morts ^ des pestiferes (escarrabin dans les actes de Montelimar de 1543), avant de designer les soldats de cavalerie legere qu'on employait pour les reconnaissances. Le fr. maratide qui, a l'instar de carabin, a eu la fortune de penetrer dans la terminologie militaire europeenne, accuse une origine egalement humble et populaire. Aller en maraude, se dit du matou (== maraud) qui rode la nuit dans les campagnes en guettant les lievres et les lapins; le terrae fut applique, par analogie, aux soldats qui pillaient en marche. Les d^rives mar ander et maj-audeiir, qui datent, comme maraude, de la fin du XVIP siecle,2 passerent en allemand pendant la guerre de trente ans, et en es- pagnol [merodear, par l'intermediaire d'une forme vendeenne merauder, cf. meraude, 116). Des synonymes tels que le berrichon maiom'n, raaraudeur (de matoii\ et le fr. recent chaparder (de chat-pard, 70^), marauder, confirment cette origine vulgaire ä, laquelle remonte egalement anc. fr. argoulet, archer a cheval (1548), qui repond au wall, argoulet (et margoulet, qui est le primitif), homme de rien, vagabond qui rode et court les chemins (de margou, matou).
145. Le verbe chamailler , originaire des patois du Nord (wall., Norm.), signifie proprement se battre ou se frapper (sens de l'anc. fr. mailler) ä la fa^on des chats 3 qui s'attaquent ä bec et ä griffes. En passant dans la langue litteraire, il acquit l'acception de „frapper a coup d'espee, de hasche ou autre chose de fer, sur un harnois ou autre fer rüde" (Nicot), et ce sens se rencontre des son apparition au XIV= siecle (Guiart, Roy aux lignages, v. 6812):
Devant li rois ou l'en chämaüle Est li Barrois en la bataille Qui Alemanz desatropele."
L'acception moderne „se quereller bruyamment" et celle de certains patois (Norm, camailler, se culbuter en jouant, Bess. faire du bruit, Bas-Berr. chartiaille, Sorte de danse ou bourree) temoignent encore de la valeur originaire du mot, confirmee d'ailleurs par le synonyme pr. chamatä (d'oü chamatan, samatado, vacarme). Ajoutons l'allem. katzbalgen, se chamailler (Frisch: rixari, se lacerari more felium; Stieler: verbis contendere).
^ Cf. "^oxi. gato pingado, croque-mort (,,chat barbouille de graisse").
2 Pourtant, ce sens perce dejä dans Rabelais (I, 36): „Les ennemis n'estoient que maraulx, jpilleurs et brigans, ignorans de toute discipline militaire."
3 Darmesteter supposait, pour chamailler, un type clatnaculare (cf. Dtc- tionnaire General, Introd., p. 133).
* Cite par Delboulle, dans la Revue d'histoire litteraire, VI, 301.
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En jetant im coup d'oeil sur I'ensemble de ces applications metaphoriques, on ne peut s'empecher d'admirer le developpement auquel ont abouti des origines si modestes. Non seulement le nom proprement dit de Tanimal a ete feconde dans tous las sens, mais encore ä cote de cette souche ancienne, et parallelement ä eile, il a pousse toute une Vegetation nouvelle non moins exuberante düe aux noms hypocoristiques du merae animal. Cette nomen- clature n'a pas jusqu'ici attire l'attention qu'elle merite, cependant eile est appel6e ä eclairer d'un jour nouveau plus d'un coin obscur de Tetymologie romane.
Nous avons täche d'illustrer par un exemple ce contingent original qüe nos etudes ulterieures mettront encore plus en evidence. Cet Clement createur, qui est venu s'ajouter ä l'heritage latin et aux emprunts etrangers, complete la serie des facteurs qui ont successivement enrichi le tresor des langrues romanes.
Appendice.
Certains animaux de second ordre en rapports plus ou moins intimes avec le chat, auquel ils ont emprunte une partie de leur nomenclature, possedent un developpement semantique qui merite d'etre etudie ä part. Ce sont la fouine, le singe et les strigiens.
A. La Fouine.
1. Les Romains confondaient, sous le nom de musiela, la belette, le putois, le füret et la fouine, especes qui se ressemblent beaucoup entre elles. Encore aujourd'hui, le pr. moustelo et le Sav. belelia signifient ä la fois belette et fouine, a l'instar du man- chois viargotm\ ailleurs, c'est le putois qui fournit son nom ä la fouine: Yi-ö\\-\. ßchaii (anc. h. ßsse/ , chat sauvage et putois); Bearn fisseu, et Cote-d'Or />/'/(? (Basses-Pyr. /»z'/öc/^ß). La fouine est cont^ue tantöt comme domestique (esp. gardtma ^ = allem. Haus?}iarder) , et tantöt comme sauvage {^x.fertmo, x(iio-x. fiertia). Le \iOxi. papalva, fouine, fait allusion au caractere devorant de la bete (cf. papar, avaler); le Basses-Pyr. caouselte, fouine A., et l'esp. dial. (montanes) raniila, id. (Mugica, 35), sont obscurs.
2. Le nom le plus repandu de ce felin se rapporte ä deux autres particularites: la fouine se platt dans les hetres (cf. allem. Buchmarder^ et se nourrit de faines. Bochart, se fondant sur une Observation du naturaliste Gesner, a le premier indique (V. Menage) le type FAGINA, conserve en catalan („a cause que les fouines se plaisent parmi les fouteaux"), comme point de depart des appel- lations romanes, a savoir:
\)X. faguino (Gase, haino, hagino), ä cöte de fahino, fa'ino (cf. fai, hctre, ei faio, faine), Lot-et-Gar. kavio (H.-t'yr. ga/imo, gaino) A.; Uvea, feino (ma.sc. yemard eX faii) &\. foino iyax fouino);
it. (et anc. pr.) fahia\ Yö.n./oina, fiäna „marte" (inversement, Calvad. viarte,'^ Aveyr. maltro, Lozere niartre, fouine A.), Piem., Come foin',
^ Suivant l'interpretation de Schuchardt {Zeitschrift, 'Kyilll, t,()\): le sens serait petite menag^re ou garde-maison (contre les souris).
* Cf. Galice inartarana, fouine (= marte- chatte; V. esp. catarana, p. 47); le \<it,fe!es d^signe ä la fois le chat et la marte ou le putois.
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anc. fr. faine (XIIP s. fayne), fauwine (XV^ s.), foi7ie (XVI^ s.) ei fomne (cf. fe, fou, hetre, ei fai'ne, faine); ^exx. fouvi, fouine et putois {f Olline, faine, et fouineati, hetre), '^■siSS.. fawenne , Yic/ohie, foigne (Pas-de-Cal. /ö««^ ei fajigne, Somme /'angne, fengne A.); Suisse, SiZ.v.fe}ina, foutnna (cf fenna, fouine et faine); Vosges fine, La Variante anc. fr. fluytie (V. Littre) revient dans le wall, de Hainaut flohie (^.fluenne, '^l'aS.vdkd.y flaivenne A.), a cute du Pas-de-Cal. froimine A., sans que nous sachions comment expliquer cette in- sertion d'une liquide i qu'on rencontre egalement dans certaines variantes proven^ales (H.-Vienne fleno , ä cute de feino A., et Auv. fleinard, a cute de feinard, fouine male) ;
esp. fiiina, port. fuinha.
Quant aux composes de fagina avec chat (par ex. chafotnn)^ nous renvoyons ä