GRAMMATICAL ET DIDACTIQUE LA LAIVGLE rKANÇiïSE^

RÉDIGÉ

Par Aï. Marle , Membre de l'Athénée , de la Société grammaticale, etc., etc., et par plusieurs autres grammairiens.

Sartotrt qu'en vos écrits la langue révérée t)an8 vos pins grands c&ccs vous soit toujours sacrée. r.àitti.ef' Art poétique.

IS

h, /fi^^&^

PARIS,

Au Bureau, chez M. Marle^ rue du Couloy, 6. Chez PitLET, rue des Grands- Angustins ; Et chez Sakson , Polais-Royal.

4823.

TABLE I>ES MATIERES.

ÇREailERE PARTIE,

lettre de M. Bescher*

,Lettre de M. Lévi.

Lettre de M. de Bayard de la Vingtrie.

Faut-il un accent aigu sur le premier E du yei-be

DjâsiBER ?

DEUXIÈME PARTIE.

Troisième Leçon de grammaire par M. Boniface.

TROISIÈME PARTIE.

Nouveaux Développemens sur la didactique des langues, par M. RJarle.

QUATRIÈME PARTIE.

flyamen de la première Méditation poétique de M. de Lamartine , par M. Perricr.

GRAMMATICAL ET DIDACTIQUE

DE

LA LANGUE FRANÇAISE.

PREMIERE PARTIE.

SOLUTIONS.

A MM. les Rédacteurs du Journal grammatical et didactique de la Langue française.

Messieurs,

Vous avez conçu vine entreprise d'une grande ulilité; tous les amateurs de la pureté de la langue vous sau- ront gré de vos généreux efforts. Permettez- moi de m'intéresser particulièrement au succès de votre jour-

i5

lia SOLUTÎO?«S

nal, de m'associer parfois à vos travaux , et de vous sou- mettre des observations qui n'auront d'autre but que celui de m'éclairer avec vous, et de contribuer peut- être à quelques rectifications utiles â la perfection de votre ouvrage.

Mon premier objet est de vous parler de rorthograpbe que vous avez adoptée. Vous écrivez français, anglais, par ai ; je ne puis que vous louer de cette réforme de l'ancien usage. La raison indiquait ce changement comme tant d'autres. Ne doit-on pas s'appliquer à rap- procher le plus qu'il est possible l'orthographe de la prononciation ? C'était une contradiction d'écrire oi et de prononcer ai ; après avoir adouci les sons barbares du langage, il a bien fallu en venir à corriger l'écri- ture.

Mais je lis, à la 'page 4 <^c votre premier numéro, cette phrase ainsi orthographiée : quelle ressource .... pour le père de famille qui a entrepris l' éducation de ses en- fans. . . Je n'approuve point cette suppression du t dans le pluriel des mots en ant et en ent. Si vous écrivez des inconvéniens comme des entretiens^ des mandemens comme des examens, des enfans comme des rubans, des diamans comme des romans ; les étrangers et les Français mêmes seront facilement induits en erreur, l'analogie les por- tant à écrire au singulier inconvênien, monumen, enfan , diaman comme on écrit entretien, eœameîi, ruban, roman; et entretient s exament , rubant , ramant , comme monu- ment, inconvénient, enfant , diamaîit ; tandis qu'en lais- sant le Y au pluriel, on sait aussitôt qu'il doit terminer

€RAMMAT1CALES. 1 1-3

les mots au singulier, et que ceux qui ne le prennent pas au pluriel ne l'ont pas aussi au singulier. « Quand une lettre radicale , dit Beauzée, ne nuit pas à la pro- nonciation, c'est nuire à l'analogie qvie de la suppri- mer.» Par quelle bizarrerie veut-on écrire les ^r/c^^ni, quand on sait qu'il faut écrire les dents? les contrezens , quoiqu'on dise les vents? G^est sacrifier aune folle inno- vation les principes les plus clairs de l'analogie, et mul- tiplier les difficultés orthographiques, qu'on doit tou- jours chercher à simplifier. La règle est que, dans les mots en ant et en eut, pour le pluriel, on ajoute s au singulier. Sortez de là, vous entrez dansle labyrinthe des exceptions. Pourquoi donc s^écarter de la règle quand tout demande que Ton s'y conforme ?

Page 25, vous dites : mais ne considérant plus cette sen- sation comme appartenante à chacun de ces objets^ je la sé^ pare. ... Appartenant, suivi de mots déterminatifs, ne doit-il pas être considéré comme verbe, par conséquent comme invariable ? On dit qu'une chose appartient et non qu'elle est appartenante à quelqu'un. Ce n'est ni la qualité ni la nature de l'objet que ce dernier mot ex- prime; car Cappartenance i^eul changer d'un jour à l'au- tre^ et les expressions complétives dont il est suivi en restreignent nécessairement la signification. A Tappui de mon sentiment je vous citerai ces autorités :

«Fleuri, incertain si le roi n'était pas du complot, prit incontinent le parti de se retirer au village d'Yssy, entre Paris et Versailles, dans une petite maison de campagne appartenant à un séminaire. »

( Voltaire. )

Il4 SOLUTIONS

« Le pape avait pris les duchés de Castre et de Romî- glione, appartenant à Edouard Farnèse, duc de Parme.»

{Idem. )

« Ils n'ont pris ce litre que quand ils ont été les maî- tres des pays vers Casan , appartenant à des Turcs. »

{Idem.)

« . . . . Entre autres, les fîdénates qui avaient pillé des bateaux appartenant aux Romains. »

(De Ségur.)

« Les Romains, abordant sur les côtes de Sicile, ap- partenant aux Carthaginois, y seront protégés. »

{Idem.)

« Denys avait fait appeler secrètement des Campa- niens en garnison dans les places appartenant aux Car-

thaginois. »

{Idem.)

(j Louis convint avec eux de ne reprendre aucune place appartenant à l'empereur. »

{Idenir)

« Les troupes appartenant à la nation, ne pourront,

sans se rendre coupables du crime de rébellion et de

lèse-nation , favoriser la violation de la constitution ou

des lois. »

(tissot.)

Vous pourriez m'opposer cet exemple :

«Croirait-on de bonne foi queCharlemagne eût parlé

GRAMMATICALES. Il5

dans son testament de Rome et de Ravenne, comme de villes à lui appartenantes^ si le pape en avait été maî- tre absolu. »

( Voltaire. )

Mais vous considérerez que le complément, qui ex- prime toujours la tendance après le mot appartenant, est ici placé avant ce participe, et qu'il ne le détermine point. Il est de principe que les mots complétifs placés par inversion avant le participe, lui laissent la même étendue d'expression qu'il aurait si le complément n'existait pas ; le participe est donc généralement con- sidéré comme adjectif dans cette position, ainsi l'on dit :

Je connais une personne grondant sans cesse, contra- riant toujours, obligeant trop facilement, contredisant par plaisir.

Et en transposant le complément :

Je connais une personne ^an^ cesse gro>'dante, toa^ jours coKTRARiANTE , trop facilement obligeante; par plaisir

CONTREDISANTE.

Tel est l'efTel du mécanisme des mots, qui influe et sur leur nature , et sur la manière de les écrire.

Si vous croyez ces observations dignes de quelque intérêt, je vous prie de leur donner place dans votre feuille, et de m'éclairer si je suis dans l'erreur.

BESCHER.

Dans le numéro prochain M. Marie répondra aux ob- jections de M. Bescher sur le pluriel des mots en ant , et M. Boniface justifieia l'orthographe du mot approchante.

1 l6 SOLUTIONS

Lettre h Monsieur Boniface , sur les Participes dormir, languir, coûter, valoir, peser, etc.

Monsieur et ami ,

Renfermés dans l'étroite enceinte de leurs séances, les membres de la Société grammaticale sont à la fois combattants et juges dans les difficultés qui s'élèvent; et quelque lumineuses que soient les attaques et les dé- fenses, la publicité des débats était vivement désirée par ceux qui cherchent la vérité ^ aux dépens même de leur amour-propre. Le Journal de la Langue française vient d'ouvrir un vaste champ aux discussions. -

Les gens du monde et les gens de lettres pèseront avec sagesse le pour et le contre. Les systèmes seront comparés , les règles adoptées ou modifiées , les difQ- cultés résolues. La grammaire et l'usage , éclairés par la raison et le bon goût, concilieront les grammairiens , peuple jusqu'ici inconciliable; l'académie, tribunal su- prême des " procès littéraires , se réveillera de son inaction ; elle lira, méditera , prononcera, et achèvera enfin son dictionnaire ,

Qui toujours très-bien fait , reste toujours à faire.

%

CRàMMATICALES. 1 1 J"

Voilà 5 mon cher Monsieur, les heureux résultats que nous fait espérer le Journal delà Langue française. Pro- pagateur et soutien des saines doctrines, vous vous applaudissez du bien que va produire la publicité de nos discussions; vous aimez qu'on agisse de bonne foi ; et, quand j'attaque ici une opinion que vous avez émise dans votre manuel, vous ne voyez, dans ina conduite, qu'une preuve de l'estime que j'ai pour vos talents : // faut aimer Platon , mais encore plus la vérité,

C^est encore sur les participes que nous allons discu- ter; les participes, Tépouvantail des enfants, la res- source consolante de Pignorant pédagogue, le sujet des méditations du vrai grammairien. Cspendant au- cune des parties du discours n'a été traitée avec plus de détails; des volumes entiers ont été consacrés à l'examen des différents systèmes , sur ce qu'on est con- venu d'appeler le participe présent et le participe passé. Les ouvragesdeMM. Lemare, Besclier, Yanicr, Bourson, quoique lumineux et remplis de faits , empéchent-ils les professeurs timides ou ignorants de se courber devant l'i- dole de la routine ? ^on !

Celui ci prétend encore que le participe passé d'un ver- be actif, quoique précédé d\ui régime direct, doit ètrein- variablCj lorsqu'il est suivi du sujet de la proposition ; celui-là enseigne que le participe est invariable lorsqu'il est suivi d'un verbe , ou d'un adjectif.

Un autre écrit que le participe du verbe "plaire doit prendre l'accord quand ce verbe e^t pris au figuré, etc.

Il8 SOLUTIONS

etc , etc Et remarquez que chaque professeur

veut avoir un système à part. On rougirait d'écrire ou de penser comme son collègue , et s'il arrive qu'on ait fait imprimer une opinion erronée , on n'avoue sa laute que In petto , et l'on meurt , comme le dit Domergue , dans rimpénitence finale !

Mais d'où vient que nos grammatistes ne dirigent pas leurs attaques vers la théorie compliquée, difficile et im- portante de la préposition; vers l'emploi, souvent embar- rassant, du mode subjonctif; vers la nature encore mal connue du verbe? D'oii vient qu'ils ne vont pas apporter, je ne dis pas soumettre, leurs précieuses innovations à /a ^c?- clété grammaticale qui cherche la vérité, et l'accueille de bonne foi de quelque côté qu'elle vienne, maisaussi qui repousse ^ avec les armes victorieuses de la logique , charlatanisme grammatical? Voilà cependant l'arène sont appelésàcombattre avec loyautéyavec franchise, tous les professeurs de quelque pays qu'ils soient : parce qu'il n'y a qu'une grammaire au monde pour toutes les langues , puisqu'il n'y a qu'une logique pour tous les hommes. Mais il faut, même pour exprimer ses doutes, de la capacité, des connaissances, et, plus que tout cela, le désir et la volonté de s'éclairer ; et la plupart de nos maîtres ne sont pas assez instruits poui^ savoir qu'ils ne savent rien. Cependant ils craignent de se mesurer avec les Darjou , les Lemare, les Perrier , les Th ou ve- nd, les Bescher, les Vanier, et avec tant d'autres qui honorent, comme vous, monsieur, la société grammati- cale, ce qu'ils savent, c'est qu'il existe dans la langue française un petit mot [\[^y)e\é participe sur lequel les meil-

GRAMMATICALES. IKJ

leurs grammairiens ne s'accordent pas; vite ils s'en em- parent. Tel savant a cru devoir se faire un système : ils s'en créent un aussi; la question était embrouillée : iisla compliquent davantage ; aux exceptions nombreuses que présente une règle , ils ajoutent d'autres exceptions; ils ont enfin leur traité de particl-pes 1 et les voilà, cen- surant avec orgueil ceux qui ne pensent pascommeeux; frayant une route nouvelle à leurs élèves qui, tout fiers d'être les seuls à écrire tel ou tel participe dételle ou telle manière, bondissent de joie sur les bancs de la classe des participes ; car, vous le savez, les jeunes demoiselles s^'écrient : nous sommes en participes] avec le même en- thousiasme que nos collégiens disent : nous sommes en philosophie !

Voilà, mon cher Monsieur, com ntnoséternelles dis- cussions répandent , dans l'esprit des élèves, l'incerti- tude et l'erreur. Vingt professeurs , vingt système^. Se- rait-il donc impossible défendre toutes les opinions sur les participes, et d'en former un corps de doctrines sûreset invariables, et qui, sanctionné par la. société gram- maticale , serait l'expression de la majorité des gram- mairiens , et servirait dès-lors de guide et de régula-. teur suprême ? Je ne le pense pas. Je proposerais même, afin d'atteindre ce but, Texamen de l'excellent traité des participes de M. Bescher, pour les professeurs; et pour les élèves, celui que vous avez publié dernièrement, comm?.' plus accessible à toutes les intelligences.

Cependant, Monsieur, je crois trouver dans voîrç traité une omission qui pourrait induire les él<ves en

120 SOLUTIONS

erreur, él une opinion erronée sur les participes îles verbes valoir, coûter, cte., regardés, il est vrai, géné- ralement comme neutres ou plutôt intransitifs.

Je m'occuperai d'abord de l'omission.

Vous dites à l'article des participes précédés du pro- nom e?i : « On écrit avec l'accord :

» Combien j'en ai cueillies ! » comme on écrirait :

» Combien de fleurs f ai cueillies \

i Parce que, dans ce cas, il n'est pas possible de sous-en- » tendre après le participe une expression de quantité : » cette expression est ici combien , substantif collectif qui » précède le pronom en. »

Je suis entièrement de voire avis à ce sujet; mais un élève ne pourrait-il pas généraliser la règle que vous donnez , et, ne sachant pas distinguer une expression de quantité d'une expression d'étendue dont vous ne parlez pas , ne se croirait-il pas en droit d'écrire :

((Vous avez mangé beaucoup de crème; ah! combien y en ai mangée aussi ! »

Ce que vous condamneriez certainement.

Mais voici une attaque bien plus sérieuse; je vais at- tirer sur ma tête l'anathème grammatical; les ignorants me traiteront d'ignorant; les novateurs de novateur; ceux qui ne suivent les lois de l'orthographe que par tradition, ceux qui regardent encore le gothique Restaud comme l'oracle des grammairiens, vont crier au sacri- lège ; mais je me consolerai de la colère impuissante des

GRAMMATICALE?, 121

routiniers à préjugés, en profilant de vos observaiious, et des sages conseils de nos grammairiens philosophes qui veulent que l'on doute avant d'affirmer.

Eh bien ! moi , je doute et je demande qu'on m'é- claire.

L'indécision des grammairiens pour ce qui regarde la théorie des participes , semble ne plus se porter que sur un seul point : sur le participe passif des verbes in- tra nsiiifs et principalement sur celui de valoir et de coûter.

Dans la première édition de votre Manuel , vous dites que ces deux verbes rentrent dans la classe d'avoir^ et vous prescrivez l'accord du participe passif de l'un et de Tautre. Dans la seconde édition vous le regardez au con- traire comme invariable, à l'exemple de la plupart des professeurs. Cette rétractation, Monsieur, fait l'éloge de votre caractère ; elle prouve que vous aimez la vérité, même lorsqu'elle paraît condamner publiquement vos erreurs. Votre mérite reçoit un nouveau lustre, s'il est possible , de cette honorable franchise qui devrait ser- vir de leçon à plus d'un grammairien.

Avant d'entrer dans la discussion, je vous prierai de répondre à ces quatre questions , dont la solution inté- resse peut-être toute la théorie des participes passifs.

Peut-on poser en principe quelepronom les , placé immédiatement ou presque immédiatement avant un verbe , est toujours complément direct de ce verbe ? ( i)

(i) Avant le xcihc être , liS peut être regardé comme altribur, cl. dc\aiit les \erhcs falloir et manquer , comme complément direct

i2'.î SOLl-riONS

2". Fcid-oîi poscicn principe qu'avant le eompiément direct les. aucvme préposition ne ^Gui jamais être sous- cn tendue ?

5\ Pciii-on poser en principe que le sens figuré du r*:irticîpe n'en doit pas changer l'accord?

4°. Peut-on t écrire en français ,

vec i our < un

Ce ballot pèse pour l un poids de cent livi'cs.

moyennant \

Au lieu de : ce ballot pèse cent livres.

avec l Ce che^'al coûte pour \ cent ccus.

moyennant ' Au lieu de : ce cheval coûte cent écus.

avec/ Ce château vaut pour < cent francs, moyennant \ Au lieu de : ce chàîeau vaut cent francs.

avec i Ce jeune homme sent pour < la rose, moyennant *

Au lieu de : ce jeune homme sent la rose.

Votre réponse sera, je l'espère du moins, affirmative sur

les trois premières questions, et négative sur la dernière.

Je prends acte de votre aveu , et je pose ce principe général :

Dans toute proposition , un verbe qui peut recevoir immédiatement avant lui le pronom régime ou complé- ment direct les , est transitif, et le participe passif de ce verbe est susceptible d'accord , quel que soit le sens dans lequel il est pris. (Les veibes être, manquer etfalloir sont seuls exceptés de cette règle.)

(Ui verbe avoir sous-entendu. Exemple : « 11 mêles faut, c'cst-à-dirc, il me faut avoir eux ; il me les manque, c'est-à-dire , ii me manque d'avoir eux. »

GRAMMATICALES.

iii;:»

W I.

ON DIT : Les quatre mois qu'a duré le Jubilé.

Les trois heures qu'il a dormi.

Les trois années qu'il a langui eu prison.

Les cent ans que les Corneilles ont ^'écu.

Les trois journées qu'il a couru.

La nuit qu'il a chanté sous mes croi- sées.

Les deux jours qu'il a marché.

Dans toutes ces phrases , il y a ellipse du mot pendant.

\Jo

ON DIT :

Les trois cents francs et les peines qu'a i'alus mon déménagement.

Que de pleurs , que de billets de banque sa justification n'a-t-elle pas coûtés î

Les deux livres que cette boite a pesées.

Les deux livres de cerises que cette femme a pesées.

Les maux que ce roi a soufferts , ont causé sa mort.

Les maux que ce roi a soufferts ont causé la chute de son empire.

OM NE PEUT PAS DIRE :

Le jubilé les dure , mais il dure pendant , etc. Il les dort , etc. Il les languit , etc.

Elles les vivent , etc.

Il les court, etc.

Il la chante , etc. , mais il chante pendant la nuit sous, etc.

Il les marche , etc.

ET l'oIC dit très-bien

AUSSI : Il les vaut , il les a valus.

Elle les coûte , elle les a coûtés.

Elle les pèse , elle les a pesées.

Elle les pèse , elle les a pesées.

Il les souffre , il les a soufferts.

Il les souffre , il les a soufferts.

o..^

124

SOLUTIONS

OM DIT :

lETL ON niTAUSSl TRÈs-LUEK."

La rose que ce jeime homme a sentiel II la sent, il l'a sentie, (aspirée) reniennait un ver.

L'odeur que ce jeune homme a sentie (exhalée) l'a fait bien venir des dames.

Les chevaux que j'ai loués (je les ai pris à location.)

Les chevaux que j'ai loués ( je fais leur éloge.)

11 la sent encore , il l'a sentie ce matin.

Je les loue^je les ai loués. Je les loue, je les ai loués.

Pans toutes ces phrases , il n'y a ellipse d'aucune préposition.

Le pronom régime direct Les ou la ^ placé immédialc- meiît ou presque iniinédialcment avant un verbe , étant, pour moi, la preuve ineonleslable de l'aclion transitive de ce verbe , quel que soit le sens dans lequel il est pris j

J'en conclus :

1". Que les participes cités sous le n°. i . dérivent de verbes intransitifs , puisqu'ils ne peuvent pas recevoir immédiatement avant eux le pronom régime direct la , les, et qu'ils sont dès-lors invariables.

2°. Que les participes cités sous le n°. s, dérivent de verbes transitifs, puisqu'ils peuvent recevoir immédiate- ment avant eux le pronom régime direct, /«, les ^ el 4uils sont dès-lors variables.

GRAMMATICALES. 125

Mon objection est nouvelle, elle est tbrte, elle me pa- raît irrésistible, elle est du moins spécieuse. Je puis me tromper; mais je crois qu'en adoptant les conclusions que je vous présente , on réduirait à sa plus grande sim- plicité la théorie des participes passifs.

Mais, diront quelques grammairiens dont j'estime les talents, le participe passif n'est qu'un adjectif; pour qu'il soit variable , il faut qu'on puisse le joindre à son complément direct: dans cette phrase, par exemple :

La femme que j'ai aimée.

On peut très-bien dire : la femme aimée ; dirait-on une somme coûtée^ trois cents francs valus ?

Non, sans doute ; mais ce ne sont que des alliances de mots que l'usage et que la délicatesse de notre langue condamnent, et ce ne sont pas les seules : biàmerait-on l'accord des participes dans les phrases suivantes :

Les princes que nous avons approchés ,

La colère que j'ai eue ,

La romance que j'ai soupirée ,

La félicité que j'ai rêvée ,

Les corps que j'ai mas , etc. etc. ,

Les hommes que j'ai fuis ,

Les cachemires que j'ai voulus ,

Les ennuis que j'ai plaints.

parce qu'on ne peut pas dire d'une manière absolue : la colère eue, la romance soupirée , la félicité rêvée , ks

ira6 solutions

corps wm^, les princes approchés, les liommes fuis ^ les cachemires voulus , les hommes plaints ?

Il est temps de mettre fin à ces observations. Votre ré- ponse , mon cher Monsieur , et la décision de la so- ciété grammaticale à laquelle je soumettrai cette im- portante question , m'apprendront si je suis dans Terreur.

Tout à vous , D. LÉVI.

Nota. M. Boniface répondra à cette lettre dans le pro- chain Numéro : la Société grammaticale s'est déjà oc- cupée , dans une de ses séances, de l'importante ques- tion adressée par M. Lévi; ces débats ont été très-inté- ressants : nous nous empresserons d'en publier le ré- sultat.

( MARLE. )

GRAMMATICALES. Hj?

A MM. les Rédacteurs du Jourual grammatical et didactique de la Langue française.

Messieurs ,

Sous le règne de Louis-le-Grand , deux grands poètes nous ont laissé des exemples d'une diction correcte, claire , élégante , harmonieuse ; et cependant nous en négligeons l'imitation.

Nous avons extrait les phrases suivantes des tragédie^ de Racine et des œuvres de Boileau :

RACINE. Soleil, je te mens voir pour la dernière fois. Mais moi .... à qui votre repos est plus cher que le mien , pour ne le point troubler , j'aime mieux vous dé- plaire. Je connais votre cœur : vous devez vous atten- dre, que je le vais frapper par l'endroit le plus tendre. Titus qui me jurait... Non, je ne le puis croire ;[{ ne me quittepoint, il y va de sa gloire. Ilfaut courir, Olympe..., ^

ces princes inhumains. . . ; il les faut séparer ou mourir parleurs mains. L'absence ni le temps, je vous le jure encore, ne vous peuvent ravir ce cœur qui vous adore. Sortons, Paulin , je ne m puis rien dire. Je ne me puis connaître. Qui lui puisse déplaire. En ce lieu se doit ren- dre. Que vous Me voulez faire. Pour ne la plus revoir. De ne ^'oser parler. Les doivent éclairer. Je le vais consulter. Ne ME peuvent suffire. D'où je L'ai su tirer, y o\:?> allait enga-

17

^

128 SOLUTIONS

ger. Piien ne Ri'a pu parer. Quelque raison que Vous me paissiez dire. Qui ^''ose offenser. Je ne Vous puis déguiser ma surprise. Il la faut détester. Ma volonté, prince, Vous doit suffire. Me L*allait envoyer. Me va mettre en état. Vous va présenter un asile. Il y faut renoncer. Ne Vous peut émouvoir. Il me viendra chercher. Dont je LA veuj; frap- per. Que vous ME voulez faire. Cet aveu que je te vieîis de faire. La main qui vous Tôta Vous doit sembler cruelle.

Mais si mes vœux ardens vous peuvent émouvoir. Me tenait reprocher manille sacrilège. Le reste, il le faut taire» Qui ^''allait éloigner de ces bords. Je vous puis de la fuite ûssurei* les moyens. Seigneur, je ne M ovs puis nier la vé- rité. Moi-même, à son secours , je les viens appeler. C'est le plus agréable remcrcîment qu'on vous puisse faire. Les plus belles scènes sont en danger d'ennuyer, du mo- ment qu'on les peut séparer àe l'action. Hélène, disent ces auteurs , ne L'avait osé avouer. En la sauvant par un miracle qu'il ( le parterre ) n'aurait pu souffrir , parce qu'il ne le saurait jamais croire. Et i>s ne soupçonnent pas seuleiDent qu'on Y puisse répliquer. Il l'a prié de ne SE point abandonner elle-même. J'ai voulu épargner à Thésée une confusion qui L'aurait /ja rendre moins agréa- ble aux spectateurs. J'ai cru lui devoir donner un gage à votre amour, qu'il me doit accorder. Mettre en vos mains le feu qui la doit dévorer. Une reine à mes pieds SE vient humilier. On S'en peut reposer sur ma foi.

BOILEAU. Le jour de la raison ne le saurait percer. Chacun le peut traiter de fat et d'ignorant. Un affreux serrurier, laborieux Vulcain, de cent coups de marteau me va fendre la tête. Qui dans leur sombre humeur se

GRA.MMATÏCALE5. 129

croiraient faire affront. De son mérite faux le veut Uésabii- scr. L'endroit que Ton sent faible, et qu'on Se veut cacher. Et parmi tant d'auteurs, je veux bien l'avouer, Apollon en connaît qui te peuvent louer. Et nos vaisseaux domp- tant l'un et l'autre Neptune , nous aller chercher l'or , malgré l'onde et le vent, aux lieux oîi le soleil le forme en se levant.

Quel charme au moindre mal qui Nors vient menacer» Ton épouse dans peu sera la 4"°^ ; l'e le veux croire ainsi. La belle ne trouve en Chapelain, quoi qu'ait dit la satire, autre défaut sinon qu'on ne le saurait lire. En- seigne-moi , Molière, tu trouves la rime ; on dirait , quand tu veux, qu'elle te vient chercher. Mais pour te bien louer ^ une raison sévère, me dit qu'il faut sortir de la route vulgaire. Dureste des latins la conquête est facile: sans doute on les peut vaincre ; est-ce tout? La Sicile delà nous tend les bras, et bientôt^ sans efforts, Syracuse reçoit nos vaisseaux dans son port. Ce sont les exploits que tu dois avouer; et c'est par là, grand roi^ que je te veux louer. Et comme tes exploits, étonnant les lecteurs, seront à peine crus sur la foi des auteurs ; si quelque es- prit malin les veut traiter de fable ; on dira quelque jour pour les rendre croyables, etc. Toutefois si jamais quel- que ardeur bilieuse allumait dans ton cœur l'humeur litigieuse, consulte-moi d'abord; et, pour la réprimer, retiens bien la leçon que je te vais rimer.

Dans ces citations^ qui pourraient encore être beau- coup plus nombreuses, remarquons: i" le respect pour ce principe fondamental : rapprochez le plus possible le relatif du nom quil représente ; l'union de deux verbes, dont le second est le complément immédiat du

l50 SOLUTIONS

premier ; qu'il n'y a pas une des constructions ci- dessus, qui ait été commandée par la mesure des vers , car le nombre de pieds serait le même si l'on disait : so- leil, je viens te voir pour la dernière fois. Pour ne point ie troubler. Vous devez vous attendre Que je vais le frapper. Non, je ne puis le croire. \\ faut l'es se parer, etc., etc.

Afin de prouver la supériorité de la construction du texte sur celle-ci, faisons l'analyse de la première phrase.

Racine a écrit ; Soleil, Je te viens voir pour la dernière fois ; si nous disons : soleil , je viens te voir pour la der- nière fois, nous aurons rompu l'union nécessaire de vie?is avec voir , sans laquelle le motif de Phèdre semble- rait être de s'approcher du soleil, quand elle n'entend que jouir du radieux aspect de cet astre ; nous aurons coupé, obscurci le sens de la phrase par une disjonction de mots, dont les uns appartiennent au sujet etles autres à l'objet de son action ; enfin en ne rapprochant pas le plus qu^il est possible le relatif fe de soleil , nous aurons violé un principe qui a sa source dans la clarté de l'élo- cution et dans l'enchaînement naturel des idées.

Cette analyse peut se reproduire avec autant de force tous les autres exemples.

Qui mieux que vous. Messieurs, peut assigner aux deux constructions rivales, le rang qu'elles doivent avoir. Je leur choisis un tribunal siègent des grammairiens littéra- teurs, qui marchent toujours guidés par le sentiment du bon goût et par le flambeau de l'analyse. J'ai l'honneur , etc. ,

DE BAYARD DE LA VINGTRIE.

Nota. M. Marie répondra à cette lettre dans le prorhain numéro.

GRAMMATICALES.

i5i

Faut-il un accent aigu sur le premier e du verbe

DÉSIRER ?

Docile aux conseils d'une critique impartiale, l'édi- teur de V Abeille des Demoiselles a fait disparaître du plan de son journal plusieurs locutions que nous avions con- damnées : nous croyons devoir lui en faire publique- ment nos éloges et nos remercîments , parce qu'il n'y a que le vrai mérite qui ait le courage de se rendre à l'évidence ; c'est ua exemple que nous nous empresse- rons de suivre quand l'occasion s'en présentera. Cepen- dant toutes les corrections demandées par M. Lévi n'ont pas été adoptées ; aujourd'hui même, le quatrième numéro de l'Abeille présente une doctrine tout opposée à celle des bons grammairiens sur l'orthographe des mots désirer, désir , désireux, etc. Il est de notre de- voir de la faire connaître à nos lecteurs, que nous faisons juges de la discussion. M. Lévi nous envoie à l'instant une réfutation de cette doctrine ; mais l'étendue de sa lettre nous oblige , à regret , d'en différer l'insertion jusqu'au prochain numéro. Voici en attendant la sin- gulière

OPIISIO?^"

de V éditeur de l'Abeille des Demoiselles.

Nous remarquons d'abord que le premier e du verbe désirer était autrefois un e fermé , qui prenait, par con-

l32 SOLUTIONS

séquent, un accent aigu. On écnvait ^/^^/r^??-, et Ton prononçait deisirer. Le Dictioniiaire de l'Académie , dans l'édition de 1762 , a écrit désirer. L'édition de Moutardier a suivi la même orthographe : c'est aussi celle du Dictionnaire de Féraud. Mais aujourd'hui la prononciation du premier e de désirer est changée ; cet e est devenu muet, et ceux qui parlent purement ne le font point senlir. On doit donc cesser de mettre un accent aigu sur le premier e de désirer. On ne doit pas en mettre non plus sur Ve du substantif fi^f^^/r , ni sur

le premier e des adjectifs désirable, désireux La

société peut, sans contredit , changer la prononciation d'un mot , pour la rendre plus douce et plus agréable. Au théâtre français on prononce désirer , et non désirer.

Nous remarquons ensuite que, lorsque le verbe de- sirer SQ trouve devant un autre verbe àTinfinitif, ce second verbe doit être précédé de la préposition de : Mon ûls desirait de partir Le Dictionnaire de l'Aca- démie semble autoriser les deux manières de parler , désirer de faire quelque chose , et désirer faire quelque chose. Mais il ajoute que l'usage le plus ordinaire est de joindre la préposition de devant le second verbe. Suivant Féraud, «on peut dire, je désire vous voir ; » mais j je désire de vous voir vaut beaucoup mieux... »

Le verbe souhaiter se construit aussi mieux avec la préposition de devant le second verbe, que sans cette préposition : je souhaile do vous voir la semaine pro- chaine.

l33 CLASSIFICATION DES MOTS.

DEUXIEME PARTIE.

GRAMMAIRE FRANÇAISE.

TROISIÈME LEÇON.

DE LA CLASSIFICATION DES MOTS. S. I. CLASSIFICATION ET DÉFINITIONS.

Inter utrumque tene. Ovide^ Gardez un juste milieu.

Ce qu'on doit entendre par classification grammaticale et par analyse. Système mixte de classification conforme au meilleur usage et à la raison. Classification des mots d'une phrase renfer- mant toutes les parties du discours. Ce qu'on entend par subs- tance et par substantif. Division des substances en corporelles

l34 GRAMMAIRE FRANÇAISE,

et en incorporelles. Définition du substantif. Mots accidentelle- ment substantifs. Importance de cette première partie du dis- cours. — Des modificalifs ou adjectifs. Définition de Yadjectif.

Utilité du pronom , fonction qui le caractérise. Ce qu'on entend par personne , origine de ce mot , combien il y a de personnes en grammaire. A quoi le pronom doit son nom. Fonction spéciale du pronom de troisième personne. Définition du ^rono/«. Du verbe et des diverses variations qui le caractérisent. Verbe simple, verbe combiné. Définition du verbe. Des adverbes , quels mots ils modifient ; cause de leur invariabilité. Définition de Vadverbe Des prépositions , en quoi elles diffèrent des ad- verbes ; d'où vient leur nom. Observations sur leurs compléments et sur les mots qu'elles modifient. Définition de la préposition,

Des conjonctions, leur fonction, origine de leur nom. Défi- nition de la conjonction. Observation sur la construction de cette partie du discours. Des interjections ou exclamations, origine de leur dénomination. Définition àe l'interjection. Nombre des parties du discours. Cause des opinions diverses des grammairiens sur le nombre de ces pjH-ties.

86. Les mots, dans le discours (22) , jouent des rôles différents, y remplissent diverses fonctions, d'où la né- cessité de les classer.

87. Classer des objets, c'est indiquer, d'après leur caractère, à quel genre ou à quelle espèce appartient chacmî d'eux; d'où l'opération qui consiste à classer grammaticalement les mots , doit prendre le nom de

CLASSIFICATION DES MOTS. K)J

CLASSIFICATION GRAMMATICALE ;, ct iion ccliîi (fanolysc qu'oii lui donne abusivement (i).

88. Les grammairiens sont aussi peu d'accord suria classification des parties du discours que sur leurs défi- nitions; et, malgré les discussions lumineuses que nous avons sur ce sujet , on répétera long- temps encore ce qu'à dit Horace il y a des siècles :

Grammatlci cerlant, et adhac siiôjudicc lis est.

Les grammairiens disputent, et la cause est encore ù juger.

Egalement opposé aux anciens et aux nouveaux sys- tèmes, je vais faire connaître ma théorie grammaticale, sans cependant la croire inattaquable , et seule con- forme à la vérité et à la raison, fne longue expérience m'a du moins prouvé qu'elle est accessible àrintellîgence la plus ordinaire, quoiqu'elle soit fondée sur une saine métaphysique. (2)

(i) Lorsqu'on dit qii'iWaisonuablement est adverbe , qiiVr- raisonnoblfi est adjectif, que raisonner est ycrbc , et que raison est substantif, on classe ces mots ; les analyser , ce serait les dc- coroposer , et indiquer la valeur de chacune de leurs parties , ce qui est plutôt le travail de l'étymologiste que celui du grammairien.

(3) Disciple d'Urbain Domergue , j'avais dans ma jeunesse adopté sa classification des mots , ainsi que toutes les nouvelles dénomina- tions qu'on doit à ce célèbre grammairien ; mais malheureusement ,

18

l56 CUAMJIAtRE FRANÇAISE.

8g. Dans celle phrase :

Celte pauvre mère , hélas ! pleure amèrement sur un fils bien aimé; mais, ô douce religion , tu la soutiens , et tu es sa seule consolation!

voyons la fonclion de chaque mot, et conséquem- ment à quelle classe il apparlient.

90. Nous remarquons d'abord de l'analogie entre les mots nièrcj fils, religion^ consolation : aiitovir de chacun de ces mots, qui expriment des êtres soit corporels, soit in- corporels, viennent se grouper d'autres mots qui en dé- signent certaines manières d'être , certaines modifica- tions : cette pauvre mère, un fils aimé, douce religion , sa seule consolation, d'où déjà deux classes de mots , celle des noms d'objets et celle des noms qui en expriment les diverses modifications.

gi.' Les mots tu et la avant soutiens , et tu avant es, expriment aussi des êtres, des objets; mais ils diffèrent

en fait de langue , la raison est faible contre l'usage , auquel elle est obligée de faire de continuelles concessions. Domergue lui-même, dans sa dernière grammaii-e , emploie l'ancienne et la nouvelle no- menclature : la première , dit-il , par déférence pour l'usage ; la seconde , par respect pour la raison. Ma théorie présente donc un système mixte qui, j'espère , satisfera les bons esprits, mais que re- pousseront^ peut-être également, certains grammairiens philosophes, qui ne veulent faire aucun pacte avec l'usage , et la tourbe des grammatistes routiniers qui ferment les yeux à l'évidence même de la raison.

CLASSIFICATION DE3 MOT?. ïS^

de mt^re et de religion , auxquels ils se rapportent, en ce qu'ils les représentent, comme jouantun rôle dans l'acte de la parole, d'où une troisième classe de mots que nous nommerons, en attendant, représentatifs, (i)

92. La mère pleure, la religion la soutient , et est sa seule consolation.

Voilà des jugements (16) portés sur la mère et sur la religion; les signes spéciaux de ces ]u§emeuts sont pleure, soutient, est : ces mots et leurs analogues, que nous avons déjà^nommés Verbes ( 1 8), forment une quatrième classe.

gS. Elle pleure amèrement sur un fils bien aimé. Ces mots amèrement et bien modifientd'une manière complète, le premier, le verbe pleure, et le second, le modificatif aimé', pleure, équivalant à est pleurant, renferme un modi- ficatif, d'où une cinquième classe, celle des svrmodifi- CATiFS COMPLETS, du moins nous lui donnons d'abord ce nom pour en faire mieux sentir la fonction.

g4. Elle pleure sur.

Ici le mot sur modifie le verbe pleure; c'est donc, comme amèrement , un surmodificalif; mais il en ditfère

(1) Les représentatifs, ou les pronoms, comme on les appelle or- dinairement , ne devraient être qu'une subdivision de la première classe ; mais la plupart des grammairiens en font une des parties du discours , sans doute à cause des idées de relation et de person- nalité qui leur sont particulières.

'55 GRAMMAIRE FRANÇAISE.

en ce qu'il a un sens incomplet; l'esprit attend un com- plénicnl : elle pleure sur.... Sur qui? sur un fils.

Ce mot et ses analogues formeront une sixième classe que, pour la môme raison que ci-dessus, nous appel- lerons provisoirement surmodlficalifs incomplets (i).

g5. La phrase dont nous classons les mots présente trois propositions (17) , liées par mais , et ; ces mots et leurs analogues, dont la fonction est de servir de liens entre les propositions et les phrases , constituent vme seplièmc classe que nous nommerons , dès à présent ,

COAJOKG'MONS.

96, 11 ne reste plus à classLT que les mots Eèias I à ! qui expriment j pour ainsi dire en un seul jet , des mouvements subits de l'ame , d'où une huitième et dernière classe de mots, celle des ikterjectioks , c'est- à-dire, mots LiUerjetcs dans le discours. On les nomme, aussi , et avec plus de raison , exclamations.

()7. La phrase donnée renfermant toutes les classes de mcîs grammaticalement considérés , ou toutes les parties du discours, nous pouvons conclure qu'il y a huit espèces de mois, dont nous alîons donner suc- cessivement les dénominations généralement usitées ,

les définitions, les propriétés et les diverses subdivi- fàons (*2).

(1) Les sitnuodificalifb ne devraient former qu'une seule classft (\i\\ aiuait alors deux subtlivibions ; mais les grammairiens oui tou-' jours distingué les ach'cvbes des jwèpositions ; et quand tout le

monde a tort , il faut bien que tout le monde ait raison.

(2) Telle est à peu près la première leçon que je donne à mes

CLASSïl':CAT10N DES MOtS. l5g

PREMIERE PARTIE DU DISCOURS.

LE SIjBSTAKTIF.

98. Quand 011 dit : homme grand, fort, courageux , etc., les modifications de grandeur, de force, de courage, se groupent autour du mot homme qui en est , pour ainsi dire, lesoutien^ d'oii le nom de substance(i) donné àun objets et celui de substantif au mot qui en est le signe.

99. Les mots arbre et douceur représentent des subs- tances , puisqu'on peut dire : arbre c[evé , touffu, mojcs^ tueux, etc., et douceur aimable, sincère , affectée, etc. ; mais il y a, entre ces deux substances, une différence sensible : la première [f arbre) est une substance ma- térielle , elle a un corps , elle existe par elle-même , indépendamment de toute autre ; la seconde ( la dou- ceur) est une substance spirituelle ou idéale , qui n'a

élèves sur la classificalion des mots , et dont l'application doit se faire encore sur d'autres phrases analogues. 11 serait, sans doute, plus court, maisnon pas plus raisonnable; comme on poin-rait le croire, de

dire tout de suite : Il y a huit parties du discours , ainsi qu'on le fait ordinairement ; maib il vaut mieux suivre une méthode iiives- tigatrice j c'est-à-dire de recherches et d'observations , l'esprit de relève est continuellement en activité. (i) Stans , se tenant j 5U^ , dessous.

l^O" CRAMMAIRE FRANÇAISE.

point de corps, qui n'existe que dans notre esprit, et relativement à une autre substance ; enfin i'idée qu'elle réveille est abstraite (8).

D'où l'on peut diviser les substances en corporelles et en Incorporelles. Homme, lion, arbre, flir , expriment des

substances corporelles; religion, courage ^ vertu , douceur , Ô.GS substances incorporelles (i).

100. Le SUBSTANTIF cst un nom donné à une substance corporelle , comme /«om7?i.^ , lion, arbre , ou incorpo- relle 5 comme courage , vertu , Dieu, ame , etc.

101. Quand on dit, f/crm<r est nécessaire , le mot dormir, qui est ordinairement verbe, est employé ici comme substantif, il est pris substantivement.

D'où un mot peut être essentiellement substantif, ou accidentellement substantif.

Il est essentiellement substantif , s'il exprime ordinaire- ment une substance quelconque , comme lion , homme , arbre, et il est accidentellement substantif, si, appartenant