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ALVMNVS BOOK FVND

- É « ' r * I

%

Sociélé de Saint- Victor pour la Propagation des Bons Libres.

LA GUERRE

DES

PAYSANS.

APPROBATION.

Bvêdié d^ Jimui.

Nous avons fait lire et examiner «n livre ayant pour titre : ia Guerre des Paysans , par M. le vicomte de Bussierre. Du rapport qui nous a été fait, il résulte que ce livre» aussi recommandable par le style que par Texactitude des faits qui y sont racontés, mérite notre approbation. Nous la lui donnons volontiers et nous en- recom- mandons la lecture. Les fidèles y puiseront de nouveaux motifîB de s'attacher à TEglise catholique ; et ceux qui iont séparés de cette Eglise ouvriront peut-être les yeux en apprenant combien furent fu- nestes à Tordre social les conséquences de la réforme du seizième siècle.

Donné à Arm, le 13 août 1851.

WALLON-CAPELLE,

f «MU'rf- Capitulaire. Par Mandement :

TERNINGK, Chanoine,

ir. be dicktngrnt

D'iprè) nw. miniature rontemporaine.

HISTOIRE

lE u MIOmE

DES P1YSA.IVS,

(smiÈiB siècle;

ràM.

M. le Vicomte DE BUSSIERRE. 70ÏI PHIVIXfi.

PLANCY,

aoci<Tt »■ a&nrr-TicroK room la nx»àak-nom tm bom» utuiu ARRAS, lin lUSM. iM 4e la fmm-t^, 2M. PARIS, SMimi A BUY, lAnira, me te fttirii-nnB. •«.

vi^-

IVoycs. TypofTipliit Gardon.

a^

A Monsieur le Comte de Sugny^ père.

Monsieur vt Comte,

Vous avez paru lire mes ouvrages avec quelque plaisir ; veuillez me permettre de vous dédier ce- faii-ci, et de donner par un témoignage public de v^ération au second père de ma fille.

Destiné à paraître ^ il y a déjà plus de six mois, ce livre a été écrit dans un temps tout nous faisait croire au retour des scènes ({ue je raconte.

^:71475è

'Lés pViéres' ëC les œuvres des hommes qui vous ressemblent. Monsieur le Comte, ont désarmé le bras de Dieu. Notre Seigneur n*a pas pu per- mettre d'ailleurs^ que la France, fille aînée de l'Eglise^ devînt le théâtre d'une sanglante et monstrueuse orgie^ au moment elle venait de ramener à Rome l'immortel Pie IX.

iiilM^ palne eomprendrcf eefte manifes- tation d'une miséricorde infinie et en mériter la continuation I

Vicomte DE BUSSIERRE.

AVANT-PROPOS.

La révolution religieyse du XVb sièele peut être considérée comme la cause principale et le point de départ des dangers qui nous menacent au)ourdli«iy des désordres et des maux qek nous accablent. Lu- ther, en se séparant de TEglise et en se déclarant in- dépendant de sa divine autorité, jeta dans la société les éléments de Taffireuse dissolatioa nous la voyons tomber de nos jours.

Tôt ou tard les peuples arrivent aux conséquences dernières des principes qu^on leur a bit admettre.

Le moine apostat avait ^ au nom de la liberté, ouvert les voies à la pins épouvantable licence. Ses disciples ne devaient , ne pouvaient pas s'arrêter en chemin; séparés de TEgUse, qui jusqu'alors avait guidé seule le monde, ils suivirent tous les cheli qui se présentèrent et qui, sous prétexte de les délivrer du joug tutélaire de la mystique épouse de Jésus-Christ , les conduisirent aux plus monatrueux excès. Des milliers de prétendus réformateurs et ré- vélateurs, s appuyant sur la souverainet» de la raison 1*

6 AVANT-PROPOS.

individuelle , succédèrent à ceux qui avaient donné , les premiers, le signal de la révolte, renversèrent l'édifice ruineux Hti par leur orgueil , et arrachè- rent chaque jour quelque lambeau au symbole déjà ù restreint dto protestants j les impies et les athées vinrent un peu plus tard et étendirent leurs funestes enseignements dans les pays même ou la réforme n^a^* vait pu pcendre racine et ne s'était point établie sous la forme d'église.

Les peuples ayant appris à mépriser la plus auguste de toutes les autorités^ quel respeet pouvaicnt-ib coft* server pour les autorités civiles et politiques?

lies principes qui consolident les sociétés et leur donnent la vie et la durée, n'existent que par le Ga* thobeisme* Ces principes sacrés ayant été audacieuse- mmt foulés aux pieds, les doctrines les plus folles, les plus impies et les plus contraires à notre destinée dans la vie présente et dans la vie future, se dévdop- pèrent avec une force et une puissante qui prenaient leur source dans les plus mauvais instinots du eœur

Elles semblaient avoir atteint leur point culminant à la fin du XVI 11^ siècle. Toutefois^ elles continuèrent à miner sourdement le oaoïide, même après cpie Tor*

AVANT-PROPOS. 7

dre eilérieur eût été rétabli, gr&ce au sceptre de fer el à la puissante épw de Napoléon. Pratrètre la Franee eût-elle été sauvée^ et TEurope avec eUe^ si les Bout* bons en revenant de Texil s'étaient montrés les véri* tables suceesseurs de saint Lonis^ le plus grand de lenrs ancêtres parce qu'il en était le plus saint. Mal^ henreoaement Louis XVIII, imbu des prétendues lu-* mières de son époque, avait conservé dans un &ge avancé les déplorables préjugés de sa jeunesse; il ne comprit pas le rôle que lui assignait la Providence , et crut ùâre merveille en octroyant, au royaume très* chrétien 9 une fausse, plate et pâle eopie de la constitution de l'hérétique Angleterre.

C'était rouvrir la lice à toutes les mauvaises pas- sons, et leur offrir roccaûon si désirée de déployer leur activité.

Le pouvoir, qui n'avait fait avec l'Église qu'une al- liance hypocrite et qui tenait avant tout à la dominer et à Tasservir, le pouvoir, affaibli d'ailleurs par la constitution même en vertu de laquelle il régnait, était incapable d'opposer une digue suffisante aux taxa principes qu'une orgueilleuse philosophie avait répandus. L'impiété en profita pour recommencer ses manœuvres. Elle dut ses succès à la presse et

8 AVANT-PROPOS.

au nom sonore de libéralisme qu'elle [Mt alors ; car malgré labus étrange qu^on ea a fait, les mots exercent toujours un prestige magique non seule- ment sur les masses, mais même sur une nom- breuse classe de gens ayant des prétentions aux lu- mières et à l'honnêteté. Le libéralisme , puisqu'il nous faut adopter l'expression admise, le libéralisme reprit avec chaleur le projet voltairien d'éenuer Vinfâme, et dans ce but il organisa les sociétés se- crêtes*

La révolution de 1830 s'accomplit. Ceux qui l'a- vaient préparée se glorifièrent d'avoir conspiré pen- dant quinze ans. Satisfaits en partie des résultats obte- nus, des places, des honneurs et des richesses qu'ils avaient accumulés, ils n'en ont pas moins continué leur travail désorganisateur, et se sont efforcés de substituer de plus en plus une prétendue philosophie à l'Ëvangile, et d'attirer de nombreux adhérents à la secte impie qui travaillait sans relâche à la ruine de la société en travaillant à celle de la religion.

Le gouvernement issu des barricades a été leur constant auxiliaire. Gherchàut ses moyens d'existence et de stabilité dans la prospérité matérielle, il s'est écroulé d'un instant à l'autre comme tout ce qui n'est

AVAHT-PR0P06. 9

pas fondé en Diea, et il a fini au milieu da bien être, cooime Sardanapale au milieu de ses trésors.

Tomtefois, la catastrophe de 1848, de dépkNrable et hoi^ase mémoire, ne nous a pas ùdt arrÎTer eoeore aux demièree conséqoenees logiques de la réTolte re* lîgieuse du XVI* sièele. Les mseignements de Lotlfaer et de ses snceeeseursy iti«M dam tmu hwn dMapp^* mmU, amènent chaque individu à se considérer CMome êowoerain abêolu , pour tout ce qui tient à la con- science, au pouvoir y au bonheur; impossible d'é- chapper à cette conclusion finale, après avoir admis les pr^nisses posées par les réformateurs. Qr la souveraineté individuelle que nous venons de défimr trouve sa coosplète expression dans le socialisme, et eL\e se manifestera tôt ou tard dans l'Europe entière, en y allumant les feux de la guerre civile. J'ignore si Dieu nous réserve dans sa colère le malheur de tomber entre les mains insensées qui prétendent re- construire l'édifice social d après leurs plans et leurs systèmes, mais ce qui est iDcontestable, c'est que, battus, vaincus, écrasés cent fois, ils recommence- ront cent fois aussi la guerre qu'ils ont déclarée à tout ce qui existe, à moins qu'on ne parvienne & les convertir et à les engager à se soumettre volontaire-

tO AVANT-PROPOS.

mma à Tautorité tutélaire de l'Eglise. Les idées, même les plus extravagantes^ ne sont vaincues que par d^au* ttes idées, -** disait NapMeon, si je ne me troiâpe ; jamais on ne les tranche à coups de sabre. Rien n'est plus vrai , et jamais aussi on ne les déracine par ces miflétaMes demi««Desure8, par ces concessions et ces pvécantions sur lesquelles tant de gens fondent au* )rard'liui leur espoir.

Le monde, qu'on le sache bien, n*a plus qu'une seule ancre de salut; il peut être sauvé encore en se plaidant à Tabri de l'arche sainte que Dieu nous a donnée dans sa miséricorde et dont nous nous som- me» follement éloignés ; la morale, la paix, Tordre, la sécurité, le bonheur véritable n'existent pas ailleurs, et de même que hors de l'Eglise il n*y a point de sa- lut pour les &mes, de même aussi hors de son sein il n^ a pas de salut pour les peuples ^

Jamais le grand parti des conservateurs et des amis

' Si l'on m'objecte ici l'exemple de TAngleterre, je répondrai que l'Angleterre redeviendra catholique ; déjà ses plus nobles enfants fie biteni de chercher dam Tunité on remède à laurs doutes et à leurs anxiétés ; Rajouterai que si, en punition de ses crimes et de ses pré- varications, elle fermait les yeux à la lumière et les oreille» ù la vé- rité, pour re»ter dans Thérétie, elle serait infailliblement perdue; la grandçur de sa ruine égalerait alors celle do la puissance factice dont elle est si flère !

AVAffV-MWm. 1 1

de Tordre matériel ne résoudra lee difReuItto de la pontiflB aetaaUe. Bien deummbiM de ee parti qot tnh TailléàUmnede ridée ehrétienne. Nous lee «▼cmevae à rorairw avant 1848, et Pexivérienee nous a prouvé qu'ils sont impuissants pour fe ïAmi tout quih pourront ftire, peut-être, sera de retarder le ttoment de la clmto pour la rendre (dus terrible et plue eomplète. Un intérêt vitaut et douloureux le rattache à tMt M qni peut jeter du jour sur les périls qui fteueMM l'humanité. 11 fà^t qu*eBe eounaisse ee qui Tattend, si iàiê s'obstine à marcher dans la voie elle s'est en- gagée. Cette considération nous décide à poMier J*ou«- irrage qu'on va Ure. Cest un simple (ragment de rhistoire contemporaine de Luther , fragment danft lequel on trowe; appliqués à la société civile, lespriËf- cipes qui ont présidé à la réforme de la société relf* gieuse, et le développement anticipé des idées que de «odernes utopistes s'efforcMt de répandre dans te monde, te socialisme étaM déjà à l'ceuvft dadb'Ià guerre des rustauds.

Mais il ne ftiut point pèrdnr de vue que cette pt^ mière manifestation était infiniment moins hideuse qu'elle ne le serait de ùos jours. Au XVI* siècle c'était, sous de certains rapports,

12 AVANf-PMN&

un germe écloa avant le temps. La foi des rustauds était égarée plutôt que morte ; il y avait encore dans leors tètes quelques obscures notions de justice et de droite que la tourbe immonde de nos démdisseurs modernes ne connaît plus.

Les maux <pie la désorganisation sociale entratne à sa soite grandissent en proportion du vide que Tab- aence de la foi a produit dans les âmes. Que Ton juge d'après cela du sort qui nous attend y si nous devons être un jour livrés aux ambitieux dépravés qui ébran- lent le sol de TEurope pour se vautrer dans la fimge des jouissances matérielles^ et qui ont appris à leurs adeptes à mettre leur gloire dans le mépris ^ or* gueilleux et hautement avoué, de toutes les lois re- lÀ^eusaei et civiles! Vainqueurs, leur domination ne saurait être longue , à la vérité ; ils seraient bien vite étouffés eux-mêmes dans le sang et dans la boue; maie nn triomphe de quelques semaines leur suffirait pour &ire subir à l'humanité dUnguérissables dou- leurs , et pour jeter l'Europe expirante aux pieds du plus odieux despotisme qui ait jamais pesé sur le monde!

II est un fait historique que nous devons soumettre à l'appréciation de nos lecteurs, avant d'entrer en

AYANT-PROPOS. 13

matière. Les paysans allemands contemporains de la réforme avaient de justes sujets de plainte, qui cons- tituenty en quelque sorte, une circonstance atténuante de leur révolte ; cette circonstance est loin d'exister an même degré, de nos jours.

Nous chercherons à faire connaître leur situation dans notre introduction. Nous y tracerons également nn iqper^ sonsmaire des événements qui ont précédé et amené le soulèvement.

Les travaux de plusieurs historiens sur les symp- tômes précurseurs de la révolution religieuse, ne noue dispensent pas de rappeler ces ejmptbmes^ dont la connaissance donnera à notre récit un caractère d'unité et d'ensemble. Lorsqu'on veut apprécier et juger un évôoement, il est indispensable d avoir une idée parfaitement nette des causes qui Vont produit

iwtcâTioi m mwa.

Nous avons recueilli avec un soin extrême les matériaux du travail qu'on va lire. Comparant les chroniqueurs et les historiens, vérifiant tes uns par les autraS) élwlîant m que les deux partis ont écrit ^ nous croyoua avoir évité toute assertion hasardée.

Malheureusement il est parfois bien difficile démêler le vrai dans les récits publiés sur lea faite i|ui 'touchent et près ou de loin à la réforme. Les auteurs protestants alle- mands ont plus écrit que les catholiques sur ces événements; beaucoup d'entre eux se sont occupés en particulier de la guerre des rustauds, et ont cherché , par tous les moyens possibles ^ à la présenter sous un faux jour, et à faire ad^ mettre à ce sujet quelques-uns de ces grands mensonges historiques qui circulent encore aujourd'hui dans le monde des demi-savants. Cette guerre a évidemment été une guerre à la fois religieuse et politique, produite par le protestaa*- tisme; les historiens hérétiques ayant conscience du styg- mate indélébile qui en résulte pour ce qu'ils nomment leur Eglise^ ont mis leurs soins et leufs talents à suppri- mer certains détails qui lui donnent son cachet particu- lier, à la représenter comme le résultat de la tyrannie de la noblesse et plus encore du clergé, à soutenir en un mot qu'elle n'a rien de commun avec la réforme. Pour arriver à ce but, ils ont forgé des faits et en ont omis d'autres \ ils ont tantôt embelli, tantôt calomnié certains personnages; tout a été dénaturé par leurs plumes, les hommes et les choses. Cependant on trouve un fil pour sortir de ce laby-

an>lCATION DES SOCRCBS. 15

rmthe, en coaraltant les éorils ânanant des «attioKqueg et les actes authentiques da traips, et rartout en comparant les derniers auteurs protestants a^ee cew des sIMes pr^ cédenta.

Les écriYains luthériens contemporains de guerre des rustauds se sont abstenus d'en rechercher on d>n indi- quer les causes -, tout en se montrant haineux à Vexcès en- vers l'Eglise et les catholiques, ils sont à peu d'exceptions près, assez véridiques dans Texposition des faits et se bor- nent, en général, à donner une non^nclature un peu sèche des lieux et des personnages qui ont pris part à l'tasur- reetion , des châteaux et des couvents qui ont été détruits, et à indiquer les mouvements des troupes insurgées et des corps d'armée qui les ont combattus. La fausseté et la ca- lomnie , ont prudemment attendu pour commencer leur œuvre, que les témoins ocenlaires cassent disparu] alors elles ont agi ; d'abord avec timidité, avec une sorte de rs* tenue, en essayant de faire passer les assertions les plus hasardées au moyen d'une forme dubitative, d'un : on dit^ d'un on as$ure..,.; plus tard eMii ont adopté des allures plus franches ; enfin dles ont atteint leur complet dévelop* pement. De nos jours certains historiens allemands ont fait de la guerre des rustauds de magnifiques tableaux de fentaisie, dans lesquels le faux est habilement mêlé au vrai ; ils ont effrontément publié, comme vérités incontestables, des choses qu'aucun contemporain ne mentionne. Ces his- toriens accordent presque tous leurs sympathies aux can- nibales qui ont mis l'empire à deux doigts de sa perte, et réservent leur fiel, leurs injures et leurs outrages, pour ceux qui l'ont sauvé du Joug le plus dégradant qui put élra imposé à une nation.

16 INDICATION DES SOUROBS.

Nous ne parlons pas ici des ouvrages que nous avons consultés simi^ement pour quelques faits particuliers, ce serait une longue et fastidieuse énumération ; ils seront d'ailleurs cités en note dans le corps de notre travail.

Nous nous bornons à indiquer les écrits dans lesquels nous avons trouvé nos principaux renseignements ; ce sont les suivants :

Gnodalius. Seditio repentina vulgi , preacipue rustico- rum, anno 4525, tempore vemo, per universam fere Ger- maniam orta, etc., imjHrimé à Bàle en 4580.

Pétri Criniti (vulgo : Haarer), historia RusUcorum Tu- multuum. Chez Struvius, rerum germanicarum scrip- tores. Ed. de Strasbourg de 4747; t. m, p. 234 et seq s. Il existe une édition allemande de cette même chroni- que, nous ne Tavons pas eue à notre disposition.

Huberti Tbomœ Leodii historia seditionis Rustican» (apud Struv. ; t. m, p. 882 et seq s.).

(Haarer et Léodius étaient tous les deux secrétaires du comte palatin Louis.)

Ckroniek der Truchseisen von Waldburgr von Maithwug, von Pappenheim (édition de Memmingcn, de 4774), ou- vrage indispensable à qui veut faire une étude apiHx>fon- die de la guerre des paysans.

Luther, édition d'Altenbourg, t. ni, p. 406 à 438 consulter pour les événements de la Thuringe et la per* sranedeMunzer).

' Goetz de Berlichingen : histoire de sa vie écrite par lui- même, et publiée par Pistorius (Nuremberg 4734). Cette biographie fait connaître la physionomie de l'insurrection #t les mœurs du temps. Mais le chevalier présente sous de fausses couleurs tout ce qui le concerne personnellement^

INDICATION DBS SOURCES. 17

et fait on beau portrait d'un vilain original, lorsqu'il parle de lui-même.

Johann Reinhardt. Fortsetzuing der Wurlzbwgisekm Chnmiek van Lormz FHes^ m Peter Ludwigs GesehichêS" sehreibem vam Bischoffthum Wûrtxburg. (Ed. de FranC' fdrt, 4743), à consulter pour la guerre de Frauconie).

Histoiia Salisburgrasis, Josephi , Francisci et Pauli Metzger (éd. de Salzbourg, de 4692), à coosulter p. 530 et suiv., pour la rébellion dansTévèché.

Quant à Phistoire de la Guerre des Paysans en Alsace, il faut étudier :

Nicole Wollzyr, sieur de Séronville, histoire et recueil de la triomphante et glcnrieuse victoire obtenue contre les sé- duiets et abusés luthériens^ par très-haut et très-puissant prince et seigneur Ânlhoine, par la grâce de Dieu, due de Calabre, Lorraine et Bar, etc. Wollzyr, secrétaire et confident du duc Anthoine , a suivi ce prince dans la fa- meuse expédition d'Alsace, et rend compte jour par jour de ce dont il est témoin * . Sleidan. Commentaria de statu religionis sub Carolo V. Les quatre chroniques alsaciennes de Herzog, Trausch, Wenker et Speckle. Les trois dernières sont manuscrites et se conservent à la bibliothèque de Strasbourg. Celle de Trausch forme trois gros in-quarto; elle est un des ouvrages de ce genre les plus complets et les plus curieux qui se puissent lire^ Malheureusement la qualité de protestant place l'auteur à un point de vue absolument faux dès qu'il est question de religion.

I Les récits de Wollzyr sont pteinement conOrmA par ceux d'Edoiond du Boulay et de Nicolas Bourker.

18 INDICATION OSS SOURCES.

Dom Calmet. Histoire de LoiTame (édition de Nancy, 4752, p i95etsuiv.).

Laguille. Histoire de la proTince d^AIsace^ etc. Stras- bourg, 4757. (Résumé rapide mais trësbieo fait de la guerre des rustauds dans ce pays.)

Les principaux ouvrages aUemands modernes sur la guerre des paysans, sont les suivants :

Baurenkrieg. Von Georg Sarlorius^ professer in Gœttin' gen. Ce livre, écrit à la fin du dernier siècle, a été publié à Frankenthal en 4844. Il est bien conçu dans son ensemble et présente un tableau assez exact de la marche générale de rinsurrecUon. Mais l'auteur est un de ceux qtû se sont efforcés, avec le plus de z^, de trancher la filia- tion entre la réforme et la guerre des rustauds. Il formule d'une manière absolue et présente comme vérités incontes- tièles, les faits controuvés et calomnieux qui ont pris place dans le domaine de l'histoire. On doit donc le lire avec dé^ fiance et n'adopter ses jugements et ses affirmations quV près un sérieux examen.

On en peut dire autant d'Oechsle, dont Pécrit a été pu- blié en 4830 à Heilbronn sous le titre de : Oechsle Bey- irage zur Geschichte der Frankischen Grœnzlandem^ mit emer Vorrede von Johann Gottfried Pahl. L'auteur de la préface met tous ses soins à démontrer que la guerre des paysans doit être attribuée uniquement à la noblesse et iu clergé. Oechsle poursuit le même système, toutefois son travail a sous plusieurs rapports le mérite de la nou* veauté; l'écrivain a examiné avec soin les archives de di- vers lieux la révolte a sévi, et son livre renferme une nombreuse collection d'actes contemporains fort curieux, précédemment inconnus*

mOiGàTfON tMK8 OOOIOBS. 19

AUegmieinê GeschidUe des groum BammrKrUgÊ hmI hmàêchriftliehen imd geiruekim QuelUn von d0e$ot W. Zimmentiaim. (StuUgard. Ed. de 4841, 3 toL). Cet oo* vrage ayant fait quelque bruit panni tes démagogues al- lenands^ ikoos devoDs essayer de le faire connaître à noe leeteura. L'auteur a fait d'inmeusea trrraui et fierait avoir mie plusieurs années de labeur à produire une des œuvres les plus détestables et les plus empoisonnées de lotie époque. II a écrit avec le bot constant de prèner el decélébrw le mal^ le vice, le nittsonge et l'knpiélé....^ en les décorant des beaux noms de josllce, de vertu et de vérité. On a de la peine à le suivre; la recherche et Faf« fectalioa uanséabourie de «on style font souvent tomber le YOlune des mains j habituellement il est confus à force d'enlrer dans las détails, d'entauMr les noms propres, de s'arrêter pour faire le panégyrique des dfMes les plus dbscurs de l'époque, et de suivre amoureusement chaque petit corps dHnsurgés, avec la pédanterie lourde et fati« guante de cwtains savants tudesques. Impossible de sai* sir l'ensemble du mouvement lorsqu'on le prend pour

Le livre de Zimmermann peut passer pour un échantil- lon modèle de certaine branche de notre littérature contem- poraine, à laquelle tout honnête homme doit imprimer lors- qu'il en a l'occasion, un stygmate indélébile, et qui, sous prétexte de liberté des opinions, travaille incessamment à pervertir les cœurs et les esprits. Toute àme droite sera profondément révoltée des appréciations et des jugements cyniques de Pauteur, à moins cependant qu'un sens aussi complètement perverti n'excite la pitié de préférence à tout autre sentiment. Jamais Wire penseur d'outre-Rliin n*a

20 INDICATION DES SOURCES.

aussi impudemment travesti l'histoire, n'a eu autant de haine et de fiel. L'infâme Hutten, Florian de Geyer, Hi- pler, Weigand, Rohrbach et d'autres scélérats du même acabit sont ses héros. Le mensonge, l'horreur de TEglise, et de toutes les institutions les plus respectables, percent à chaque page dans les trois volumes. La tendance rationa- liste, socialiste et communiste de l'ouvrage n'est pas même dissimulée; il abonde en déclamations dignes des sorties les plus furibondes de nos montagnards. Cependant il faut le lire, ne fût-ce qu'à cause de sa réputalim et delà masse de documents que Zimmermann a été à même d'examiner. L'auteur ne se contente pas d'énumérer les justes sujets de plaintes des paysans, il dépasse à ce propos toutes les li- mites connues de l'exagération, puis il excuse leurs excès les plus hideux; c'est à peine s'il leur inflige en passant, de très-loin en très-loin, un blâme léger, s'il trouve une parole quelque peu désapprobatrice lorsqu'il s'agit de l'in- cendie ou du pillage des couvents et des châteaux, de la profanation des églises, du massacre des prêtres et des moines. 11 qualifie au contraire de monstres et de tigres tous les adversaires des rustauds, et quand il parle d'un évèque ou d'un chef de communauté religieuse, son hor- reur se traduit par les épithètes les plus énergiques et les plus outrageantes. Dans ce cas il a soin aussi de citer ses autorités de façon à rendre les vérifications impossibles; il prétend être cru sur parole.

Zimmermann, au reste, parait avoir une haute opinion de lui-même et de son mérite; il déclare dans sa préface (t. m, p. 7j que tout homme sensé admirera la science et la dignité de son œuvre, et quelques lignes plus bas il daigne affirmer du ton le plus condescendant que les

INDICATION DES SOURCES. 21

écrits de quelques-uns de ses devanciers pourront oontl- naer à exister à côlé du sien !

Nous ayons puisé enfin de nombreux et très-précieux renseignements dans un volume intitulé : Studien und Skizzm xur Geschiehte der Re formation (Schaflhouse, 4846). On a rassemblé sous ce nom une série d'articles ad- mirablement bien faits , pleins de vérité et d'intérêt, qui ont paru dans les feuilles historico politiques pour l'Allé- roagne catholique, de 1838 à 4844 . Ils sont dus à la plume du docteur Jarke. Il est impossible de réunir des vues plus justes, plus larges, plus conformes aux règles d'une saine critique, à un récit plus rapide et plus saisissant. Ces arti- cles, si remarquables sous tous les rapports, sont incon- testablement ce que nous avons trouvé de mieux sur la question que nous nous proposons de traiter.

INTRODUCTION,

CùnsidératiùM généraUê.

La vraie civilisation repoee esBentieUement sur les rapports de la créature avec le Créateur^ de l'homme avec son Di^. Sans la religion^ il n'y a a pas de civilisation possible.

Notre-^ignenrJésusrChrist^ après avoir aoeom^ pli l'œuvre de notre Rédemption^ a laissé son pouvoir et son esprit à l'Eglise son épouse, au sein de laquelle il veut rester autorité vivante pour nous. Cette Eglise ne se borne pas à nous offrir Je type de la perfection , elle nous aide encore, par les moyens puissants qu'elle met à notre d£^K)sition, à le réaliser en nous et à re^ monter vers l'état sublime dont nous sommes dé^ (Ans par le péché de notre premier père. Humai- nement parlant , le moindre choc semblait suf* iSsant pour renverser l'édifice mystique fondé par

24 INTRODUCTION.

Jésus-Christ. 11 a reposé pendant plusieurs siècles sur une dynastie de vieillards persécutés^ siégeant dans les catacombes. Cependant TEglise catho- lique, essentiellement militante, a brisé les entra- ves dont on a voulu la charger ; elle a surmonté tous les obstacles que Ton a prétendu lui opposer^ elle a vaincu le paganisme, la barbarie et Terreur.

Obligée de combattre tantôt l'ignorance, tantôt les passions les plus désordonnées^ elle n'a pas été découragée par la longueur de la lutte, car elle avait conscience de son immortalité.

En dépit de résistances en apparence insur- montables, elle avait établi Vunilé sur la terre et inspiré à l'humanité l'amour du bien et du beau moral ; elle avait fait peu à peu, de l'Europe, une grande famille chrétienne, dont le chef spirituel était le Pape , juge suprême des peuples et des rois.

Cet essor admirable fut arrêté vers le quator- zième siècle ; les souverains Pontifes perdirent une grande partie de leur influence sur les événements politiques. La translation du Saint-Siège à Avignon, le grand schisme d'Occident, les allures tantôt mondaines, tantôt belliqueuses de certains papes, et surtout les déplorables conséquences des con- ciles de Pise , de Constance et de Bàle, avaient ébranlé l'immense et anti(}ue autorité de la chaire

INTRODUCTION. 25

de saint Pierre. Dans ces assemblées , on avait tenté de donner à l'Ëglise une constitution qui compromettait les droits de la papauté, en décla- rant les conciles supérieurs aux vicaires de Jésus- Christ. Cette idée folle et dangereuse, qui n'existe plus aujourd'hui que dans les cerveaux de quel- ques-uns de nos gallicans, menaçait de devenir générale au quinzième siècle , comptait même de nombreux adhérents dans le clergé, et devait me- ner infailliblement à la ruine de l'Eglise \

En même temps aussi , de graves abus exis- taient et une partie considérable du clergé , en Allemagne surtout^ était tombée dans la mollesse, dans la soif des richesses et l'avarice, dans la né- gligence et l'oubli de ses devoirs. Il n'en pouvait être autrement. D'une part, les erreurs de Wic- lefT, en pénétrant dans les universités, avaient altéré la foi et porté atteinte à la simplicité de l'obéis- sance envers les pasteurs de l'Eglise. D'un autre coté, les évêques avaient forcément négligé le gou- vernement de leurs diocèses pendant le schisme.

* L'autear des Studien und Skizzen remarque ayec beaucoup de justesse que ce faux libéralisme du clergé d'alors fut tué par le sans- culotisme radical des hérésies du seizième siècle , qui en Gt com- prendre le danger. Sous ce rapport, le protestantisme a été un remède héroïque employé par la divine Providence pour sauver TEglise. Dès- lors les plus aveugles ont senti ce que devait être le Pape. Les héré- siarques déclaraient le souverain pontife T Antéchrist; les catholiques ont pris nécessairement le contre-pied absolu de cette asserUon.

26 INTRODUCTION.

Mêlés aux discussions et aux négociations de l'é- poque^ ils avaient été obligés à de longues et fré- quentes absences ; un déplorable relâchement s'en était suivi.

Toutefois, ces aveux n'impliquent en aucune façon que TËglise elle«méme ait erré, qu'elle ait été indigne ou corrompue, comme on a voulu le prétendre. Fille du Ciel^ elle est restée sans taches au milieu de l'agitation des passions hu- maines et elle a conservé sa doctrine dans toute sa pureté, conformément aux promesses de Jésus- Christ. Notre-Seigneur^ en lui donnant l'infailli- bilité, n'a pas donné l'impeccabilité à ses ministre»; leurs fautes n'ont pu rejaillir sur elle. Il y a eu un Judas parmi les Apôtres. Les enseignements et le baptême, prêches et donnés par le traître, n'en restaient pas moins les enseignements et le bap- tême du Sauveur des hommes ; jamais aussi on n'a eu ridée de déclarer que la loi autorise le crime, parce que certains magistrats l'éludent ou la vio- lent.

L'Eglise travaillait d'ailleurs à porter remède aux désordres. Jamais on ne vit s'élever de plain- tes aussi fréquentes sur la dissolution du clei^é que dans les synodes et les conciles du quinzième siècle, et jamais on ne fit des règlements aussi nombreux pour guérir et prévenir le mal. Et

INTRODOGTION. 27

en effist^ de l'Eglise seule pourait Tenir une ré* forme salutaire^ procédant avec maturité et con-* fiistant à ramener toutes choses aux principes purs du Catholicisme, sans raisonner sur la révélation, sans renverser les dogmes même du Christian nisme. Cette réforme sainte et juste s'est faite ^ mais plus tard ; elle a été opérée par les décisions du concile de Trente^ par les exemples^ les écrits et les actes des saints illustres que le seizième et le dix*septième siècles ont vu nfldtre.EUe place en face des noms de Luther, de Calvin^ de Zwingl«^ de Mélanchton^ d'CEcolampade^ de Carlostadt^ de Munzer^ etc.^ ceux de saint Pie V, de saint Ignace de Loyola, de saint François^Xavier, de saint Vin« cent^e«Paul^ de saint François Régis, de saint François de Sales , de saint Jean de la Groix^ de sainte Thérèse, de sainte Jeanne de Chantai, dtc, etc.; d*un côté la destruction de l'idée chrétienne, le désordre, le dévergondage, le fractionnement en une foule de sectes hostiles entre elles; de l'autre l'unité, la grandeur, la science , la vertu, la morale la plus sublime et la charité la phis active, le dévouement le plus complet pour porte* remède à toutes les misères morales et physi- ques.

Dieu, souverainement fidèle à ses promesses, à prouvé ainsi, une fois encore, qu'il n'abandonne-

28 INTRODUCTION.

rait pas^ jusqu'à la consommation des siècles^ sa mystique épouse^ et que les attaques folles et pas- sionnées des hommes ne pourraient jamais l'a- battre ni même l'ébranler. Malheureusement, la situation dans laquelle se trouvait alors l'Europe^ a retardé Tavénement de celte véritable réforme. De tristes symptômes se manifestaient à la fin du quinzième siècle ; Talliance du sacerdoce et de Tempire, qui avait hâté jadis les progrès de la ci- vilisation j n'existait plus ; à mesure que la vie re- ligieuse et la discipline s'étaient affaiblies ^ l'an- tique lien des nations chrétiennes s'était relâché. Une politique étroite^ mesquine et égoïste avdt succédé à la glorieuse époque des mouvements généreux^ des nobles élans , de l'enthousiasme pour ce qui est vraiment grand ; la pensée reli- gieuse n'était plus la pensée dominante des princes et des peuples. Tout annonçait l'approche de jours mauvais, tout faisait présager une immense catas- trophe dont l'Allemagne serait le principal théâtre. La division de ce pays en une foule de petits états, les fréquentes guerres privées, l'avaient plongé dans le désordre et l'anarchie. L'empereur Maxi- milien chercha à la vérité à y remédier, en éta- blissant la paix publique de 1495 et le tribunal impérial chargé d'en garantir l'observation ; mais l'autorité souveraine avait été trop abaissée, trop

INTRODUOnON. 29

souvent méconnue , pour permettre au prince d'a- gir efficacement en cas de nécessité.

La guerre étrangère vint compliquer la situa* tion. Charles, petit-fils de l'empereur Maximilien et roi d'Espagne, fut appelé bientôt aussi au trône impérial. La grandeur de la maison de Habsbourg inspirait peut-être plus de jalousie encore que de crainte à François 1% roi de France; il n'eut plus qu'une pensée, qu'un désir, celui d'humilier son rival. En même temps , les progrès gigantesques de la domination turque menaçaient^ du côté de l'Orient, la Hongrie, la Pologne, l'Autriche et l'Al- lemagne entière.

Dans des conjonctures religieuses et politiques si difficiles, il eiit fallu, pour sauver le monde, qu'un nouveau Charlemagne, dévoué à la fois à l'Eglise et à l'Etat, vînt conjurer le péril, par une intelli- gence assez vaste pour répondre aux besoins du moment \

^ Charles-Quint était un habile politique et rien de plus; le grand homme deirine et comprend les vrais besoins de Thomanité, et tra- vaille à les satisfaire sans jamais se laisser détourner de son but par des instincts ou des désirs égoïstes.

Le grand mal c'est que les monarques chrétiens, qui ne doivent leur puissance qu*à TEglise, au lieu de se servir de cette puissance pour défendre et protéger TEglise, n'en ont fait usage que pour Thu- milier et l'asservir.

Les trônes ne se raffermiront, les peuples ne rentreront dans l'ordre, que lorsque l'Eglise pourra en toute liberté exercer son sa\u^ taire empire sur Thumanité.

30 INTRODUCTION.

A défaut d'un gemblable génie^ on pouvait s'at* tendre à ce qu'une étincelle suffirait pour allumer un incendie, que des flots de sang ne parvien- drafent pas à éteindre.

§11.

Luther et la réforme.

Martin Luther fut l'homme qui mît le feu à l'é- difice religieux et social.

Il était à Eisleben^ le 10 novembre 1483. Son père, qui travaillait aux mines, le destinait à la jurisprudence et le fit étudier à Magdebourg, à Eisenach et à Erfurth. Toutefois^ l'étude du droit et de la littérature ne convenait point au carac- tère de Luther ; il entra au couvent des Augustin» d'Erfurlh le 17 juillet 1505, y fit profession contre la volonté de sa famille et y devint prêtre dès l'année 1507. On trouve, dans les études his- toriques précédemment citées \ un portrait de Luther, admirable de vérité et qui donne la clé du triste et terrible rôle que cet homme a joué dans le monde. L'auteur, se fondant sur les autorités les plus irrécusables et en grande partie sur les écrits du soi-disant réformateur, prouve que Lu-

^ Sludien und Shizzen^ etc., p. 19, et seq. S.

INTRODUCTION. 31

theVf à son entrée dam le cloître, était un esprit doué de facultés remarquables^ mais dévoré de scrupules et plein d'orgueil. Il cherchait sa justi- fication dans ses propres œuvres ; il prétendait se sauver par son travail ^ par son ascétisme, par la stricte observance de sa règle, et par une sévérité pharisaïque à laquelle la charité était absolument étrangère.

Toujours mécontent de lui-même, ses moindres fautes blessaient sa vanité et ses folles espérances, parce qu'elles lui démontraient son néant et Ti- nutilité de ses efforts. Aucun confesseur ne par* venait à le calmer^ à lui faire comprendre que^ d'après l'enseignement de l'Eglise, nous sommes, quoique nous fassions, des serviteurs inutiles et que nos œuvres n'acquièrent de valeur que par leur union aux mérites infinis de Jésus-Christ. En un mot^ Luther était en contradiction manifeste avec la doctrine catholique.

Plus tard, ainsi que nous le verrons, il comprit qu'il avait suivi une fausse direction ; il tomba alors dans l'excès opposé, sans abjurer pour cela la profonde et terrible cause de son mal, son orgueil démesuré. N'ayant rien pu faire par ses propres forces, il se prit à nier, de la façon la plus absolue, la liberté de l'homme et la possibilité des bonnes œuvres, et à soutenir que nous sommes justiGos

32 INTRODUCTION.

par Jésu^-Christ, sans aucune coopération de notre part^ sans pénitence ni amendement. Moine ^ il avait été Pélagien ; apostat^ il accusa TËglise de l'être^ lâcha la bride à toutes les passions en pro- clamant l'impossibilité de les dompter^ et jeta ainsi dans le monde l'élément de dissolution le plus épouvantable. L'auteur que nous citions ci-dessus fait à ce propos une observation pleine de justesse. Un grand saint; dit-il *, recommande de faire les œuvres comme si la grâce n'existait pas, et de compter sur la grâce comme si nous ne pouvions accomplir aucune œuvre ; Luther n'observa d'a- bord que la première moitié de cette règle , il n'en suivit plus que la seconde après sa rupture avec l'Eglise.

Quoi qu'il en soit, tandis qu'il se trouvait dans son couvent, il menait un genre de vie sévère et mortifié; sa conduite extérieure était celle d'un religieux se livrant aux exercices delà pénitence et de la vie ascétique. L'Ecriture-Sainte, et les com- mentaires de Nicolas de Lyre, étaient alors ses lec- tures favorites. En 1 508 le prince électeur de Saxe l'appela en qualité de professeur à l'université de Wittemberg; il y enseigna la dialectique et la théologie et y prêcha.

< Ibid., p. 81

INTRODUCTION. 33

Des affaires de son ordre obligèrent Luther de se rendre à Rome la Sainte, c'est ainsi qu'il la nommait alors. 11 en parcourut les sscnctuaires avec la plus profonde dévolion ; il ressort de ses propres écrits qu'en dépit des affirmations con* traires de certains auteurs protestants, ce voyage n'a contribué en rien à son apostasie. Il reprit ses fonctions de professeur de théologie à son retour en Allemagne^ et se tint tranquille pendant quelque temps encore; mais en l'année 1516 il fit soute- nir des thèses publiques, dans lesquelles on trouve déjà le germe des erreurs qu'il enseigna depuis. L'indulgence plénière^ publiée par Léon X et prêchée par ses ordres^ fournit au docteur Martin un prétexte de lever ouvertement l'étendard de la révolte contre l'autorité pontificale. On devrait supposer que Luther, au moment il entrait en lice, savait au moins ce dont il était question ; mais il déclare lui-même le contraire avec la plus rare impudence : « Aussi vrai que le Seigneur Jésus- Christ m'a racheté, dit-il *, j'ignorais complète- ment ce qu'est l'indulgence \ au reste personne n'était plus avancé que moi dessus >. »

' Wals'che Ausgabe, t. xvii, p. 4704.

1 Cet aveu ne prouve pas en faveur de la science théologique du professeur de Wittcmberg; mais ne lui en déplaise, il suffit de lire tes écrite de ses adversaires, pour demeurer convaincu qu'ils savaient parfailement ce qu'est Tindulgence.

34 INTRODUCTION.

Celte ignorance complète n'empêcha point le docteur Martin d'afficher, le 31 octobre 1517, ses fameuses quatre-vingt-quinze thèses. Il dit cepen* danl encore dans la soixante et onzième : « Mau- dit et anathême soit celui qui parlera contre la vérité des indulgences pontificales. »

Les abus qui s'étaient glissés dans la publica- tions des indulgences et dont beaucoup de savants évêques se plaignaient à juste titre, donnèrent un retentissement extrême aux thèses de Luther. Elles furent réfutées successivement par Conrad Wim- pina *, par le célèbre Tetzel , par le dominicain Sylvestre Prierias à Rome et par Hoogstraten à Cologne. Vers le même temps , le savant Jean Eck, vice-chancelier de l'université d'Ingolstadt, publia son premier écrit contre le novateur. Celui- ci répondit promptement à tous ses adversaires; il le fit en prenant déjà le style hautain, tranchant et injurieux qu'on retrouve dans ses ouvrages pos- térieurs. Dès-lors aussi, il commença à émettre des propositions contraires à la doctrine de l'E- ghse, pour laquelle cependant il protestait encore de son respect et de sa soumission. Déjà il avait gagné à sa cause Bucer le dominicain, et le doc- teur Carlosladt, qui devint par la suite un de ses ennemis les plus acharnés.

' Professeur à Francfort sur TOdef, p. 1550.

INTRODUCTION. 35

Sur ces entrefaite» (1548), LéonX avait nommé Gabriel de Venise général intérimaire des er- mites de Saint- Augustin. Gabriel^ qui considérait la grande affaire des indulgences comme une simple dispute de moines allemands^ crut pouvoir imposer silence à Luther^ au nom de son vœu d'o- béissance. Luther ne se tut point ; mais il essaya de se justifier par d'hypocrites protestations. Le Pape le somma de comparaître à Rome dans un délai de soixante jours ; toutefois, à la demande des électeurs, il le dispensa du voyage et lui enjoi- gnit simplement d'entrer en conférence, à la diète d' Augsbourg, avec le cardinal légat Cajétan, le sco- lastique le plus distingué de l'époque.

Luther, qui prétendait n'avoir rien avancé dans ses thèses que de conforme à l'Ecriture-Sainte, aux décrets des Papes et à la saine raison, se re- fusa à une rétractation absolue. Il répondit au car- dinal dans deux conférences, avec une morgue et une insolence inouïes, en appela du Pape mal in- formé au Pape mieux informé, et craignant d'être arrêté il quitta brusquement Augsbourg. Ce fut alors que Léon X exposa dans une bulle la doctrine catholique touchant les indulgences et leur usage, et prouva ainsi que les abus dont on s'était rendu coupable et les publications de Tetzel , ne pou- vaient être attribués à l'Eglise. Le Pape envoya

36 INTRODUCTION.

aussi en Allemagne son camérier^ Charlesde Miltitz . pour engager Luther à se tenir tranquille jusqu'au moment les évêques auraient rendu leur juge- ment. Ceci se passait au commencement de Tan- née 1519, et le 3 mars Luther écrivait encore au souverain Pontife, pour protester de sa soumis- sion et de son respect envers sa Sainte Mère FE- glise romaine. Toutefois, alors déjà, il disait con- fidentiellement à ses amis « que le Pape pourrait bien être l'Antéchrist, ou au moins son précur- seur. »

Le synode qui devait réunir les évêques alle- mands fut précédé d'une conférence publique te- nue à Leipzig, en présence du duc Georges de Saxe , par Luther et Carlostadl d'un côté , par le docteur Eck, de l'autre. Elle dura depuis le 27 juin jusqu'au 16 juillet 1519. Eck réfuta ses ad- versaires de la façon la plus brillante, dans les dif- férentes thèses qui furent soutenues et dont les principales étaient : la suprématie de l'Eglise de Rome, la grâce, la liberté de l'homme déchu, la pénitence et les indulgences. Luther était bien loin déjà de ses anciennes idées pélagiennes ; il commença dès-lors à affirmer que la foi sauve sans les œuvres et à nier la primauté des Papes et l'infaillibilité des conciles.

Toutefois, les conférences de Leipzig augmen-

INTRODUCTION. 37

tèrenl la célébrité de l'apostat^ bieo qu'il y eût suc- combé; elles lui procurèrent Toccasion de se mettre en scène et d'attirer à son parti les enne- mis de la paix et de l'Eglise. Dès-lors^ tous ceux qui voulaient renverser ce qui existait dans Tordre civil et dans Tordre religieux, novateurs^ pertur- bateurs de haut et bas-étage^ se groupèrent au- tour de lui. Ce fut à cette époque probablement qu'il commença à se rendre compte des ferments politiques révolutionnaires compris dans son hé- résie, et que la pensée lui vint d'en profiter pour atteindre son but principal , c'est-à-dire , la des- truction de TËgUse. Les conférences de Leipzig lui valurent aussi le plus zélé et le plus important de ses collaborateurs; le savant helléniste Mé- lanchton se déclara son disciple et l'exalta par ses éloges. Luther, gonflé de son importance et de la popularité qui s'attachait à son nom, adressa à Charles de Miltitz son traité sur la liberté chrétienne et l'accompagna d'une lettre pour le Pape, rem- pUe de ces sales et ordurières injures dont four- millent les écrits du prétendu réformateur.

Après cet éclat, un homme du caractère de Lu- ther ne pouvait plus revenir sur ses pas ; le sort en était jeté ; il devait se séparer ouvertement, se dé- clarer contre la première et la plus sainte des au- torités, ne plus rien respecter de ce qui se trouvait I ^

38 iimw)î)W:«ôi^.

en contradiction avec ses propres Mées et ses opi- nions. Alors aussi il se mit à inonder le inonde de ses œuvres, à exposer ce qu'il nommait son Evangile on son système, se poser «i nouveau messie envoyé pour régénérer la terre, à trafter enfin de blasphémateurs et à anathématiser ceux qui se permettaient d'avoir une croyance, une pensée, un avis différents des siens.

Du reste, ce qu'on appelle le sy^ème de Lu» ther était un ramassis d'erreurs anciennes et non* velles , dès longtemps jugées et condamnées par FEglise. îl avait fouillé dans les bas-fonds des hé- résies des premiers siècles, et dans les doctrines des Cathares, des Vaudois, de Wicleff et de Huss, pour en faire ce qu'il nommait la pure doctrine de la sainte Ecriture. Assurément en commençant à dogmatiser, îl ne prévoyait pas la série de néga- tions successives dans laquelle îl allait se trouver engagé ; il avait oublié que les vérités chrétiennes sont trop rigoureusement enchaînées les unes aux autres , pour qu'on puisse en ébranler une sans finir par les attaquer toutes.

H suffit de suivre le développement progressif de la réforme, pour se convaincre de la vérité de no- tre assertion. Les abus qui s'étaient introduits dans la publication des indulgences avaient servi de prétexte immédiat à l'insurrecûon. Lufher,

au lÂett (jL'aMaqiier i'aiNis^ altequa h chom (^ même» sans la bien coiuMÛtrie m étwdier ia queslMO^ fl Q(»iQata à TËglise Ae pouvoir d'a))aoiidr6 le pé- ehieur de h {Mine ^étomeUe, «t 4e le dû^wager ^ialemeat de la peiae temfiODdjie e»liii a^K^^^^^^^^^it i'iB(di«%^abee ; il préteûdU qu'elle avak sônpleneat 4roit de 4é^rer que le péehé .éfak cemîs. « JLa £m seide, Ààk-^H^ la loi seule par bi^elle Aon^ <a*oyoiis fenBeoaeiit €pie Jésiis-Ohrût est iaort fK)ur nous eit que les mérkes .de «a mort nous jsont appliqués ou isoputés^ imjus reiftet nos ifér chés. »

Maïs dès4ors^ la Mmtrition^ la eonfessioR^ k sa- iisfaetiou de:vieaiieiit superflues; dèsJors «ussî^ r aumône , la pénkeuce et les autres .œuvres ^e JésusnChrist cious recommande^ ne peuveot eon« itribuer en ri^i à effacer le péché ^ à nous rendre agréables à Dieu et à nous mériter une récom- «pense? Pousse sur ces articles, le moine rebelle affîrma, d'une part, que ThcMoame pè<^ dam toutes ses actions \ de Fautre, que Thomme justifié par la foi n'a pas à s'inquiéter de ses péchés, parce que Dieu ne les hu impute point. L'exil tence du libre-arbitre était incompatible avec cette létrange doctrine; mais Luther, qui jamais n'hési- tait à rejeter ce qui ne pouvait s'accorder avec ses prémisses, franchit cette difficulté et proclama que

40 INTRODUCTION.

l'homme déchu naît absolument serf^ sans la moindre étincelle de liberté.

Ce n'était pas tout encore. Le novateur ayant déclaré que les péchés sont remis par la foi seulej dut faire consister Tefficacité des sacre- ments uniquement en ce qu'ils sont des cérémo- nies capables (T exciter la foi^ et comme il ju- geait la cène et le baptême S seuls propres à pro- duire un semblable effet, il les conserva et retran- cha les autres signes sensibles et efficaces de la grâcC; institués par Noire-Seigneur Jésus-Christ pour nous sanctifier.

Dès-lors aussi, plus d'ordination des prêtres leur conférant im caractère surnaturel, plus de hiérar- chie, plus de sacerdoce ; l'EgUse visible et le culte sont inutiles, l'homme n'a que faire, pour être sauvé , d'un moyen spécial de salut institué de Dieu.

Le péché , remis par la foi seule , n'a besoin d'expiation ni dans ce monde ni dans l'autre. Lu- ther contesta donc, en termes pleins de mépris, l'existence du purgatoire et la nécessité de la prière pour les morts. De même, il détruisit l'invocation

1 Diaprés ce raisonDement, on ne saurait comprendre pourquoi Luther n^admit pas avec les anabaptistes la nécessité du baptême des adultes, car assurément la foi du nouveau qu'on baptise n*est ex- citée en aucune façon.

INTRODUCTION. 41

des saints^ dont on a toujours fait mémoire dans les lithurgîes chrétiennes. « Cette invocation, di- sait-il^ leur suppose des mérites indépendants de eeux de Jésus-Christ. » Assurément personne avant lui n'avait tiré du culte des saints cette bizarre con- clttâon; mais qu'importait à Luther, statpro ror tione voluntasj répondait-il orgueilleusement à ceux qui se permettaient de lui présenter quelques observations.

C'était, on le voit, sa propre autorité, et non pas celle de la raison humaine qu'il prétendait substi-* tuer à celle de VËglise.

Léon X lança le 1 5 juin 1 520 la bulle d'excom* mimication qui condamnait quarante-trois prc^MH sitions de l'hérésiarque, ordonnait la destruction de ses écrits par le feu,et l'excommuniait lui-même, s'il n'en appelait avant soixante jours révolus. La bulle conjurait en outre Luther, dans les termes les plus pathétiques, de respecter la sainte et im- muable vérité, et enjoignait aux puissances chré- tiennes de s'emparer du coupable, et de l'envoyer à Rome^ s'il persistait dans soii endurcissement après l'expiration du délai. Luther, pour toute réponse, en appela du Pape à un concile universel, publia un libelle contre la huile de r Antéchrist^ et brûla publiquement cette bulle le 10 décembre 1520, en prononçant les mots : « Puisque tu as

42 omiobvcjum,

«csitristé te sftktdtt Seigneur; f^ -^iel étihle f^^ iré idode^te qftie se donnait Lûthefr^ <x s(ni* eonsd^ fidéa pAF le im étemel/ »

diète de Wôrm^ s'cnlvrit atf ècWfSebOâilieBt de Vaaêë \^%l.^ Luiheï^ imifii d'uti muf-isoù- dtilt r eMpdfedf ,- y kttivA le 1 Ô &vliL Léâ adtti^ fàtéttfs de Vàpôëtât se sottt éref tué» à célébrer »où èoiif Age à éette §e6ddioû. lU tskiôntettt qtfe^ lôrfiqué ses amis voulurent le dissuader d'enb'er àiîm k tille, il répondît « qu'il y pénétrerait, (|uaûd bién- mêffle il s'y trouverait dutdtit de démohs que tuiles sur les toits des maisons. » Le docléUr saVftH parfaitement qu'il n'avait aucun danger à courir, et que l'empereur et les princes s'exposeraient à un grand péril en cherchant à lui faire vio- lence. Une troupe nombreuse, armée et dévouée. Veillait à la sécurité de Luther dans le voisinage iifltnédiat de Worms ; elle était commandée par François de Sikingen, dont nous parlerons dans litt de nos prochains paragraphe^, L'elnpereur, dU con* traire, n'avait pas de forces à sa disposition. Dans deà circonstances différentes, l'hérésiarque se fût bien gardé de s'exposer ; ses adhérents ont Voulu le faire passer pour un héros;, loin de il était uil poltron de la pire espèce, uti poltron vaniléux. Il suffit de connaître ses écrits et l'histoire de sa vie, pour savoir qu'il était dans des transes perpétuel-

liimOHK»K»L 43

les r^ativesnent à sa peraoooe^ ^'il avait le vçrbe fort haut et tranchant lorsqu'il se sentait eo sûr«té, et qu'à la moindre «q^fiar^ce de danger il )»|is- ait k ton et cbangoait de Uogii^.

Luther^ amvé à Wonos» docUni ; « qu'il se aoumettr^Àt^ « on pouvait le c(wr»Q<x« d'orreur par ^ tévKNgoagea poaitift de rË(ritur«<>S«Hit«, ou par de« pnoopes clairs «t évident», v L'ofAeial de Trèv«4 lui démontra viotoneiwsinwt (Bio b prétention d'en appeler uniquement à VEçiitur» et % Vinterprétation piivée, avait été l'ofigine ds totttei les héréiâe» qui avaient swxiewveiiQeot dfr* mlé la iQoode. Maii le docteur Martin m void«t se rendre à auoune rsiioQ> et lui qui, peu de tempi auparavant m avait appelé à un coneile luuversd» déclarait maintount qu'il ne se soumettrait point à •es déoifionB-

Obligé de quitter Wonns, avee un 8auf'«on<^ duit de vingt«un jours, il fut mlevé en route par les ordrei de l'électeur de Saxe Frédéric» et eon» duit au f(n1 de la WarUNNirg, il l'ooeupa de sa traduction de la Bible en langue vulgaire. Dans le même temps , Mélanchton , pour populariier la nouvelle doctrine , publiait ses [fiameuses hy* pothètwf théologiques, dans lesquelles il présente en beau langage le système du maître, et va jus* qu'à dire : « L'adultère de David et la trahison

44 INTRODUCTION.

de Judas sont l'œuvre de Dieu tout comme la vo- cation de Paul. »

Le 26 mai 1521, la diète de Worms mit Lu- ther au ban de l'empire^ par un édit qui ordonnait à tous les sujets de le livrer à l'empereur, et d'a- néantir ses écrits. La chambre impériale de Nu- remberg fut chargée de l'exécution de l'arrêt.

Toutefois Charles-Quint avait alors trop d'affaires sur les bras pour pouvoir s'occuper énergiquement de la répression des troubles religieux d'Allema- gne, Aussi redit de Worms resta-t-il sans effet dans la plus grande partie du pays^ et ne fut-il exé- cuté que dans les états impériaux et dans ceux de l'archiduc Ferdinand, du duc George de Saxe, du duc de Bavière, de l'électeur de Brandebourg et de quelques princes ecclésiastiques.

Sur ces entrefaites, Adrien VI avait succédé à Léon X. L'empire était menacé d'une invasion des Turcs ; une nouvelle diète fut convoquée à Nurem- berg (1522). Adrien voulut en profiter pour met- tre un terme aux controverses religieuses : « La ré- volte contre l'autorilé spirituelle^ » disait-il prophé- tiquement, c< se tournera bientôt contre l'autorité temporelle également, si l'on n'y met prompte- ment ordre. » Mais Chieregati^ légat du pape, ne trouva à la diète que de malveillantes dispositions. Les états proposèrent la convocation d'un concile

OfTROMJCTKHf. 4&

(Bcum^oique dans une ville allemande, pour s'oc- cuper d'abord des intérêts généraux de TËglise et des cent griefs (centum gravamina) que les prin- ces avaient contre elle^ puis en second lieu seule* ment de la querelle suscitée par Luther. Ib affir- maient n'avoir pu exécuter l'arrêt qui mettait le novateur au ban de l'anpire^ parce qu'une ré- volte populaire en eût été la conséquence immé- diate ; ils promettaient cependant d'arrêter le progrès de ses enseignements et de soutenir les évèques qui voudraient prononcer les peines cano- mques contre les ecclésiastiques mariés. Chieregati dut s'en tenir à cette vague assurance ; il quitta Nuremberg.

Adrien VI mourut de douleur^ de l'impuissance dans laquelle il se voyait de porter remède aux maux qui affligeaient la chrétienté.

Toutefois il y avait un coté vrai dans la réponse donnée à Chieregati ; un soulèvement eût été la suite probable de l'exécution de l'arrêt prononcé par la diète de Worms contre Luther ; la doctrine de la justification par la foi seule^ sans les œuvres^ cette doctrine si commode et qui lâchait la bride à toutes les passions^ avait charmé la multitude et portait déjà ses fruits.

L'hérésiarque avait été le premier à la mettre en pratique. Fidèle à son axiome fondamental,

46 wmstmGnm.

cet hamme que nous afons vu tmipideiii et aé- yère à Texoès^ vivait ça véritable pouiceauL H pé* ^KÛt fortement et ftéquemment suivtnt sa maxH me^ et se déclarait justifié parée qu'il avait kk en lea màites de Jésiis^QirôL II affirmait à tout ve* nant qu'il hii était au»i impossible de se paaar de femme que de cesser d'êbrebomme; il approuvait le divorce, la polygamie même, en dtautles emoh pies d'Abraham et de Jacob, il disait aux maris que lorsque leurs épouses reii»aieiil de se rendre à leurs désirs^ ils n'avaient qu'à appeler les wt^ vantes. Ce singulier apôtre était également tris- grand appréciateur de la bonne chère et du vin ; souvent à la suite de ses copieux repas et de ses fréquentes libations^ il était affligé de coliques et d'indigestions accompagnées de vomissements, de transpirations, etc., etc. Luther communique à ce sujet les détails les plus complets , les plus cyni- ques, dans les lettres que ses premiers disciples nous ont conservées, avec autant de vénération que si elles eussent été écrites par un saint Paul.

Toutefois, au lieu d'attribuer ses indispositions à ses excès, il en accusait la malice des ennemis de la vérité et de son Evangile \ qui, à ce qu'il pré-

^ Le mot Evangile dans la bouche de Luther était synonyme de Foi morte, accompagnée du rejet de toutes les œuvres.

47

tofidÉit, avaient voidii se débenaner de hais ^ « DieB^ dûtfâfc-îl alon^ Dieu a déjoué leur mé^ AuMselè j on teiif empmÊtmoa Luther^ a pe&ié kf Seigiieiir^ mais je ciiai^rai le veoiii eo une fmrgaAkra salntotre* » Pub le docteiir eri^ racle.

De tels exemples airaieot trouvé de ûondiieux imitatears^ uoe semblable lumière n'était pas faite pour demeurer celée sous le boisseau.

Luther, malgré le déver^^mdage dans lequel il était tombée fut effrayé du hideux déborda» ment qui ea réiiâta« Sa conscience lui adressait môme a ce sujet de vifs et de fréquents reproches; il eSMiyait de la réduire au silence en redoublant de rage et de fureur contre l'Eglise ; la lutte inté- rieure qu'il subissait se traduisait par ce mélange de violence excessive et de poltronnerie cauteleuse qui forme le trait saillant de son caractère. Il ra- conte lui-'mème que souvent il passait les nuits dans une agitation affreuse, et qu'alors il se re^- pentait d'avoir rompu l'unité, d'avoir détruit et rejette tout ce que l'humanité avait cru et vénéré jusqu'au moment de sa révolte. Mais au lieu de prêter une oreille attentive à cette voix salutaire> il s'endurcissait dans son orgueil, étouffait les re-- mords qui eussent pu le sauver, el les déclaraii Utie suggestion de Satan pour entraver son oeuvre

48 INTRODUCTION.

divine. Il qualifiait de colloques avec le démon ces avertissements intérieurs auxquels il ne pou* vait encore échapper. Plus tard, il devait arriver à ce terme fatal et redoutable Dieu ne parle plus au cœur du coupable, et l'abandonne à son sens réprouvé.

Alors il se reposa tranquillement dans son crime et contempla d'un œil satisfait les ruines entassées autour de lui.

Cependant Clément VII avait été élu souverain pontife^ le 9 novembre 1523. Il envoya à la diète de Nuremberg son légat Campeggio, qui^ en se rendant au lieu de sa destination, eût de fré- quentes occasions de se convaincre des mauvaises dispositions du peuple allemand à l'égard du Pape. Campeggio d'ailleurs n'obtint rien de la diète elle- même, que la froide promesse, déjà si souvent donnée , de faire exécuter dans chaque état, au- tant que possible, Tédit de Worms, et de s'oppo- ser à la propagation d'écrits hostiles ou injurieux à l'Eglise. Les membres de l'assemblée déclarè- rent en outre, que les griefs contre le Saint-Siège seraient examinés à la prochaine réunion de Spire, sur le rapport d'une commission nommée ad hoc. L'empereur fut aussi mécontent de ces conclusions que Clément VU ; il ordonna que l'édit de Worms contre Luther fût sévèrement exécuté, sous peine,

INTRODUCTION. 49

pour les infracteurs^ d'être déclarés coupables du crime de lèse-majesté.

L'hérésiarque lui-même^ qui alors déjà exigeait qu'on eût pour sa personne le respect du à un en- voyé du Très-Haut , s'irrita également des ré- solutions prises à Nuremberg. 11 se plaignit en termes acerbes du peu d'égards qu'on lui témoi- gnait^ et de l'ingratitude dont il était l'objet. La violence de ses récriminations fit sortir enfin de leur torpeur les adversaires de sa doctrine, et les poussa à prendre des mesures pour s'opposer à son extension. Grâce à l'intervention de Gampeggio, une alliance fut conclue à Ratisbonne^ le 1 5 juin 1524, entre l'archiduc Ferdinand, les ducs Guil- laume et Louis de Bavière, et douze évéques de l'Allemagne méridionale. Le but de cette alliance était : de s'opposer avec vigueur à la propagation de l'hérésie , de maintenir les institutions de l'E- glise > de faire exécuter les édits de Worms et de Nuremberg, d'interdire le mariage aux prêtres, et de défendre aux jeunes gens les études à l'u- niversité de Wittemberg. Les membres de l'em- pire, demeurés fidèles à l'Eglise, se réunirent éga- lement dans le nord de l'Allemagne, à Dessau, afin de s'entendre sur les moyens à employer pour détruire le luthéranisme.

Mais en même temps, les princes favorables à

»« UfTHODUOTiOK.

k ftôQTdlie religion travaillaient à la maûitenir dans leurs états, se concertaient entre eux et po- mimit les premières bases d'une alliance qui de- vait être eenclue plus tard soœ les auspices du landgrave Philippe de Hesse, et à laquelle a^Obé- i^èrent sneeessivement Jean le Gonstcmft de Saxe, le Mecklembouig; les pays d'Ânhalt et de Mans- feld^ ia Prusse et les villes de Magdeboui^ et de Brunswick.

L'Empire perdait ainsi son unité pour se diviser en deux AUemagnes, Tune catholique, l'autre hé- rétique ; le moment était arrivé la doctrine pré- ehée par Luther devait sortir de la spéculation et entrer dans le domaine de la vie publique.

§ m.

Causes du progris de Vhérésie hethérienne.

De prime-abord, «en e^t tenté de s'étonner de l'extension rapide que prit le système religieux, si absurde et si contraire à renseignement chrétien, qui a été exposé au paragraphe précéda*!.

Mais il ne faut point l'oublier; des causes nom- Iweuses favorisèrent le développement de la pré- tendue réforme. Ainsi que nous l'indiquions ci- 'dessra, elle flattait les mauvais penchants de toutes

S4

dafises de iafiocîété, Mie étaàme banMère mat- tottr de iaqudie pmvaieat « grouper toutes lei amfaiimns^ traies tes révalteg^ tontes le« puséons, loog (es méceoiefrts. En im mol, iaut ee ^'ii y 8^^ 4e vkÂemc «toms le monée comptait y trouver dtm pro^ e*«'eflipnB6Ba de groMr son armée.

Seauceup de prinees aDeiHands wriaiml m rendre ind^endmls de l*«fiper€ur ; ie Miiénh nisme -était feiipresgîon fa pii» complète, la plm pftrfaile, de levir politique étroite et égo'i^; Ss-ei &refft \ear éleiiéarà. D'aJBeurs^ les domaineB da tAevgé étàmà pour eux un appât nrés^îMe, les Ëspagnds et les Portugais venaient ^e déerafnr un mende necnreau et d'kiépuîsaldes mines d'w; eeux qcÀ ti'avaîeiit pas en le même h&tàkem pen- sèrent y suppléer en piHant les feiens de l'Eglise-; de phis, la perspective d'être affimidiis d^ime a«rte* rite qui opposait des entraves à leurs goàts et à leurs eaprices les séduisait * .

Une grande partie du clergé, disionsHneus, était tombée dans le dérèglement, Tignorance etl'ouljfi de ses devoirs. La réforme arrivait à point, pour servir d'écoulement à ce que le corps sacerdotal

« Benri VIII d'Angleterre se fit protestant pour épouser sa maî- tresse, PKlfippe de Hesse déclara qu'U abjurciaU la réforme n elle ne luipwnettait.pas d'avoir deux iemmcs à la fois. (Voyei CEuvres de Luther WaUcKehe Ausgabe, t. xv, p. ÎMO.)

52 INTRODUCTION.

renfermait de plus impur. On peut dire, à ce propos , que Dieu permet souvent le mal pour en faire sortir un bien, et pour punir les pré- varicateurs. Les mauvais prêtres se marièrent ; au lieu^de chercher à se corriger, au lieu de s'appuyer sur l'Eglise, seule capable de porter remède aux maux de l'époque, ils trouvèrent plus commode d'affirmer que les vices et les abus dont on se plaignait étaient les conséquences iné- vitables et nécessaires de la condition humaine. Ils adoptèrent la nouvelle religion, qui lâchait la bride à toutes leurs passions. D'indignes moines, des nonnes corrompues, fatigués de la règle et du célibat, déclarèrent nuls leurs vœux, et sortirent joyeusement de leurs couvents pour prendre des femmes et des maris. Cédant aux instincts de la chair, ils proclamèrent vraie la doctrine qui posait en théorie ce qu'ils pratiquaient depuis longtemps. Us devinrent les apôtres de l'hérésie et s'attachè- rent à fanatiser les masses, en leur inculquant leurs idées sur la liberté chrétienne et sur l'inuti- lité des œuvres et des macérations.

Quant à la noblesse de l'Empire et à la chevale- rie, c'est dans leurs rangs, ainsi que nous le verrons au paragraphe suivant, que Luther trouva ses pre- miers partisans armés ; il devint leur complice et leur allié dans une association dont le but était : la

INTRODUCTION. 53

guerre civile, la destruction des principautés ec- clésiastiques, rabaissement des souverains laïques et le changement de la constitution de l'Empire . La ligne de démarcation existant entre les princes et les nobles avait pris un caractère de plus en plus tran- ché depuis rétablissement de la paix publique de 1495. Autrefois les chevaliers^ en se liguant entre eux^ pouvaieni tenir tête aux princes, et marcher en quelque sorte de pair avec eux ; maintenant la possibilité leur en était ôtée et ik en éprouvaient une violente jalousie. D'ailleurs ils étaient indi- gnés de se voir dans la nécessité de recourir aux tribunaux , et de ne pouvoir plus soutenir leurs prétentions, la lance et l'épée au poing comme par le passé : le droit du plus fort, celui de piller et de détrousser sur les grands chemins, leur sem- blait faire partie des privilèges de leur caste.

Ils formaient incessamment des projets de ré- volte, et ils étaient décidés à saisir la première oc- casion favorable pour renverser ce qui existait. Le côté politiquement révolutionnaire de la réforme leur procurait cette occasion désirée. Les opinions religieuses de Luther étaient au fond parfaite- ment indifférentes à la noblesse de l'Empire ; la plupart des gentilshommes ne les comprenaient même pas. Mais ils comprenaient parfaitement au contraire tout ce qui, dans les doctrines de Ta-

54 INTRODUCTION.

postât, flattait leur cupidité et leurs grossières passions. C'est pourquoi ils en prirent la défense avec tant de zèle. Si Luther a montré quel- que habileté, c'est en cherchant un point d^appui dans ces détestables instincts qui mettaient à sa disposition une force matérielle très-considérable.

D'autres ennemis vinrent se placer à côté de ceux que nous venons de désigner et favorisèrent les progrès de l'hérésiarque. Ces ennemis, dont pour notre malheur la race est fort nombreuse aujourd'hui encore, é\ment\eBkumanisieS'payens. Le philosophisme impie qui avait conjuré la ruine du Christianisme et de toutes les vérités révélées, existait déjà en Allemagne. Il comptait ses princi- paux adeptes parmi les savants et les poètes. Ces hommes ne songeaient pas à fonder une religion, mais à détruire celle qui existait : c'était l'œuvre renouvelée de Julien l'apostat. Leur doctrine, toute païenne et matérielle, tendait à la négation absolue de la vérité révélée ; elle se rattachait à celle de Luther, uniquement par une haine com- mune contre l'Eglise ; mais elle contribua puis- samment à l'extension de la réforme, à la désor- ganisation générale et aux malheurs de l'Empire.

Les villes, après s'être affranchies et enrichies par le commerce, voyaient déjà s'éclipser leur grande splendeur : elles regrettaient le passé et

INTRODUCTION. 55

déploraient le présent. La bourgeoisie, peu ins- truite et exclusivement occupée des intérêts de son négoce , était charmée d'en finir avec la confes- sion, le jeûne, le maigre et les autres obligations que lui imposait l'Eglise. La magistrature urbaine trouvait dans les troubles religieux un moyen de s'affranchir de l'autorité des évéques, d'humilier les chapitres et les monastères, et de s'emparer d'une partie de leurs trésors et de leurs biens. De plus, dans beaucoup de villes , le corps des ma- gistrats était composé presqu' exclusivement de familles patriciennes depuis longtemps enrichies ; la petite boui^eoisîe leur portait envie et était prête à profiter de toutes les chances de désordre pour dominer à son tour.

Quant au peuple des campagnes, enfin, la dé- pravation d'une grande partie du clergé et l'ab- sence de bons guides spirituels l'avaient fait tom- ber dans l'ignorance et l'abrutissement. Il était opprimé sous divers rapports, mécontent et disposé depuis de longues années à se soulever ; la réforme changea le mécontentement en haine et fit éclater la révolte » .

On voit ainsi qu'il y avait dans toutes les classes de la société, dans les camps les plus divers, les

I Nous coiuaciiBroiis les derniers paragraphes de notre introducUon aux détails relatifs à la situation des paysans.

56 INTRODUCTION.

plus opposés, les plus hostiles entre eux , des hommes prêts à répondre au premier appel de celui dont les doctrines offraient un vaste champ à exploiter aux passions, aux intérêts charnels, égoïstes et matériels de chacun.

§IV.

Vlrie de Hutten et François de Sikingen, alliés de Luilier.

Parmi les contemporains de Luther, se trou- vaient Ulric de Hutten, le champion le plus ar- dent et le plus redoutable de la secte des huma- nistes païens dont il a été question ci-dessus , et François de Sikingen, le type du chevalier dégénéré de son époque.

Hutten , issu d'une très-ancienne famille de la Franconie et destiné d'abord à l'état ecclésiasti-. que, avait perdu la foi et toutes les vertus qui en découlent, en s'adonnant avec passion à l'étude des classiques. Fou de l'antiquité, livré au liberti- nage le plus révoltant, ennemi acharné et déclaré de l'Eglise, il se brouilla avec sa famille, honteuse de ses écarts, et mena de très-bonne heure la vie la plus extravagante et la plus désordonnée. On le vit tour à tour, orateur, soldat, écrivain et poète,

INTRODUCTION. 57

composant de mordantes satyres d'une latinité ir- réprochable et les faisant illustrer par le célèbre Lucas de Kranach. 11 avait voué au clergé régu- lier et séculier une irréconciliable inimitié ; il vou- lait son anéantissement , la rupture des rapports de l'Allemagne avec Rome^ la destruction des principautés ecclésiastiques^ la médiatisation de tous les autres princes^ le nivellement général. Et tout cela il le voulait, sans se faire illusion sur la portée de ses plans, sans y attacher une fausse idée de grandeur ou de générosité ; c'était par pur amour du mal^ pour démoraliser de plus en plus sa patrie , par haine pour tout ce qui est noble y juste et saint; par cette atroce monomanie du trouble^ du désordre et de l'impiété que l'on trouve de nos jours encore parmi les héros des clubs et de la Montagne.

Hutten parvint à se réconcilier avec sa famille, grâce au talent remarquable qu'il déploya dans divers petits écrits publiés pour soutenir un parent lâchement assassiné. Mais il n'y eut d'amende- ment ni dans sa conduite, ni dans ses mœurs^ bien que l'excès de la débauche la plus crapuleuse eût complètement ruiné sa santé. Il continua à signaler sa verve par une foule d'opuscules dirigés contre Tautorité infaillible de l'Eglise. Ceci se passait avant que Luther eiit levé l'étendard de la révolte.

58 INTRODUCTION.

L'Allemagne savante était alors divisée par la querelle de Jean Reuchlin avec Pfefferkorn , juif baptisé, qui avait signalé le premier à l'Eglise le danger de certains livres hébreux \ Ulric se mêlft de la dispute, éleva Reuchlin aux nues et accablsi Pfefferkorn des injures les plus «atroces ^ eo lui associaot tous les ordres religieux. Daps le poème intitulé : Triumphus ÇapniQnis, qu'il écrivit à ce propos ; il se livre aux transports les plus frénéti- ques et énnraère avec la férocité d'un cannibale les supplices qu'il voudrait pouvoir infliger à Pfef- ferkorn» Il ftyoue dans ce même ouvrstge qu'il s'est lie avec plus de vingt libres penseurs pour con- jurer la perte des moines et pour les couvrir d'in- famie et de boue ( viginti ampUus sumiis in in^ farfiiom perniciem vestram çonjurati). En effet, Hutten avait organisé vers l'an 1515 une association dont le but avoué était de calomnier le clergé et de le ruiner dans Testiroe publique ; elle inondait l'Allemagne d'un flot de pasquilles, d'écrits abominables et de méchantes plaisanterie», dirigées contre le Pape, les cardinaux, les évè- ques et archevêques, et contre tous les ordres de l'Eglise.

' Dans cette querelle figuraient d'un côté les admirateurs de PaQ^ tlqulté classique, de Pautre les adhérents sévères de la théologie scolfuitiq»^.

INTRODUCTION. 59

Passons maintenant à François de Sikingen» -^ Ce ebevalier, doué d'une énergie et d'upe bra- voure extraordinaires^ possesseur de vaste» domai- nes et placé à la tète de nombreux vaasttux;, était considéré, en quelque sorte^ conmi^e le chef de la noblesse de la Franconie , de la Spuabe et des bords du Khjp. Ëgoiste, impérieux et se croyant tout permis, il ne ressemblait que p^ no Hi^Mop- table courage à ces preux d'autrefw, toujours dis^ posés à s aimer pour défendre la cause de la jys^ tice^i de \a religion, de la faiblesse opprimée» («orft- que SiVingen faisait sonner le bouteiselle, c'était pour piller^ pour rançonner. Ennemi acbarné de la constitution présente de l'Empire^ il ne t^n^t oui compte de la promulgation de la paix publique, lâchait U bride à ses passions et à ses instincts égoïstes, ravageait le pays et guerroyait saps œmi Il éprouvait la baine la plus violente pour les prinr ces aUemaods, dont la supériorité l'humiliait; pptir les légistes qui , en iptroduisant l'usage du Proit romain, avaient été (^uses de l'interdit mis sur les guerres privées , interdit que cependant il n'obsert vait en aucune façon; enfin, pour le dei^é et les villes dont les solUcifations avaient provoqué le décret de Worms et dont les richesses le tentaioat. Is chevalier se livrait impunément à ses actes de brjgsndage ; la puissance impériale étût trop af-

60 INTRODUCTION.

faiblie pour forcer Sikingen à rentrer dans le de- voir; François P' et Charles-Quint cherchèrent même tous deux à l'attirer à leur partie afin de profiter de ses grands talents militaires. On le vit ainsi tour à tour mis au ban de l'empire comme perturbateur de la paix publique , et placé à la tête des troupes de son souverain. Il attaqua suc- cessivement et sous les plus frivoles prétextes , la ville de Worms et le duc Antoine de Lorraine , qui le força à la retraite. Plus tard, il se mit à la solde de ce prince, moyennant 300 florins d'or, ravagea le landgraviat de Hesse et les domaines de Francfort, et rentra dans ses châteaux gorgé de butin et chargé de sommes d'argent qu'il destinait à préparer d'autres expéditions du même genre.

Deux honunes comme Uhic de Hutten et Fran- çois de Sikingen étaient faits pour s'entendre; en effet , nous verrons tout à l'heure qu'ils devinrent alliés, et que la prétendue réforme fut le terrain sur lequel ils se rencontrèrent.

Hutten avait cherché d'abord à gagner les prin- ces, en ne leur communiquant que la partie de ses plans relative à la destruction des ordres reli- gieux ; la folle pensée lui était même venue de séduire, par la perspective de l'unité du pouvoir , le jeune empereur et l'archiduc Ferdinand ; il avait fait à ce sujet, dit-on, le voyage de Bruxelles.

INTRODUCTION. 61

Béçu dans ses espérances, il se mit en quête de nouveaux alliés, avec un redoublement d'ardeur. Lots des débuts de Luther, Hutten avait montré fort peu de penchant pour l'hérésie, à laquelle il ne pouvait pardonner les vestiges de Christianisme qu'elle conservait. Toutefois il comprit bientôt qu'elle serait utile à ses projets, comme principe de destruction en politique et en religion ; il se déclara donc pour elle et chercha à y attirer Sikingen. 11 démontra à ce dernier que le moment d'agir était venu, que la révolte de Luther lui fournissait l'occasion , depuis si long- temps désirée, d'écraser ses ennemis en suscitant une guerre religieuse dans l'Empire. Le che- valier ne prenait aucun intérêt aux opinions du novateur ; mais Hutten avait touché la corde sen- sible : François entra dans ses idées. Dès-lors Ulric se mit en correspondance avec le docteur Martin , se posa en admirateur de cet homme pour lequel il professait en réalité le plus profond mépris^ à cause de son pitoyable latin ^ et il lui oflfrit se^ services. Luther eût repoussé cette pro- position avec horreur, s'il avait eu encore dans le cœur l'ombre d'un sentiment honnête ; mais aveu* glé par la passion , il accepta. L'on vit alors se former une monstrueuse alliance entre l'hérésie et l'athéisme, recherchant l'appui matériel d'untroi-

62 INTBODDCTIÛN.

sième élément politico-révolutiono^ire ; f^i\miee sao-ilègç par laquella l'tm 4e« coptraotants e^r«it arriver à la destnMJtioB de l'Eglise , l'autre à Ta- péantiasement <le toute mmh et de toute r^H- gion; le troisième à nm haute position personnelle et au bouleYersemeot complet de h wnstitutiçn de l'Empire,

Au reste, la peur entra pour beaucoup dws la détermination de Luther, Les événements ùonl nous yenoM de rendre un compte sommaire K passaient à l'époque de la célèbre conférence Leipzig '.

L'électeur Frédéric de Saxe, ce triste et faible pei^nnage dont les protestants ont voulu faire un grand homme et un héros, l'électeur Frédéric, qui ne pensait pas encore alors à une rupture for* melle avec l'Eglise^ avait ordonné au novateur do sortir de ses Ëtats. Luther et sa doctrine se trour vaient ainsi à la merci de quiconque leur ofit^irait a^le et protection. L'hérésiarque , accablé de œ coup, songea à se retirer ches; les Hussites de Bor hême, qui l'engageaient à venir auprès d'eux. Ce fut précisément au moment il était dans eet abandon et cette perplexité qu'il reçut les lettres de Hutten et de Sikingen, et les propositions des che-

Voirci-daMuign.

nrmopUCHQN. 63

valiejrs de la Franconie. Il passa subiteipept de l'abattement le plus coipplet h T insolence la plu$ présomptueuse p Les conférences de Leipzig, en lui faisant perdre l'un de ses protecteurs^ lui en anae- naient une foule do nouveaux, Sûr maintenant d? l'appui d'une puissance révolutionnaire qui ar- mait en secret^ il donna un libre cours à ses fureurs. <* François de Sikingen m'a délivré de la crainte des hommes {abhominum timoré) , ^ écrivait-il d'un ton triomphant h son ami Spalatin ; et dans une autre lettre adressée au même, il allait jus- qu*à déclarer a que si on le poussait à bout, il se retirerait parmi leB chevaliers, ne ménagerait pas plus les princes que Rome, jetterait tout au feu et en finirait à jamais avec l'humilité *• »

De leur côté, Huttenet Sikingen, ayant trouvé dans Luther un instrument favorable à l'exécution de leurs desseins, arrêtèrent définitivement leurs plans. Leur programme était : d'exciter la guerre dans toute l'Allemagne^ de massacrer le clergé en masse et de renverser la constitution.

Ulrie, impatient de voir la lutte s'engager, re. commença à publier une foule de pamphlets et de wtyres, pour prêcher c< au nwn de la liberté la

* V. Walsch 'chc Ausgabe des écrits de Luther. T. 48, Anhang,

64 INTRODUCTION.

guerre contre Rome et les princes. » Jusqu'alors il avait toujours écrit en latin; maintenant la plupart de ses opuscules furent rédigés en langue vul- gaire ; car il importail de soulever les masses, de les exciter à la haine de l'Eglise, à la convoitise des biens du clergé. Hutten qui, dans cette guerre de plume, déployait une activité prodigieuse, trou- vait moyen de faire colporter ses petits livres jus- qu'au fond des vallées les plus solitaires.

Il avait soin toujours de s'y représenter conune associé de Luther, comme travaillant à la même œuvre que lui ; et Luther, loin de protester contre cette abominable solidarité, approuvait tout ce qui se faisait, était le complice et le confident intime d'hommes coupables de haute trahison, d'ignobles et pillards révolutionnaires, parce qu'il en es- pérait la ruine de l'Eglise et la chute de la Pa- pauté. 11 y a plus encore, nous devons ap- peler sur ce fait l'attention de nos lecteurs, pour dévoiler la profonde perversité d'un misérable que tant de gens considèrent encore comme un apôtre, Luther a été à cette époque le plagiaire des écrits les plus incendiaires de son associé, il les a repro- duits comme siens, en y imprimant le cachet de turpitude et d'ignominie dont il a souillé toutes ses œuvres ; sa correspondance avec Spalalin et Hutten lui-même prouve d'ailleurs qu'en toute occasion

INTRODUCTION. 65

il attisait le feu, excitait à la guerre civile et reli- gieuse en la déclarant nécessaire pour aniver au règne de la vérité et du pur Evangile.

Ulric poussait François de Sikingen à commen- cer la guerre , dès la seconde moitié de l'année 1 5 20. Le chevalier ne jugeait pas le moment opportun et temporisait encore ; cependant^ cédant aux solli- citations de Hutten , il résolut d'enlever les deux légats du pape, Marini et Alexandre, qui devaient passer dans le voisinage du fort d'Ëbernbourg , il résidait habituellement. Toutefois , le coup manqua ; Luther, écrivant à un de ses amis, ap- prouve le projet de cet exploit de grand chemin et regrette qu'il n'ait pas réussi. « Gaudeo Hut- tenum prodiisse, dit-il, atque utinam Marinum aut Alexandrum intercepisset : » je me réjouis de ce que Hutten s'est avancé, et plut au ciel qu'il se fût emparé de Marini ou d'Alexandre ! »

Ce même château d'Ebembourg servait alors de lieu de refuge et de rendez-vous aux prédicants de la doctrine nouvelle. Ils y tenaient cour plé- nière. On y voyait Aquila, Bucer le défroqué, le misérable Schwebel , le fougueux Oecolarapade , quelquefois aussi le doucereux Mélanchton. Ces hommes qui, plus tard, devaient se haïr, se mé- priser, s' entredéchirer et se persécuter récipro- quement, présentaient alors le spectacle de l'union

66 INTRODUCTION.

la plus louchante et la plus cordiale. Sikingen les avait réunis ; il les considérait comme des instru- ments destinés à fanatiser le peuple, utiles par conséquent à son entreprise. 11 paraît d'ailleurs que le chevalier, sa famille et ses hommes d'armes goûtaient peu les enseignements des illustres docteurs ^ car Oecolampade affirme douloureuse- ment que, lorsqu'il montait en chaire dans la cha- pelle du château, il prêchait habituellement dans le désert, « parce que les gens du lieu étaient très- occupés ailleurs. »

Ceci avait lieu au temps Luther * comparais- sait devant la diète de Worms, et, ainsi que nous le disions, il n'était pas besoin d'un grand effort de courage pour entrer dans une ville dégarnie de troupes, le novateur comptait de chauds et nombreux partisans , et dans le voisinage de la- quelle se trouvaient ses principaux amis, avec 500 cavaliers bien armés.

Alors, cependant, le jeune empereur réussit à paralyser encore les ennemis les plus dangereux du repos de l'Allemagne et à leur faire ajourner leurs projets. Désirant éloigner Sikingen, espérant peut-être aussi le gagner, il lui offrit un comman- dement dans la guerre qui allait recommencer

1 Voirie §n.

IimtODtKTtlON. 67

avec la France ; Charle*, pour s'asurer de la Edèlité du chevalier et prévenir toute trahison , lui associa Henri de Nassau et Frédéric de Furstem- berg. François de Sikingen , séduit par la pers- pective d'une guerre générale, et plus encore par celle d'amasser du butin, accepta ces propositions avec transport. La lutte, toutefois, n'eut pas les résultats qu'il en eî^rait. Mézières^ défendue avec autant de valeur que d'habileté par le chevalier Bayard^ résista aux attaques des troupes impé- riales, et après un siège long et infructueux, elles furent oWigées de quitter le sol français.

Hutten également s'était mis à la solde de l'Em- pereur pour cette campagne \ Mais frêle de sa personne et plus brave en paroles qu'en action^ il s'abstint prudemment de courir les chances des combats et mangea tranquillement à Ëbernbourg les 200 florins d'or que la munificence de Charles- Quint lui avait accordés. Au reste, l'empereur n'en atteignit pas moins son but ; la plume seule de Hutten était dangereuse, et pendant cet intervalle il cessa d'écrire ; le départ de son alUé Sikingen lui fit comprendre la nécessité de la prudence ; d'un moment à l'autre il s'arrêta dans la publica-

I Studien und Skizien, p. 205*

68 INTRODUCTION.

tion de ses satyres effrontées et de ses provocations à la révolte.

Luther aussi avait baissé le ton ; mais l'absence du chevalier n'avait pas été le motif déterminant de son changement de conduite. L'électeur Frédé- ric de Saxe, au lieu de persister dans la résolution de renvoyer l'hérésiarque de ses Etats, consentit, pour le malheur de l'Allemagne, à le garder à la Wartbourg, et lui promit de le replacer, plus tard, en qualité de professeur à Wittemberg. Luther était profond calculateur lorsque sa personne était en jeu; la position de docteur à une académie valait infiniment mieux que celle de parasite à Ebern- bourg ; il l'accepta avec toutes les apparences de la gratitude et se promit d'en profiter pour séduire, enlacer et attirer de plus en plus à son parti , le faible et irrésolu Frédéric.

Or, Frédéric avait horreur de la guerre, et Martin s'empressa de manfester , dans ses écrits et dans ses paroles, des intentions aussi pacifiques que celles de son protecteur,- de dé- clarer hautement que c'était par la puissance» de- la parole et non point par celle du fei: qu'il fal- lait détruire l'église de l'Antéchrist. Il rejetait et blâmait ainsi au printemps de 1521, ce qu'il avait approuvé et exalté durant l'automne de 1 520. C'était au reste une feinte habile concertée .avec

T}p. Cartlon. Trojt».

D'apris un |»orrrai( conicmporain.

INTRODUCTION. 69

H\xlten pour endormir l'électeur ^ peu de mois aprte, le novateur voyant que le vent avait chan- ge, en revint à ses premiers sentiments.

§ V. Suite du prégédrnt.

Gtierre de Trêves. Mort de Sikinffen et de Hutten.

Sur ces entrefaites , le chevalier de Sikingen , obligé de lever le siège de Mézières, était revenu au château d'Ebembourg. Hutten retrouva sa verve en retrouvant son appui. Il reprit ses publi* cations. Les pamphlets qu'il répandit alors à pro- fusion étaient destinés à exciter les villes contre les princes et les évêques, à gagner la Suisse, l'Alsace et le Palatinat aux plans de Sikingen, et surtout à soulever les paysans, en éveillant leur cupidité à l'endroit des biens de l'Eghse, et leur haine contre le clergé.

Ulric de Hutten, en cédant ainsi aux inspirations du fanatisme démagogique , joignait à l'élément révolutionnaire formé par les chevaliers, d'autres éléments encore, qui devaient agir un peu plus tard contre la noblesse elle-même. L'un de ses écrits,

' /6irf.,p. 206.

I. ^

70 INTRODUCTION.

qui parut alors sous le titre de Karsthans^ a con- tribué puissamment à la rébellion de 1525. Il était rédigé en forme de dialogue, et Hutten y avait annexé un acte divisé en 30 articles qu on dirait inspirés par le démon et dans lesquels Fé- crivain trace leur ligne de conduite aux gens de la campagne, a Nous nous engageons : leur faisait- il dire entre autres choses dans le premier article, à ne plus nommer dorénavant Pères spirituels ^ mais polissons charnels , tous les membres du clergé ; à ne plus donner un pfenning (la plus petite de toutes les monnaies), pour des fondations, confréries, pèlerinages, églises, indulgences, etc. (art. 4) ; à considérer le pape de Rome comme r Antéchrist etàle t raiter comme tel (art. 5) ; à nourrir pour tous les partisans de Rome les mêmes sentiments que pour les chiens enragés, qu'il con- vient de frapper, de tuer, d'étrangler, toutes les fois qu'on en a l'occasion ; à ne pas nous faire cons- cience de rosser un prêtre ou un moine, ni de lui donner des coups de pied (art. 14) ; à lancer une pierre de quatre livres à la tête de tout moine mendiant qui viendra nous demander un morceau de fromage (art. 46) ; à couper les oreilles à tout bedeau qui nous portera une citation, et à lui arracher les yeux en cas de récidive (art. 20) ; a rosser, piller et dépouiller de leurs chevaux tous

INTRODUCTION. 7 1

les stationnaires que nous rencontrerons sur les grands chemins (art. 26) ; à ne pas considérer comme péchés les vols que nous pourrions com- mettre à l'égard des infâmes prêtres (art. 27) j

A *TRE ENflEMIS JURÉS DE TOUS LES ENNEMIS ET ADVER- SAIRES DU DOCTEUR LuTHER (art. 28) ; à considé- rer tout ce qui est dit dans les présents articles comme vérités divines, comme conforme à la foi chrétienne et nécessaire au bien de la patrie (art. 30). »

Les horreurs qm se commirent dans la guerre des Rustauds ont été la simple application des principes et des conseils qu'on vient de lire ; seu- lement^ cette application a été faite sur une plus laige échelle que ne le pensaient Hutten et Luther : elle ne s'est pas bornée aux évêques, aux chapi- tres, au clergé séculier et aux couvents; la cheva- lerie également en a été victime.

Tandis qu'Ulric écrivait, Sikingen armait et se préparait à la guerre. Il convoqua en 1 522, à Lan- dau, les chevaliers de la Franconie, de la Souabe et des bords du Rhin. Ils le reconnurent unani- mement en qualité de dief . Les conjurés donnèrent pour prétexte à leur réunion la nécessité de s'en- tendre afin d'étaMir et de maintenir une bonne police dans leurs provinces respectives, et de prévenir les démêlés entre les membres de Vasso-

72 INTRODUCTION.

ciation. Les chevaliers convinrent de commencer par rélecleur Richard de Trêves leur attaque con- tre les princes et le clergé. L'Evêque Richard, que les auteurs protestants ont calomnié à Tenvî, était l'ennemi le plus redoutable des novatem^. Il avait pénétré d'un coup d'œil les desseins de la chevalerie, et il avait annoncé les maux et les désordres que la réforme entraînerait à sa suite. De plus, Richard s'était prononcé pour François P' et contre Charles V, lors de la dernière élection ; on espérait donc que l'empereur verrait son humiliation avec plaisir, ou qu'au moins il ne prendrait pas sa défense.

Les chevaliers, après être convenus de leurs mouvements ultérieurs, se séparèrent pour faire leurs armements.

Luther se trouvait alors encore à la Wartbourg, et il y était au fa^t de tout ce qui se tramait. Charmé de se voir en lieu de sûreté, il ne se prononçait pas, et ménageait les deux partis; les chevaliers, parce qu'il les considérait comrne le bélier destiné à renverser l'Église; les princes, parce qu'il crai- gnait de se brouiller avec l'électeur. Mais, sur ces entrefaites, le fougueux Carlostadt commença à innover à son tour à Wittenberg; avançant hardi- ment dans la voie de la négation, il laissait déjà loin derrière lui le système du docteur Martin. De

INTRODUCTION. 73

nombreux adhérents se groupaient autour de lui, une fermentation extrême régnait parmi le peu- ple. Luther^ voyant sa suprématie spirituelle en danger^ se rendit à Wittenberg malgré les or- dres de rélecteur ; l'orgueil blessé l'emporta sur toute autre considération, et fit taire en cette oc- casion son excessive pusillanimité. Arrivé dans la ville, il s'empressa de monter en chaire et de prê- cher contre l'antipape de son Eglise. En même temps il publia écrit intitulé : c< Fidèle exhor- cc tation à tous les chrétiens de se garder de sou* « lèvements et de rébellion. » Les symptômes d'anarchie qui se manifestaient en Saxe, et la né- cessité de conserver la protection de Frédéric, l'obligèrent à faire cette pubUcation ; l'esprit dans lequel elle était conçue la rendait d'ailleurs plus propre à exciter à la révolte qu'au maintien de la paix. L'hérésiarque, tout en engageant les sujets à ne point faire la guerre à leurs princes, se livrait aux déclamations les plus violentes et les plus furibondes contre l'Église et le clergé , an- nonçait qu'on en finirait avec le papisme avant deux années révolues, et faisait comprendre, en termes couverts, que l'extermination des coupables, résolue par une grande partie de la noblesse d'Empire, ne pouvait être considérée comme une rébeUion. « Je parle ici aux hommes du com-

74 INTRODUCTION.

mun » disait-il dans cet écrit ; c< il faut qu'ils s'abs- tiennent des discours et même des désirs qui pour- raient amener à un soulèvement, et qu'ils ne fas- sent rien sans les ordres de l'autorité* Ce n'est pas aux nobles que je m'adresse pour le moments »

Or Luther savait parfaitement, lorsqu'il écri- vait, que les chevaliers de la Souabe, de la Fran- conie et du Rhin , étaient prêts à tirer l'épée i suivant sa coutume il ménageait à la fois tous ceux dont l'assistance et la protection pouvaient lui être utiles ou nécessaires.

Sikingen avait réuni 10,000 hommes d'infan- terie et 5,000 cavaUers. Il disait que cet arme* ment^ destiné à agir contre la France, se faisait pour le compte de T Empereur. Le chevalier ne leva le masque que lorsqu'il se vit en mesure d'entrer en campagne. Cependant il lui fallait au moins un semblant de prétexte ; il fit donc arrêter, par quel* ques détrousseurs de grand chemin, deux bour- geois de Trêves, intervint alors pour la forme en faveur de ces derniers, et ordonna qu'on les relâ- chât, moyennant la promesse d'une exorbitante rançon de 5^000 ducats^ dont il se porta garant. Richard* de Trêves remplit son devoir de prince souverain, en défendant à ses sujets d'acquitter la dette que leur avaient imposée les violateurs de la paix publique et des lois

INTRODUCTION. 75

de l'Empire. C'était ce qu attendait Sikingen; t^gnant de se trouver lésé par la défense de l'élec* teur, il lui déclara la guerre le jour de la Saint- Barthélémy 1 522, et le 8 septembre suivant il en- vahit ses états ^ y porta le fer et le feu, et les ra- vagea de la façon la plus épouvantable.

La proclamation du chevalier, parsemée de passages empruntés à la Bible, avouait audacieu- sement que la lutte qu'il commençait était une lutte de religion, et qu'il s'agissait d'anéantir les évèques et le clergé en général. Dès-lors la tourbe des inunondes réformateurs de Wittemberg sor- tit de sa prudente réserve, se livra à tous les écarts d'une joie immodérée, et manifesta ses véritables sentiments, a Sikingen a commencé la guerre pour ouvrir la porte à la parole de Dieu » , écrivait Spalatin dès le 16 septembre. Quant à Luther^ il lança un furieux manifeste, publié en latin pour les savants^ en allemand pour le peuple, sous le titre de : a Manifeste contre ce que l'on nomme a faussementl'ordreépiscopal. » L'apôtre de 1' AUe« magne^ comme le démontre un auteur déjàcité^ se borna eacore en cette occasion à reproduire, mais en l'appauvrissant d'idées, un ancien pamphlet de Hutten ; seulement^ pour lui imprimer un cachet original, il ajouta une masse d'injures et de trivia-

' Stadien uad Skînen, etc., p. 221.

76 INTRODUCTION.

lités à celles qui se trouvaient à (bison dans Tau- leur primitif. Il y établit qu'il est nécessaire que tous les évéques, chapitres et collégiales, soient dé- truits, pour éviter la perte des âmes, a Si une forte insurrection les anéantissait tous, ajoute-t-il, ils seraient traités conformément à leurs mérites, et il faudrait en rire... Car voulez-vous que je vous dise en un mot ce que sont les évêques? Ce sont des loups, des tyrans, des traîtres, des monstres, des fardeaux pour la terre, des apôtres de T Anté- christ, faits pour gâter le monde et pour étoufiFer l'Evangile. » Puis le docteur continue dans le même style à exhorter les enfants de Dieu et les bons chrétiens à s'insurger contre l'ordre établi par le diable, et à agir envers l'épiscopat avec au- tant d'énergie que contre Satan en personne ; il finit le morceau en promettant toutes sortes de bénédictions et de divines récompenses k ceux qui se conformeront à ses instructions. Evidem- ment, le docteur Martin, malgré son mépris pour les œuvres, savait exciter les siens à accomplir celles qu'il jugeait bonnes et utiles, et en cas de besoin il leur reconnaissait la liberté d'action qu'il contestait en termes si superbes à l'humanité prise en masse.

Toutefois, en cette occasion, le succès ne répondît pas à ses espérances. Sikingen, après avoir incen-

INTRODUCTION. 77

dié les villages et les mbisons du pays de Trêves, et déjà sûr de la victoire, ne put vaincre la résistance que lui opposa la ville elle-même; les secours de ses confédérés ne lui arrivaient point; mis au ban de l'Empire le 10 octobre, il fut obligé de se reti- rer dans ses domaines. Alors aussi l'électeur palatin et le landgrave de Hesse^ alliés de Tévè- que Richard, attaquèrent les principaux amis de François^ les défirent dans des rencontres parti- culières, et s'emparèrent de leurs châteaux. La guerre contre le chevaher lui-même fut remise au printemps suivant. 11 chercha en vain à pro- filer de ce répit de deux ou trois mois pour sor- tir d'une position désespérée. La plupart de ses lansquenets et de ses affidés , épouvantés par la sentence prononcée contre lui, quittèrent son ser- vice ; une assemblée nouvelle des chevaliers, convo- quée à Schweinfurth, n'eut aucun résultat ; le con- ciliabule de Wittenberg lui-même se trouva im- puissant à lui venir en aide ; Luther adressa à la vérité à l'électeur de Saxe un écrit dans lequel il cherchait à établir dogmatiquement que les prin- ces devaient s'armer pour la propagation de ce qu'il lui plaisait d'appeler la pure parole de Dieu ^ mais il n'y faisait aucune allusion directe à la malheu- reuse entreprise de François de Sikingen.

' Ed. d'Ieua, des Écrits allemands, t. U, p. lOSetsuiv.

78 INTRODUCTION.

Abandonné de tous> le chevalier eut encore la folle témérité de déclarer la guerre à l'électeur palatin^ qui avait exécuté la sentence de ban por- tée contre le s\ Hartmuth de Kronberg. Frao- çoi8> obligé de se borner à la défensive^ mit plu- gieurs de ses châteaux en état de soutenir un siège. Il renvoya d'Ebernbourg la troupe des pré- dicants qui s'y trouvait encore^ et en expulsa éga* lement son mauvais génie^ Ubric de Hutten ; puis vers Pâques de l'année 1523^ il alla s'enfermer à Landstuhl^ sa principale forteresse. Les électeurs de Trêves et du palatinat et le Landgrave vinrent y mettre le siège ; leur artillerie en battit joiu* et nuit les murailles^ et y fit promptement une brè« che. Sikingen voulut faire réparer le dégât. Il dirigeait lui-*méme les travaux^ lorsqu'un boulet frappa une poutre^ qui tomba sur lui et le blessa mortellement. On se hâta de le transporter dans une petite cellule taillée dans le roc^ qui lui servait habituellement de demeure. François ordonna aussitôt à la garnison de rendre la place ; les Jrois princes y entrèrent et vinrent le voir. Le chroni- queur strasbourgeois Trausch raconte « qu'il salua avec courtoisie Louis le palatin et le landgrave de Hesse, mais que lorsque Richard de Trêves s'ap- procha de son lit^ il garda sur sa tête son berret de velours, en lançant de sombres regards. Et quand

INTBODUCTIQN. 79

on lui demanda la raison de ce manque de cour- toisie^ il répliqua fièrement : je pouvais devenir moi-même ce qu'il est devenu^ Je suis d'aussi noble lignage que lui. Cependant l'électeur se borna à lui dire avec douceur : François^ pour- quoi donc nous as-tu si impitoyablement attaqués moi et mes pauvres sujets? Il y aurait beau- coup à répondre à cela^ s'écria Sikingen ; rien n'arrive sans cause. Mais épuisé par les efforts qu'il venait de faire ^ il retomba sur son lit , et l'on vit qu'il ne tarderait pas à trépasser. Un prêtre était présent, le chevalier demanda à se confesser; et après qu'il eut reçu l'absolution^ on alla chercher le viatique. Toutefois le moribond rendit le dernier soupir avant le retour duprêtre, et les assistants di- rent tous un Pater et un Ave pour le repos de son âme. » •'— On voit d'après ce détail que le sentiment religieux était absolument étranger à la monstrueuse alliance conclue entre Luther l'hé- résiarque et la chevalerie rebelle ; on s'était en- tendu> comme nous le disions^ uniquement parce qu'il s'agissait de détruire^ et que chacun espérait y trouver son profit.

Quant à Ulric de Hutlen, expulsé d'Ebembourg, forcé de renoncer a ses projets démagogiques et de recommencer la vie aventureuse d'un proscrit, il «e rendit en Suisse et chercha à s'affilier à Zwingle

80 INTRODUCTION.

et à sa secte. Il alla en vain frapper à la porte d'Erasme et s'établit à Bâle, d'où les magistrats le chassèrent après un séjour de quelques se- maines ; enfin il trouva un refuge à UfFenau, près de Zurich ; mais rongé par les maladies que lui avait attirées sa vie dissolue, furieux, privé de soutien, d'amis et de confidents , objet d'horreur et de dégoût pour tout ce qui l'approchait, il mou- rut en maudissant le ciel et la terre, et en répan- dant encore son fiel et sa rage impuissante dans un écrit, honteux et dernier monument de son impiété et de son mépris de Dieu et des hommes. Il venait d'atteindre sa 35* année. L'un des ac- tes de la guerre civile enfantée par la prétendue réforme se termine avec la mort de Sikingen et de Hutten; après eux les chevaliers ne purent plus relever l'étendard de la révolte contre la constitution de l'Empire; cet étendard devait passer actuellement des mains de la noblesse entre celles des paysans ; la seconde phase de la lutte politico-religieuse se préparait déjà pour l'Alle- magne.

§vi.

Situation des paysans allemands.

Nous avons nommé tes paysans parmi les mécontents qui s'insui^èrent à la voix de Luther;

INTRODUCTION. 81

le sujet que nous Iraitons nous oblige à nous en occuper avec quelque détail^ et à nous étendre davantage sur leiu* condition morale et poli- tique.

Les écrivains protestants, disions-nous^ se sont évertués à faire de la guerre des Rustauds une guerre absolument civile, n'ayant rien de com- mun avec la révolution religieuse du XVV siècle. Pour y parvenir, ils ont représenté les paysans comme accablés de charges et de corvées épouvantables ; et ils n'ont pas manqué à ce pro- pos de faire des seigneurs ecclésiastiques les pires et les plus barbares des tyrans, par consé- quent aussi les auteurs véritables du soulèvement. Le vrai est indignement travesti dans ces ré- cits. Beaucoup de membres du clergé allemand ont contribué en eflfet, quoiqu'indirectement, à la révolte, par leurs négligences et leurs déplorables exemples; mais leurs torts n'ont pas été ceux qu'on leur reproche. Nous y revien- drons.

Quant aux charges qui pesaient sur les gens de la campagne , augmentées sur quelques points, elles avaient été allégées successivement sous d'au- tres rapports, à partir du temps des croisades ; celles qui existaient au XVP siècle se sont perpé- tuées presque toutes jusqu'à nos jours, sans em-

INTRODUCTMWf.

pécher les paysans d'exercer leurs droits person- nels et de possession.

Ceci posé , nous n'hésitons pas à reconnaître que des causes politiques extérieures n'aient con- tribué, à côté de la réforme, à produire la guerre des Rustauds ; les principales sont au nombre de trois, à savoir : les changements survenus dans l'art de faire la guerre, l'introduction en Em- pire du droit romain, et l'usage des guerres pri- vées. — Ces causes ont creusé la mine à laquelle Luther a mis le feu. Dans tous les grands événe- ments dont l'histoire nous conserve le souvenir, on voit des motifs secondaires figurer à côté des mo- tifs principaux. Les premiers préparent les révolu- tions, les seconds amènent l'explosion.

L'usage de la poudre à canon et des armes nou- velles, en rendant insuffisants les moyens de dé- fense précédemment employés, avait obligé cha- que seigneur à fortifier davantage sa demeure, et à augmenter le taux de certains impôts pour' faire face à la dépense qui en résultait. Puis il fallut payer aussi les lansquenets, que les princes et les chevaliers prirent à leur solde, lorsque l'on commença à reconnaître l'importance des fantas- sins, et à les considérer comme constituant la force principale des armées. Les mercenaires d'ailleurs, lorsque la solde n'arrivait pas à jour fixe, s'en dé-

INTRODUCTION. 8S

dommageait en portant le fer et le feu dans les pays amis et ennemis. Etrangers au sentiment de Vamo«r de la patrie, et dirigés par des chefe aussi féroces et indisciplinés qu'eux-mêmes, ces misé- rables se livraient aux excès les plus hideux, qu'ils fussent vainqueurs ou vaincus. Ils devinrent les fléaux des campagnes^ « les Turcs et la peste réu- nis, disait un vieux proverbe allemand, valent mieux que les seuls Lansquenets. »

Passons à l'introduction du droit romain dans TEmpire. Les anciennes coutumes allemandes protégeaient les paysans et avaient établi un rap- port en quelque sorte patriarcal entre les seigneurs et leurs vassaux. Le droit romain, au contraire, mal compris et plus mal appliqué, modifia complè- tement et d'une manière fâcheuse l'existence jour- nalière du campagnard, surtout dans la partie mé- ridionale de V Allemagne. Les usages locaux furent renversés, modifiés; les questions que le simple bon sens tranchait jadis à la satisfaction de tous, forent résolues par des jurisconsultes pédants, qui appliquaient à tort et à travers, au paysan allemand, des lois faites douze cents ans auparavant pour une population différente d'origine, de mœurs, de religion et d'habitudes. Les nouveaux légistes n'entendaient rien aux mille nuances de l'ancien droit de propriété germanique, ni aux relations si

84 INTRODUCTION.

diverses qui existaient entre les seigneurs et leurs vassaux; ils jugeaient toutes les causes qui leur étaient soumises d'après les principes de liberté et d'esclavage admis dans les codes antiques ; ces codes étrangers leur servaient dérègle habituelle, et le droit coutumier, connu et compris de toutes les parties, ne fut plus appliqué que dans quel- ques cas exceptionnels. D'innombrables lésions résultèrent de cet état de choses : il arrivait sou- vent, par exemple^ que les jurisconsultes, guidés uniquement par le désir d'appUquer le droit ro- main, déclaraient libres des gens qui étaient évi- demment serfs, et faisaient au contraire des serfs de familles qui ne l'avaient jamais été, fondant leur jugement sur certaines corvées ou sur cer- tains services auxquels ces familles étaient tenues, et qui,' d'après la coutume allemande, n'étaient pas incompatibles avec l'état libre. La lésion du droit, l'incertitude dans l'application des lois et dans l'administration de la justice, ont pour con- séquences nécessaires le malaise et la démoralisa- tion des individus et des masses; le paysan était d'autant plus mécontent et fondé à se plaindre, qu'il ne savait plus à qui s'adresser pour obtenir le redressement de ses griefs. On ne lui reconnais- sait pour ainsi dire pas d'existence légale et poli- tique ; les nobles, le clergé et les villes paraissaient

INTBODUCTION. 85

seuls aux diètes ; ces dernières fonnaient exclusLve- ment le tiers-ètat ; les gens de la campagne ne pouvaient pas davantage arriver aux cours impé- riales ; les difficultés dont la procédure était hé- rissée, les chicanes des légistes, renchevêtrement et la marche lente et embrouillée des tribunaux, les rendaient à peu près inabordables aux classes inférieures.

Quant aux guerres privées enfin, les paysans en étaient toujours les premières victimes. Avant ré- tablissement de la paix publique par l'empereur Maximilien, et très-souvent encore après , les sei- gneurs étaient en conflit avec leurs voisins ; ces querelles se traduisaient en désastres pour leurs vassaux respectifs ; le noble qui avait à se plain- dre d'un autre noble exerçait sa vengeance en brûlant les villages de son ennemi, en pillant ses domaines, en rançonnant ses sujets.

Ces trois causes de souffrance, provenant de Tor- ganisation civile et politique, pesaient d'autant plus lourdement sur les campagnes^ nous le ré*- pétoas, que les paysans, livrés en bien des parties de l'Empire à un clergé ignorant, négligeant ou corrompu, se trouvaient privés des lumières et des consolations sublimes de la religion , qui seules peuvent faire supporter avec patience et humilité les misères de la vie présente.

86 INTRODUCTION.

Abrutis^ no connaissant pas les grandes vérités portées à la terre par le Christianisme, faisant con- sister la religion dans quelques pratiques extérieu- res ) abandonnés enfin à d'indignes pasteurs qui souvent étaient les premiera à leur enseigner le mépris du devoir et de tout ce qu'il y a de saint et de sacré, les paysanii étaient prêts nécessairement à devenir de dociles instruments^ entre les mains ceux qui se disposaient à leur annoncer qu'en vertu de la rédemption ils allaient être affranchis de toutes leurs charges et jouir de la liberté abso- lue et illimitée des enfants de Dieu. Une doctrine bestiale, qui lâche la bride à toutes les passions, est toujours bien reçue par des honunes ignorants et grossiers.

En ce sens, mais en ce sens seulement^ il est exact de dire que le clergé a contribué puissam* ment au soulèvement des Rustauds. Ajoutons tou- tefois que ces mauvais prêtres^ si nombreux au seizième siècle^ devinrent les premiers apôtres de Terreur : ils avaient cessé déjà d*appartenîr à TE- glise lorsque la lutte s'engagea; apostats^ ils se firent les chefs des rebelles et les dirigèrent dans leurs attaques contre le corps dont ils avaient été des membres indignes.

A partir de la fin du quinzième siècle, le mé- contentement occasionné par Tinlroduction des

ormoDucnoN. 87

armées permanentes et du droit romain , et par les guerres privées^ causa de fréquents soulève- ments parmi tes paysans de la Souabe, de TAl- sace et du Rhin.

Nous en rendrons un cmnpte sommaire au pa- ragraphe suivant. Ces diverses révoltes étaient d'autant plus dangereuses, que te campagnard de ces provinces avait sous les yeux Texemple des can- tons suisses, qui avaient réussi à secouer le joug de TÂutriche et à s'affranchir de la domination de leurs seigneurs; cependant elles furent toutes étouffées. En général^ elles avaient pour but : d'abolir le servage^ les dîmes^ les impôts^ les péages et les corvées; de détruire les juifs^ et de faire déclarer biens communs les bois, les pâtu- rages, la chasse et la pêche. Il n'y avait encore dans ces insurrections rien d'hostile à la religion ; le mot d'ordre de la plupart des mécontents était : Notre-Dame et Saint-Jean, et en prenant part au complot ils s'engageaient à dire tous les jours cinq Pater et cinq Ave, à genoux^ pour le succès de leur entreprise.

§vu.

Soulèvements antérieure à la guerre des Ruitmudê.

Les paysans de l'abbaye de Kempten se soûle-

88 INTRODUCTION.

vèrent dès l'année 1491 ; mais la ligue de Souabe les força promptement à rentrer dans le devoir.

Ceux d'Alsace les imitèrent deux années plus tard. Les habitants des campagnes et des petites villes de cette province formèrent en 1 493, sous la direction de Jean Ulmann^ Jacques Hanser et Nico- las Ziegler, une alliance secrète, qui parait avoir eu des ramifications en Suisse. Les principaux initiés avaient de fréquents conciliabules nocturnes, sur le sommet du Hungersberg^ l'une des montages les plus élevées de la chaîne des Vosges. Ils adop- tèrent pour bannière et signe de ralliement la chaussure habituelle des paysans^^ le soulier à courroies (Bundschuch) attaché au haut d'une perche, et convinrent de s'emparer d'abord de la ville de Sélestadt^ de soulever la haute Alsace; de piller les riches, d'assommer les juifs et de déclarer les dettes abolies. Le secret de la conjuration ayant été trahie les associés se dispersèrent ; ceux dont on réussit à s'emparer furent punis avec la der- nière rigueur.

Les sujets de l'évêque de Spire reprirent la bannière du Bundschuch en 1502, et se liguèrent secrètement au nombre de 7,000 à Untei^n- bach, prèsdeBruchsal. Ils voulaient s'affranchir, à l'exemple des Suisses, confisquer les biens sei- gneuriaux et renverser la constitution de l'Empire.

INTRODUCTION. 89

Leur plan était de se rendre mitres de Bruchsal, de pénétrer dans le margraviat de Bade^ et d'opé- rer un soulèvement général. Trahis par Luc Rapp, Vundes conjurés^ ils se dispersèrent ; plusieurs des chefs de la conspiration furent arrêtés et exécu- tés.

Mais l'un d'eux^ nommé Josz Fritz^ parvint à se soustraire au châtiment^ à ressaisir les fils épars de la ligue et à la reconstituer à Lehn^ non loin de Fribourg en Brisgau. 11 se proposait de ne laisser subsister d'autres autorités que celles du Pape et de l'Empereur. Ses discours séduisirent la multi- tude. Des émissaires discrets et choisis parmi les mendiants ambulants disposèrent les paysans de l'Alsace^ du haut margraviat de Bade^ de la Forêt- Noire, du Kraichgau et d'une grande partie de la Souabe, à se déclarer pour Josz et à arborer en- core une fois l'Etendard du soulier à courroies. De fréquentes réunions nocturnes se tinrent dans la vallée de la Kinzig. Josz, élu chef suprême du mou- vement, rédigea une sorte de manifeste, dans le- quel les plaintes des paysans et leurs demandes tou- chant les bois, les pâturages, la chasse et la pêche étaient très-nettement formulées. La conspiration devait éclater au mois d'octobre et commencer par la prise de Fribourg; mais le complot fut dé- couvert simultanément au margrave Philippe de

90 INTRODUCTION.

Bade et mx ma^strats de la capitale du Bri^au par un faux ùèrc. On piit des mesures de sûreté^ et le gouvernement impérial; établi à Easi^beim> sévit contre les auteurs du mouvement. Cepen- dant Jos8 Frit» parvint à s'échapper et trouva un refuge en Suisse. Vers la même époque, de petit» soulèvements partiels eurent lieu i Erfurtb, à Clon^tance et Scbweinfurl, dans le territoire de ia vill^ d'Ubn, et dans Tévéché d'Augsbourg.

Une rébellion plus sérieuse agita le duché de Wurtemberg, en Tannée 1^14, et comme seader- nierez ramifications reparaissent dans la guerre de$ Bustauds^ il n'est pas hors de propos d'en in« diquer les causes et les résultats avec quelques dé^ tails.

Depuis de longues années, un ouvrier de ce pays nommé Conrad, très-pauvre, mais doué d'un fonds inépuisable de gaité, avait formé, au village de Schorndorf, une association composée de gens de la plus basse classe ; cette société^ dési-* gnée, d'après son fondateur, sous le nom de Paa^ vre Conrad ou pauvre Koon%, avait pour but ap- parent de passer la vie le plus gaiement possible. Elle s'était étendue dans le Wurtemberg et même au dehors sans que le gouvernement y eût pris garde.

Cependant le jeune duc Ulric, le prince le plus

INTI^WUCTIM* 91

fou ^t le plu» prodigue de son lemps^ #t«nl wouté sur tr^e^ étalait uo luxe dont jamais aucune cour d'AUcmagoe o'avait donné Vexeio|^> «t m^ câblait ses sujets d'impôts exorbitants. Ainsi, à ToGcasiçm de sou mariage avec Sabine de Bavièrt, on le vit traiter avec une somptuosité sans égale, et pendant quinze jours consécutifs, 7>000 prince» et personnes de la plus haute naivanoe.

Mais Ulric était à bout de ressources, at il n'y avait pas moyen de pressurer davantage le psiuvire peuple ; alors il imi^a d'altérer les pdida et le» mesures, afin de se procurer de l'ai^tit^ ea faisant payer les mêmes droits qu'auparavantpour ces poids et mesures réduits. Pierre Gaisa, jeune paysan, pauvre, mauvais sujet, et très*«ntrepre» nant, pensa que le mènent était venu d'exécuter les desseins que les principaux membres de ras« sociation du pauvre Ko(m% avaient dès longtemps formés en se<aet.

Le i5 avril, il organise un nombreux rateanH U^nent à Scbomdorf pour ^ilever les poids noit^ veaux chez le principal boucher du viUage> et le» jeter, processionnellement et musique en tète, dans les eaux voisines de la Rems. « Si poids surnagent^ dit-il, c'est signe que notre gracieux seigneur a été dans son droit en les établissant ; s'ils vont au fond. Dieu prononce qu'ils doivent

92 INTRODUCTION.

être supprimés. » Plusieurs réunions tumultueu- ses s'ensuivent^ rassociation prend un carac- tère menaçant et met à sa tête Hans Wolmar de Beutelsbach. L'insurrection gagne de tous côtés ; elle proclame hautement l'égalité et la nécessité du partage des biens^ et Tabolition des privilèges et des immunités. Ulric^ épouvanté^ convoque pour le 25 juin une assemblée des états ; les dépu- tés des paysans y paraissent et formulent avec énei^e les plaintes et les réclamations du corps dont ils font partie. Le duc s'éloigne secrètement; la diète le suit à Tubingue^ mais les envoyés de la campagne en sont exclus. L'assemblée se sé- pare le 8 juillet, après avoir exigé d'Ulric la pro- messe formelle de restreindre ses folles dépenses. Moyennant quelques concessions^ le duc parvient à traiter avec la majorité des révoltés. Toutefois^ deux centres d'opposition se maintiennent des deux côtés de la capitale^ à Léonberg et à Schorn- dorf. L'arrivée des secours demandés au margrave Philippe de Bade, force la plupart des insurgés à se soumettre^ les seuls habitants de la grande val- lée de la Rems refusent de déposer les armes; Ulric se rend au milieu d'eux espérant que sa pré- sence suffira pour les calmer ; des propos mena- çants éclatent sur son passage, il est obligé de se retirer à Stuttgard. Alors les hommes du Val de

INTRODUCTION. 93

la Rems^ auxquels se joignent ceux du district de Geislingen^ vont camper sur la montagne appelée Capellenberg. Si dans ce moment ils eussent par* couru le pays^ il est probable que partout les campagnes se fussent soulevées à leur approdie ; mais ils perdent leur temps à se quereller entre eux et ne quittent point la hauteur sur laquelle ils sont retranchés. Le duc en profite poiH* entamer des négociations, à la suite desquelles un bon nombre de paysans quittent le Capellenberg et rentrent paisiblement dans leurs villages. Pendant les pour- parlers Ulric a réuni des troupes et reçu encore des renforts; il pénètre dans la vallée de la Rems^ siège principal de cette levée de boucliers, pille Schomdorf, désarme les paysans et punit leurs chefs. Plus tard , lors de la guerre générale des Rustauds^ nous verrons le duc de Wurtemberg dépossédé de ses états, banni et proscrit, se met- tre lui-même à la tête de ceux qu'il avait combat- tus et réorganiser la confrérie du Pauvre Conrad dans Tespoir de reconquérir son pays.

Ecrasée dans le Wurtemberg^ l'association re- parut dans le margraviat de Bade en cette même année i5i4. Le soulèvement éclata au mois de juillet à Bùhl et à Altschwier, à propos de quel- ques droits nouveaux dont les blés et le vin avaient été frappés, et de diverses corvées imposées aux

94 INTIUHKJCTIÛN.

paysans. Le margrave Philippe se Mta de prendre les armes^ s* empara de Bùbi» dispersa un millier de rebelles non loin du village d'Achern, et fit décapiter^ le 5 octobre, Sébastien Gugel, cbef du mouvement.

Les écrivains qui cherchent à rompre la filia- tion entre la réforme et la guerre des Rustauda> ont prétendu trouver la preuve de leur asswtioa dans les différentes insurrections dont nous vei- nons de faire le récit abrégé. Ces insurrectioiit passagères et promptement étouffées démontrent seul^uent qu'il y avait, dans le corps social, un malaise que la révolte de Luther a converti en maladie mortelle : on n'en peut tirer logiquement que cette seule conséquence. Le terrain était pré- paré sans doute, religieusement et politiquement; sans cela une doctrine aussi fausse, aussi subver* sive que celle de la réforme n'y eût pas prit racine : mais la semence qui a germé sur ce ter* rain, qui a changé l'opposition en une haine acharnée, et dont les déplorables fruits ont été au moment de plonger T Allemagne dans Tanarchie^ la dissolution et la barbarie, cette semence a été répandue par Luther et ses émules. Un simple examen suffit pour établir la conviction à cet égard.

En premier lieu , les faits prouvent clairement que la guerre des Rustauds n'a plus été un soulè<^

veinent politique coinme ceux qui ravaient pré- cédé^ maift qu'elle a pria dès wn début le carao^ tèi¥ d'une guerre religieuse. Le» paysans m buA arméfi eu invoquant l'autorité du novatour ; c'eit en se fondant sur cette autorité qu*îb ont demandé TaboUtien de la religion de leurs pères et Téta* hlissement des prédicants; c'est pour faire prospé^ rer P Evangile de Luther qu'ils se sont Jbâllas, qu'ils ont pillé les couvents et les églises. Les au* tours contemporains^ à quelque parti qu'ils ap» partiennent^ ne permettent pas l'ombre d'un doute à cet égard; ils s'accordent tous à dire que la guerre des paysans a été entreprise pour détruire^ par le fer et le feu^ le catholicisme et pour lui substituer la doctrine préchée i Wittenberg.

U est tout aussi évideut^ d'une autre part, que Luther n'a pas été la cause innocente et invo* lontaire de ces désordres^ mais qu'il y a poussé par ses écrits et ses exhortations. Ses partisans soutiennent qu'il voulait combattre et renver- ser rËgUse catholique par la seule puissance de l'idée et de la parole^ et à ce propos ils ont soin de rappeler que le novateur a hautement dé» sapprouvé les Rustauds lorsqu'ils en étaient au plus fort de leur révolte, qu'il leur a prêché IV béissance absolue envers les autorités établies, et qu'il a excité ces mêmes autorités à sévir contre

96 INTRODUCTION.

les rebelles avec la plus inflexible sévérité. Tout cela est exacte mais il est important de ne point omettre les dates; elles démontrent péremptoire- ment que Luther est devenu l'ennemi acharné^ implacable des insurgés^ apràs que la victoire se fut déclarée pour les princes et la ligue de Souabe, et que précédemment^ même encore après Tépou* vantable massacre de Wenisberg^ il traitait les paysans de très^hers amis et se montrait zélé pour leur cause parce qu'il regardait leur succès comme probable, et que^ par conséquent^ il tenait à être en bons termes avec eux. Nier que l'hérésiar- que ait poussé à la révolte armée, c'est oublier que dès l'année 1520 il avait engagé ses adhé- rents, — à se laver les mains dans le sang des catholiques, à appuyer tout soulèvement ayant pour but de renverser les évêques et les princes ecclésiastiques, à fouler aux pieds l'autorité des pasteurs de l'Église, à agir contre elle avec au- tant d'énergie que s'il s'agissait de détruire l'em- pire de Satan, et à se persuader enfin qu'en ac- complissant cette œuvre de destruction, ils se mon- treraient bons chrétiens et vrais enfants de Dieu. Pour porter un jugement sur Luther et ses in- tentions, il est nécessaire de considérer toujours avec une attention particulière les circonstances sous l'empire desquelles il a agi. Jamais on ne le

INTRODUCTION. 97

eoimaîlra d'après un écrit ou un fait pris isolé- ment. Il n'a été constant cpie dans sa haine con- tre VËglîse : le reste de sa vie publique présente un tissu de contradictions dans lesquelles il se trouva engagé par les événements, en voulant les faire concourir tous au succès du but unique qu'il poursuivait avec une persévérance infernale.

Voilà pourquoi on le vit successivement^ en l'espace de deux ans^ lallié de Taristocratie ré- voltée^ le flatteur des paysans assassins et incen- diaires^ et l'instrument servile des princes absolus. Il a toujours eu de basses adulations pour tous ceux dont il espérait tirer parti.

Assurément il ne partageait pas les désirs de Munzer et de quelques autres fanatiques de l'épo- que; il ne songeait pas à établir en Allemagne une grande république des paysans^ il n'avait pas même la pensée d'améliorer le sort des habitants de la campagne et de leur faire obtenir des droits nouveaux; mais ce à quoi il était bien décidé, c'était d'en user comme d'un instrument de des- truction qu'on emploie tant qu'il sert, qu'on aban- donne^ qu'on brise même lorsqu'on n'en a plus besoin. Que la guerre des Rustauds ait eu^ sous quelques rapports, des résultats différents de ceux qu'en attendait Luther, c'est possible^ cela ne di- minue en rien la terrible responsabilité qui pe.se sur

98 INTRODUCTION.

lui ; qu'il ait eu conscience ou non de tous les fruits amers que devait produire son Evangile, il n'en est pas moins vrai que les gens des campagnes^ poussés par lui^ ont été les plus logiques de ses disciples contemporains^ et que leur révolte^ ba- sée sur le fanatisme pseudo-religieux^ éclata avec une sorte de rage qu'aucun pouvoir humain n'é- tait plus capable de prévenir.

En admettant même que l'apostat se crut folle- ment le maître absolu de ses adhérents^ de l'ap- plication de son système, et du développement de ses théories^ cette absurde présomption ne pour- rait lui servir d'excuse. Il n'en resterait pas moins l'auteur des principes et de l'exaltation fiévreuse dont il ne sut pas arrêter le terrible épanouisse- ment; le peuple étendit à toutes libertés et à tout ce qui lui semblait abusif^ les principes extra- vagants du novateur touchant la liberté évàngéli- que et la nécessité de réformer les abus et les prétendues erreurs de l'Eglise.

Rappelons d'ailleurs une fois encore^ comme preuve nouvelle de l'influence volontaire que Luther exerça sur la guerre des paysans, la part active et directe qu'il prit aux publications incen- diaires par lesquelles Ulric de Hutten exhortait les villes et les campagnes à s'associer à l'entre- prise de Sikingen. Hutten et Luther^ jugeant la

INTRODUCTION. »»

chevalerie incapable de venir à bout à elle seule de ceux qu'elle voulait renverser, avaient dierché à lui trouver des alliés en surexcitant les mauvais instincts populaires. Ik n'y avaient que trop bien réussi, et assurément le docteur Martin était trop clairvoyant pour ne pas comprendre qu'en invi* tant des hommes ignorants et grossiers à prendre les armes ^ il les engageait à se porter aux plus monstrueux excès contre ceux dont ils convoi- taient les ridiesses et dont l'autorité leur était devenue odieuse,

Je sais qu'en dévoilant ici le rôle infâme de Luther je le montre sous un jour différent de celui sous lequel il est présenté habituellement. La conspiration des^ écrivains protestants contre la vérité historique dure depuis plus de trois siècles^ et elle a fait admettre à peu près par tout le monde que le réformateur, malgré ses empor- tements et ses défauts^ avait encore au fond du cœur une certaine honnêteté jointe à de la bonho- mie allemande. Rien n'est plus faux. J'ai profon- dément éhidié le personnage de Luther, avec curiosité d'abord, avec le plus profond dégoût lorsque je l'ai connu davantage. J^ai pris la peine de lire ses écrits, ceux de ses contemporains et de ses principaux adhérents. Ça été une œuvre de patience inouïe. Ce qui domine dans Taposlat,

100 INTRODUCTION.

c'est la haine contre l'Église ; cette haine est telle, qu'il ne recule devant aucun moyen, devant au- cune perfidie lorsqu'il a l'espérance de l'assouvir, a Nos hic persudsi sumus, » écrivait-il à un ami dès l'an 1520. « Papatum esse vert et germant Antichristi sedem^ in cujus deceptionem et ne- quitiam oh salutem animarum nobis omnia lidta arhitramur. »

Le fils qui hait sa mère doit unir à cette hor- reur sacrilège tous les autres vices; en effet, ils avaient pris possession incontestée du cœur et de l'âme de Luther, de ce fils dénaturé haïssant sa sainte Mère l'Eglise. Ils se reflètent dans ses pro- pos et dans ses écrits; et en le contemplant tel que, sans le vouloir peut-être, il s'est peint lui- même, on le voit luxurieux, emporté, orgueil- leux à l'excès, gourmand, ivrogne, poltron et effronté, ordurier au plus haut degré, tour à tour flatteur et insolent, et d'une fausseté qui n'a jamais eu d'égale, lorsqu'il espère en tirer quelque avan- tage. Assurément parmi tous les faits dont l'his- toire transmettra le souvenir à nos neveux, il n'en est aucun qui leur inspirera plus d'étonnement que le prestige exercé par Luther, et l'espèce d'auréole dont une nombreuse portion de l'humanité a ceint la tête d'un des êtres les plus dignes des mépris et de l'exécration de la postérité.

INTRODUCTION. ' ÎOf *

Jetons maintenant un dernier coup d'œil sur Vètat des provinces dans lesquelles la guerre des Rustauds allait éclater. Une fermentation sourde régnait parmi les paysans ; des gens suspects al- laient et venaient de village en village et répan- daient avec profusion de petits écrits incendiaires; des conciliabules nocturnes se tenaient en bien des lieux^ et divers symptômes précurseurs annon- çaient Torage. Le mouvement devint plus pronon- cé à mesure que la doctrine issue de Wittenberg se répandit davantage. Des apôtres d'un nouveau genre parcouraient l'Empire en tous sens, fanati- saient le peuple et prêchaient l'anarchie^ la révolte et le renversement de l'autorité^ sous le beau nom de liberté chrétienne. De telles leçons étaient re- çues avec enthousiasme par une foule ignorante^ et plus celui qui les donnait était véhément et fu- rieux en ses discours, plus aussi il devenait cher à ses auditeurs. La plupart de ces prédicants ambu- lants étaient des prêtres infidèles ou des moines défroqués ; lorsqu'ils amvaient traînant à leur suite quelque femme perdue, quelque religieuse enlevée à son cloître, enceinte ou déjà mère, il n'en fallait pas davantage pour les faire considé- rer comme de véritables serviteurs du pur Évan- gile et pour charmer la multitude. Bientôt de petits soulèvements partiels et des

F. 7

102 ' ' INTRODUCTION.

essais de résistance éclatèrent en plusieurs en- droits. Apaisés d'un côté^ ils recommençaient sur un autre point. L'agitation était extrême, surtout en Souabe et en Franconie. Déjà les paysans du Hegau relevaient l'étendard du soulier à courroies; mais en cette occurrence^ l'humble chaussure du campagnard était peinte en or sur un drapeau blanc surmonté d'un brillant soleil autour duquel on lisait ces mots :

Wer frey will seyii,

Der folge diesem Sonnenschein •.

Le gouvernement autrichien établi aloi's dans le Wurtemberg, en donnant avis de ce soulèvement à l'archiduc Ferdinand et aux princes réunis à Nuremberg, leur demandait de prompts secoui-s et les engageait à envoyer au plus tôt une am- bassade aux cantons suisses pour les empêcher de soutenir les rebelles. « 11 faut que la noblesse s'arme^ » disait la dépêche en finisscuit ; « on ne peut plus compter sur les fantassins composés de paysans et de bourgeois. Des hommes à cheval sont nécessaires, et il est urgent de les envoyer avant que la révolte ne gagne. » Elle fui élouffée cette fois encore^ mais ce n'élait i\y\\m répit de quelques semaines,

' Que celui qui veut être libre suive ces rayoïib.

HISTOIRE

»■ LA

6I]EBfiE DES PAYSANS.

LIVRE PREMIER. Déwrrs de la guerre des ruetaum »Am u

FORâT-NOIRB ET DAN0 U MUABE.

CHAPITRE PREMIER.

ConiBMiiccmcDt te la f n«rre «et Paysan».

L'insurrectioD qui devait éteodre ea p6u de moi» B60 ravages sur uqe grande partie de l'Allemagne éclata dana ie laodgraviat de Stuhlingen; durant l'automne de l'aimée 1524.

Ce petit paysy compris entre le comté de Hauen^^ tein et le landgraviat de Furstemberg, situé à Tooept du Hégau et du Linzgau, et à Test de la fertile vallée du Rhin, était alors gouverné par Sigismond U, comte de Lupfen. La sédition gagna promptemeot plusieurs villages, les paysans s'organisèrent militai- rement au nombre de 600, se firent un dri^au noir, rouge et jaune, et mirent à leur tète le démagogue Hans Millier de Bulgenbach, très-habile tireur et «n^ cien soldat, qui avait fait plusieurs campagnes contre François 1*% roi de France \

' GB0daliu8, liv. I, p. 132. - Ciiiiitus, ch. I, p. 237. Leodius, p/». Sartorius op. cit., p. 86.— Zimmermann, op. cit., t. U, p. tl.

104 HISTOIRE

Mûller, beau et bien £ait de sa personne, exerçait un grand prestige sur la multitude, il se drapait dans les plis d'un ample manteau écarlate, et sa tète était couverte d'un berret de la même couleur. Un chariot orné de verdure et de banderoUes, et sur lequel il avait planté son étendard, le suivait partout . Bientôt 600 autres campagnards, vassaux du comte de Suk, du baron de Landeck et du couvent de Saint-Biaise, vin- rent se réunir aux premiers insurgés. Muller dirigea sa troupe ainsi renforcée vers Waldshut, Tune des quatre cités forestières dépendantes de la maison d'Autriche; il s*y rendit sous prétexte d'assister à une solennité populaire, et en réalité pour s^aboucher avec la bour- geoisie du lieu. La ville était depuis quelque temps en état d'hostilité avec le gouvernement, à propos du prédicant Hubmayer. Cet homme, curé, successive- ment à Ingolstadt, à la cathédrale de Ratisbonne, et à Waldshut, avait commencé à dogmatiser en même temps que Luther, dont il était grand admirateur. Luthérien d'abord, puis Zwinglien ^, Hubmayer avait exercé l'influence la plus désastreuse sur le clergé et sur la population de la Forêt-Noire. La régence autri- chienne d'Ensisheim ayant demandé son extradition, il s^était réfugié à Schaffhouse *, bien que les habitants de Waldshut eussent refusé de le livrer.

^ Schreiber. Histor. Taschcnbuch, an. 1839, p. 284.

* Plus tard il se fit anabaptiste et devint un des chefs de la secte.

' Hubmayer y avait été maître d'école dans sa première jeunesse. Cl y comptait de nombreux amis (Schreiber. Histor. Taschenbnch an. 1830, p. 8.)

DE LA GLFIRRE DRS PAYSANS. 105

Réclamé une seconde fois par la régence et par huit des cantons suisses, il avait su se ménager la protection elTappui des magistrats de Schafiniouse\ c On m'ac- cuse, écrivait Torgueilleux novateur ^ de soulever le peuple, de prêcher la révolte, d'être hérétique ; mais je suis prêt à justifier devant l'humanité entière mes ensei- gnements, ma foi et mes espérances *. Si j'ai bien prê- ché, pourquoi me persécute-t-on? Or, je me rends le témoignage de n'avoir pas dit un mot qui puisse être réfuté par les saintes Écritures (il aurait ajouter, interprétées à ma façon); je ne crains rien ; la vérité divine est immortelle ; on peut pour un temps la tenir captive, la flageller, la couronner d'épines, la cruci- fier et la déposer dans le tombeau, mais elle ressus- citera le troisième jour et triomphera pendant Téter-* nité'. »

Cependant, la ville de Waldshut, accusée d^avoir favorisé l'évasion de Hubmajer , de persister avec opiniâtreté dans l'hérésie , et menacée d'une attaque et de châtiments sévères, s'était mise en état de dé- fense *.

' Schreiber, op. cit., p. 61.

* n ne faat point oublier que Hubmayer avait changé de foi et d'es- pérances à trois reprises en trois ans : de laquelle de ses croyances si diferses et si opposées parle-t-il dans sa lettre?

' Lettres aux magistrats de Schaffhouse, cit. par Schreiber, op. cit., p. 66 et suiv.

* Les Yillesde Zurich, de Schaffhonse et de Bàle s'interposèrent au- près du souverain autrichien en faveur de Waldshut ; Zurich y envoya nn corps de volontaires (3 octobre), la régence d'Ensisheim renonça pour le moment à ses projets d'attaque, de crainte qu'il n'en résultat

106 HISTOIRE

€e fut alors précisément que Hane MtUler y arriva atM SêS 1 ,200 paysans ( le 26 août). On juge d'après qui précède des dispositions dae habitanla de la tllls et de l'aceueil quMls firent at» nouveaux Te- fins. Bourgeois et Ruelauds tinrent eoneeiL (kl contint de former une sorte de ligue ou de oon» fédération, et le nom de eonfririe é^angélique qu'on lui donna indique qu'elle se rattachait au mooTe^ ment religieux de Tépoque. Avant ce moment, les in- surgés du tandgratiat de Stuhlingen avaient déclaré qu'ils prenaient les armes, simplement pour en finir avec les dîmes, les corvées, les redevances, les droits Seigneuriaux, etc., etc. Tous les membres de la confré- rie s^engagèrent à verser un demi-'batjs ^ par semaine dans une caisse commune. Les cotisations étaient destinées à payer les messagers chargés de porter des missives aux paysans de l'Allemagne pour les engager à se soulever également ^ En effet, des lettres secrètes

une guerre générale. Hobmayer y revint alors (fin d'octobre) parce qu0 la présence des volontaires surichois lui faisait préférer le séjour de Waldshut à celui de Schaffhouse. D'après un acte contemporain dé- posé aux archives de Stuttgard, « il fut reçu au bruit du tambour, au son des cors et des trompes, avec autant d'éclat que s'il eût été l'em- pereur en personne. » Toutefois les Zurichois ne restèrent pas long* temps à Waldshut et les cantons suisses partisans de la réforme reti- rèrent leur protection à cette ville et à Hubmayer, lorsque ce dernier, peu après son retour, eut commencé à se prononcer pour la doctrine des anabaptistes, dont Zwingle était l'adversaire déclaré.

* Petite pièce de monnaie.

Schreiber, op. cit., p. 12, d'après la chronique manuscrite de Villin^en.

DE LA GLERRR DBS PAYSANS. 107

furent enroyées de tous les côtés i la fois ^ . Elles portaient en substance : « Que le moment était r«ou de ne plus reconnaître d'autre chef que l^Erapereor, à eonditioD, toutefois, qu'il ne supposerait pes an mouTement actuel ; de détruire les couTents, poîa les châteaux, et de s affrauchir de 1 autorité eedésia»- tique. »

Les princes, seigneurs et villes de la ligue de Souabe, chargée de veiller au maintien de la paix pobKqM^ dépotèrent vers les insurgés le comte Guillaume de Furatemberg *y qui devait chercher à les ealmer. Ses démarches n'eurent aucun succès.

L'archiduc Ferdinand d^ Autriche intervint à son tour^ en sa qualité de suzerain du comte de Lupfen. D fit signifier aux paysans de se tenir tranquilles et de soumettre leurs plaintes à une commission qu'il insti« tuerait ad hoe à Radol&ell.

La commission se réunit; personne n*y parut de lu part des Rustauds; les rassemblements eonli^ nuèrent.

L'archiduc et plusieurs des membres de la ligue de Souabe commencèrent à faire à leur tour quelques faibles armements; ils écrivirent aussi aux Suisâea pour les sommer de ne point soutenir les rebelles. Les cantons s'engagèrent à demeurer étrangers à la que- relle, Cependant, un bon nombre de paysans de la Forêt*

' Zimmermann. Ibid,^ p. 16, d'après la chronique de ViUingen. ' Tous les auteurs précédemment cités.

108 HISTOIRE

Noire avaient grossi la troupe commandée par Hana MûUer de Bulgenbach.

Elle se mit en mouvement, traversa le territoire de la ville d'Urach et la vallée de la Breg, et fut renforcée par des hommes du Hegau , des terres de Tabbé de Reicbenau et de Tévècbé de Constance. Les insurgés s'élevaient alors à 3,500, armés, les uns d^escopetteset d*arbalàtes, les autres de âiux» de fourches et de bâ- tons ferrés ; craignant d être surpris» ils se pos- tèrent sur une hauteur entre Evratingen et Reitheim.

Sur ces entrefaites, la ville de Schaffhouse, inquiète pour ses propriétés situées dans le landgraviat de Sttthlingen, offrit sa médiation aux parties intéressées. Elle fut acceptée de part et d'autre.

L'archiduc Ferdinand autorisa le grand-écuyer tranchant de TEmpire, Georges de Waldbourg, à négocier avec les paysans : il devait écouter leurs plaintes et les soumettre au tribunal (Landgericht)de Stockach , qui prononcerait son jugement après un mûr examen.

Waldbourg réunit quelques troupes, occupa la ville d'Engen, de crainte que les insurgés ne s'en em- parassent, fit quelques concessions et quelque mena- ces, et réussit delà sorte à étouffer plusieurs soulève- ments partiels. Mais au-lieu d'attendre le jugement, les paysans se révoltèrent de nouveau au bout de quelques jours. Des désordres recommencèrent en divers lieux accompagnés des symptômes les plus alarmants.

DE LA GUERRE DES PAYSANS. 109

CHAPITRE II.

La révolte éclata le l^"* Janvier 1525 parmi les sujets de Tabbaye de Kempteo, en AUgan, et se ma- nifesta dès le premier jour avec tous les caractères d'une guerre produite par le fanatisme religieux.

L'insurrection avait été préparée par Matthias WaibeU curé du voisinage qui s'était lancé à corps perdu dans le parti des novateurs. Cet homme sem- blait avoir pris à tâche de tonner du haut de la chaire contre le elei^ et TËglise catholique; plus il était devenu mordant et acerbe, plus aussi la foule était accourue à ses sermons.

Dociles à ses leçons, les sujets du prince-abbé se réunirent tumultueusement et refusèrent d'acquitter à Tavenir certaines charges et redevances auxquelles ils étaient tenus de temps iounémorial. L'abbé Sébas- tien de Breitenstein porta des plaintes à la commission de la ligne de Souabe réunie à Uhn , et demanda des secours pour faire rentrer ses vassaux dans le devoir. La commission se contenta d'envoyer dans le district de Kempten quelques députés chargés d'arranger les différents; ils n'arrivèrent à aucun résultat.

Dans ce même moment les environs de la ville d'Ulm s'insurgeaient, l'Allgau se soulevait à la voix des pré- dicants, les désordres recommençaient dans le Hegau,

110 HISTOIRE

les paysans de la Forêt-Noire se réunissaient par grandes troupes, des rassemblements se formaient auprès du lac de Constance, et les vassaux de Tévèque d'Augsbourg et de plusieurs seigneurs laïques et ec- clésiastiques se disposaient à prendre les armes ^

Les forces réunies de la ligue de Souabe eussent suffi encore pour prévenir et pour écraser prompte- ment la rébellion ; mais comme de coutume elle qhhh trait beaucoup de lenteur et d'irrésolution. Ceux de ses membres qui ne voyaient pas leurs intérêts di- rects et personnels compromis ou menacés^ ne se hâtaient pas de mettre leurs contingents sur le pied de guerre ; les petits étaient jaloux des grandir et se plaignaient de supporter les charges de la ligue et de n'avoir qu'une part minime à ses avantages; de plus, les princes et les villes qui inclinaient vers les nou- velles doctrines étaient disposés à favoriser tous les ennemis des gouvernements ecclésiastiques et de l'Église ; ils éprouvaient une sorte de penchant secret pour les Rustauds, qui se révoltaient en invoquant le pur Evangile. Placés entre la vérité catholique et les conséquences extrêmes des principes posés par la ré- forme, entre la soumission à l'autorité légitime et la révolte, ces membres de la ligue redoutaient assuré-

* Sartorius, loc. cit. Zimmermann, t. Il, p. 123 et seq. ^ Leodius, op. cit., p. 2S7. Gnodalius, op. cit., Iîy. I, p. ia2. Sleidan, liy. IV, p. 112. Crinilus, op. cit., ch. ï, p. 237.

DB LA GUERRE DES PAYSANS. 1 1 1

ment le déTeloppement que pouvait prendre le soulè- TeDMiitdes campagnes) mais ils partageaient ausai en partie les vœux et les haines des rebelles^ et ne pouvaient se résoudre encore à se prononcer franche- omil contre eux. La position de la ligue de Souabe était donc flottante et indécise ; ses craintes la pous- saient à Taction^ de déplorables sympathies la tra- raillaient en sens opposé; de ses lenteurs, ses tergiversations et ses interminables négociations ; de le manque d'ensemble et d'entente lorsquMl eût fiaUu entrer énergiquement en campagne K Les pay- sans de la contrée profitèrent des hésitations du pou- voir pour s'organiser; ils se divisèrent en quatre grandes troupes, qui étendaient au loin leurs ramifi- cations.

La première de ces troupes, désignée sous le nom àeBalîringêr Hauffen^ ou de corps du drapeau rouge (Von rothen Faehnlein), était composée originairement des paysans des seigneuries ecclésiastiques et laïques situées entre Kempten , Biberach et Dlm. Elle s'était réunie^ grâce à l'activité d'Dlrich Schmid, maréchal- ferrant à Sulmingen près d'Ulm. Cet homme, doué d'une grande facilité d^élocution, très-rusé et haineux, et admirateur enthousiaste de la réforme, avait initié i ses plans une vingtaine de mécontents, réunis le 29 janvier à l'auberge du village de Baltringen ; ses pre- miers partisans lui en amenèrent soixante autres, le

* Chron. Pappenh., 1. 1, p. 1S2.

1 1 2 HISTOIRE

2 février. A partir de ce moment, des conciliabules journaliers eurent lieu non-seulement à Baltringen , mais encore dans plusieurs villages environnants. Dès le 9 février, 2,000 paysans étaient rassemblés à Lei- pheim, entre Biberach etUlm; ils établirent un camp au milieu duquel flottait un drapeau rouge et fondèrent une confrérie dans laquelle on se faisait admettre en payant deux creuzers. Leur but hautement avoué était de s'affranchir de tout droit et impôt , de tout service et charge, de jouir de la liberté absolue des enfants de Dieu et de restaurer le pur Evangile. Vers le 1 5 février, la troupe comptait déjà 1 2,000 hommes. La petite bourgeoisie de Biberach lui avait député deux boulangers pour lui promettre qu avant trois jours révolus les mesiteurs de la ville auraient été jetés par-dessus les murs. Ulrich Schmid était Tâme et l'orateur de ce corps ; mais il élut en qualité de capi- taine-général Jean Wanner de Warthausen. Les paysans du Ried et des bords de TlUer vinrent suc^ cessivement s'y réunir.

La seconde horde était celle de TÂllgau supérieur ou méridional (Ober Allgauer Hauffen). Les pâtres de la partie montueuse de TAllgau voisine des Alpes se soulevèrent les premiers ; ceux des environs de Tettnang, Raithenau et Langenargen, et les sujets du comte de Monfort, établirent un camp vers la fin du mois de février, au nombre d'environ 7,000. L'agita- tion augmentait aussi dans le petit pays de Kempten. Le 26 février, le tocsin réunissait sa population ; les

DE LA GUERRE DES PAYSANS. 1 1 3

paysans, formant divers groupes, se rendirent suc* cessivement à Dittmaosried, Raithcnau et Luibas. Un bon nombre de vassaux de Tévèché d'Augsbonrg et de la YÎUe de Kempten se joignirent à eux. Les différentes corporations de ce dernier endroit étaient dans une très -grande fermentation et organisaient d^ rassemblements tumultueux ; comme les paysans» elles demandaient à être affranchies des impôts que Ton payait à l'abbaye; en outre elles se plaignaient de la magistrature urbaine et exigeaient qu'on leur don- nât des prédicants luthériens. Le prince-abbé prit en vain un ton menaçant envers ses vassaux soulevés. Ils avaient le sentiment de leur force, déclarèrent pé- remptoirement qu'ils ne renonceraient à aucune de leurs prétentions et se réunirent à la troupe de TO- ber-Âllgau ; celle-ci reconnut en qualité de capitaines les nommés Knopf (de Luibas ), Benchliug, Walther Bach, Pierre Miller, etc. Ces chefs, accompagnés de députés de toutes les communes de la contrée, tinrent une assemblée à Kempten, et il fut décidé que les pays environnants seraient sommés et forcés, s'il en était besoin, d'entrer dans leur confédération.

La ville de Fûssen, dépendante du chapitre d'Âugs* bourg, se trouvait sur les derrières de la troupe de l'Aligau supérieur. Les insurgés lui adressèrent une lettre pour l'engager à s'associer à leur entreprise, qu'ils qualifiaient de juste, divine et conforme à la parole de Dieu et à l'Évangile. Les magistrats du lieu se bornèrent à faire une réponse évasive conçue en

114 HlSTOlKfe:

termes généraux, et ue se mirent pas en rapport avec les Rustauds.

La même invitation avait été faite à Memmingen et àKaufbeuren. Dans la première de ces deux villes, la bourgeoisie avait été fanatisée par le prédicant Schappeler ; les autorités s'y étaient vues dans la néces- sité de céder aux exigences de leurs propres paysans ; les rebelles de TAllgau y furent favorablement reçus, le 21 mars. On les accueillit également bien à Kauf- beureUf ils avaient des intelligences et de nom* breux amis parmi la petite bourgeoisie.

La troisième troupe, désignée sous le nom de Seehaufen (troupe du lac), formée par la popula- tion riveraine du lac de Constance, s'était réunie vers la fin de février. La première assemblée, tenue au bourg d'Ailingen, avait envoyé des messagers aux environs d'Immenstadt, de Salmansweiler, de Sema- tingen et de Supplingen et dans le comté de PfuUen- dorf, pour exhorter les paysans à se joindre à elle. Le chef de cette troupe se nommait Jean ZiegelmuUer d'Untertheuringen. il établit son quartier-général i Bermatingen, se donna une garde et s^adjoignit un conseil composé des délégués de différents villages.

La quatrième troupe était celle du Bas-Âllgau (Unler AUgauer Haufen). Les premiers de la contrée qui se soulevèrent furent les sujets d'Ochsenhausen , ceux du chevalier de Schellenberg et les vassaux de Zeil. Vers la mi-février, ils sommèrent les paysans de Georges de Waldbourg de se réunir à eux avant le

DE LA GUERRE UES PAYSANS. J 1 5

3 du mois de mars* Waldbourg ayait toujours traité ses sujets avec une bienveillsBce paternelle, ses ad* versaires les plus acharnés ne peuvent lui refuser oe témoignage ^ ; s'il eût été dans ses domaines au mo- ment de la révolte, elle ne s'y fût point étendue, mais le service public le retenait ailleurs. Les insurgés se rendirent en masse, le 3 mars, à la petite ville de Wurzacb, qui lui appartenait. Les habitants du lieu et de la contrée voisine, incapables de résister à des for- ces supérieures, cédèrent à la nécessité, et se joiguî- rent à la troupe du Baa-AUgau, qui compta dès-lors 5,000 Yiommes. Cette horde se donna pour comman- dant UD prêtre renégat nommé Greisel, plus connu sous la désignation de Pfaff Florian , et que Wald«- bourg avait nommé jadis curé d'Eichstetten, bourg dépendant de ses terres. Greisel, d'ailleurs, n'était point le seul de sa robe qui figurât parmi les rebdles, les différents corps d'insurgés avaient chacun leur prédtcant ; c'étaient d'anciens curés, des moines dé- froqués, en un mot Técume et la honte du clergé ca- tholique. Nous les verrons parattre successivement.

Ces renégats se mirent à la tête du sans-culottisme religieux et radical de la Souabe ; grâce à leur aeti« vite, à leurs discours incendiaires, à leurs messagers et à leurs petits écrits, l'insurrection prit en peu de se- maines de gigantesques proportions. Nous lut verrons gagtîer bientôt tout le sud et Tooest de TAlleinagne,

I Zimmermann, op. cit. T. H, p. 156.

116 HISTOIRE

elle s'étendra le long du Mein» du Rhin et du Danube, les paysans de TOdenwald se soulèveront, la Fran- conie sera en feu, notamment aux environs de Wurz- bourg et dans les possessions du chapitre de Mayence. Le grand-midtre de Tordre teutonique sera chassé de ses domaines, les comtes de Hohenlohe seront forcés de se joindre aux paysans ; Rothenbourg et Heilbronn se déclareront pour eux. En même temps la révolte sévira en Alsace» dans le diocèse de Spyre» le Palati- nat et le Rhingau. Mulhausen deviendra le point central d'un soulèvement plus dangereux encore, qui étendra ses ravages en Thuringe, en Hesse, et jusqu^à la chaîne du Harz. Vers le midi, les montagnards de Styrie, de Tévèché de Salzbourg et du Tyrol, jusqu'à la vallée de l'Adige, prendront les armes. L'esprit de vertige gagnera même la haute Autriche. Les seuls paysans de la Bavière resteront fidèles à leurs ancien- nes croyances, et se disposeront à repousser les ban- des forcenées des ennemis de l'Église. La plus grande partie de la Saxe électorale demeurera étrangère au mouvement, grâce à Tappui que l'électeur prête à la réforme. La rébellion ne pénétrera pas non plus dans les contrées orientales la population est d'origine slave , et dont les émissaires de Wittemberg n'en- tendent point la langue.

Le rôle que le clergé apostat joua dès le commence* ment de l'insurrection, imprime un cachet particu- lier à cette guerre, ainsi que nous le disions dans no- tre introduction.

DE L\ GUERRE DES PAYSANS. 117

Les autres éléments révolutionnaires qui contri- buèrent au soulèvement des Rustauds se perdent et s'effacent tous devant celui-ci*; ils prennent sa cou- leur, ils adoptent son langage et n^apparaissent qu'en seconde ligne.

Cétait en prêchant contre TEglise et son autorité qu'on faisait prendre les armes aux paysans, qui se donnaient à eux-mêmes les noms de Troupe chré^ tienne et de Frères jèvangiliques ; dans le courant de cette lutte impie, toutes les violences exercées contre les personnes et les propriétés, le furent au nom de r Evangile. Wittemberg était considéré par les re- belles ^ comme un point d'appui moral ; ils en invo- quaient Tassistance et prétendaient en suivre les le- çons et en exécuter les arrêts.

Plus l'insurrection s'étendait, et plus aussi les pré- dicants des divers corps de paysans devenaient véhé- ments dans leurs homélies quotidiennes. Au début, ils s'étaient bornés à tonner contre le clergé et les moines, bientôt ils n'épargnèrent pas plus les princes que les évêques, la noblesse que le clergé, et ils exci- tèrent la confrérie chritienne à ne respecter le droit d'aucune des classes supérieures de la société, afin

I Sauf ceax de la Thuringe, dont rinsurrection forme un épisode séparé de la guerre des paysans. Ainsi que nous le Terrons, le soulè- vement de cette province eut lieu sous Tinspiration de Thomas Mun- zer^ adversaire déclaré de Luther, et qui, lui aussi, se posait en fon* dateur et chef d'une nouvelle Église. Sans doute la révolte de la Thuringe est un produit du fanatisme religieux de Tépoque comme ceile du reste de TAllemagne, mais elle ne rechercha jamais Fappro- bation de Wittemberg.

1 1 8 HISTOIRE

d'établir sur la terre Yégaliti parfaite au nom de la re- ligion.

La foule écoutait avec docilité des leçoas. qfii Q*acr- cordaient avec ses senlim^at^, et s'eaipjcQS^dit de le& mettre en pratique. La perspective chimiérique dQ la parfaite égalité la çharm^it^. et les différentes troupes firent des règlements qui. leur seoitlaient propres, à en bâter rétablissement. Ainsi» on adopta d'enthour 8ia§me une proposition portant» que tou3 les châteaux seraient démolis et qu'à Favenir personne ne pour- rait être mieux logé que les pa^saps. Ainsi» plusieurs corps d'insurgés proclamèrent que Tamour &atecnal et la charité chrétienne exigeaient,, soit U communauté des biens, soit leur partage égal entre tous; il y en. eut d'autres encore qui déclarèrent» au nom de Tenr- seignement évangélique, les dettes, les redevances ^t les impôts supprimés. Fin quelques lieux on en vint à. poser eq principe qu'il fallait piller ou même assompier les gens riches « parce que toute plante qui n'avait point été plantée par le père céleste devait être extirpée;, w il fut question enfin de proclamer Tabolition de tout droit et de toute jurisprudence dans TEmpire» pour, leur substituer le seul droit divin naturel.

L'Allemagne eût été perdue, si les Rustauds révol- tés eussent agi d'après un plan unifbrme et commun» si UA.chef puissant et énergique avait pu se mettre à la tête du mouvement, en diriger les forces, en faire en un mot une seule armée homogène, façonnée à la discipline et au maniement des armes» et à laquelle

DE LA GUERRE DES PAYSANS. f f 9

80D immense Supériorité Duméfiqne eût dès-iors assuré la yietoire. Loin de là, les d^érmtes bordes, quoique' armées poQF ménie cause^ ne ftM^maient ^e ëtai basdes séparées, entre lesqa!elté# H ft^ avait mcufn lieâ^dSesQbordkiMiôii', éC dent les dMMtaiMfettfe éÊdénT indépeDdanta led Am ifes autres.

Les diviisioDS de la troupe de f (^er-Allgau ftreni, il est vrai, une &N)fte de règlement qur fut adbpté àtassi par lestrois autres eerpsdPsrmées principaux ; mais ce règlement n^ était pa^ relatif aux plans dTopératibn des forces insurgées, c'était plutôt une sorte de mani- feste expesant l'esprit et les projets politiques des Rus- tauds, fl se bornait à adopter des mesures pour obliger les communes et les nobles des pays soulevés à se joindre à la soi-disant confrérie chrétienne, ou au moins à ne rien entreprendre contre elle, et pour for- cer les membres du clergé fidèle à quitter leurs ouail- les et à faire place partout aux prédicants de la nou- velle doctrine. La suite de cette pièce portait en subs- tance : Que cbaque troupe aurait un commandant as- sisté de quatre conseillers, siégeant en permanence au quartier-général, et qui pourrait, en cas de nécessité, s'entendre avec les chefs des autres corps d'armée.

Le décret fut promulgué et adopté le 7 mars, et les quatre grandes troupes d'insurgés conclurent entre elles une alliance défensive et offensive, sans se sou- mettre cependant à une autorité commune et suprême. Les paysans se retirèrent alors dans leurs communes respectives; mais les chefs et les conseillers demeu-

120 HISTOIRE

rèrent réunis aux quartiers-généraux, désignés ainsi qu'il suit : pour la troupe de Baltringen, le Ried, près Biberach; Luibas pour les hommes de TÂllgau su- périeur; — Raithenau pour ceux de TAUgau inférieur; -— enfin Bermatingen pour la troupe du Lac. «-Mais, outre les quartiers-généraux, chaque commune, mem- bre de la confrérie, eut dès^ors son lieu de rassem- blement particulier et fut placée sous la direction d'un capitaine local, assisté de quelques conseillers. Les paysans désignèrent aussi des arbitres chargés de terminer les différends qui pourraient s'élever entre eux, et convinrent de ne plus recourir aux tribunaux ordinaires. 11 fut enjoint aux capitaines des diverses communes de réunir de temps^en temps leurs hommes, et l'on publia qu'au premier appel de la grosse cloche des églises et des chapelles, chacun serait tenu de se rendre, muni de ses armes, au quartier-général de la troupe dont il faisait partie.

DB LA GUEimE DES PAYSANS. 121

CHAPITRE m.

AcUtote «e la llsne «e §«Mk«. Ckeorgci «e

prises par les teswrgês. Les 11 snielcs «es ps:

La position était deveDue fort grave, on a pu B*en conyaincre par les détails contenus dans le chapitre qui précède".

L^ Allemagne demeurait encore désarmée en face * du danger qui la menaçait. L'hérésie avait lancé dans V Empire le plus terrible des dissolvants, elle avait brisé l'unité de forces et d'intentions qui seule eût été ca- pable d^opposer une digue puissante au torrent révo* lutionnaire. Aucune mesure commune et énergique n'avait été adoptée. Les princes qui avaient apostasie prenaient quelques vaines précautions pour empêcher la révolte de pénétrer dans leurs états ; mais ils dési- raient qu'elle continuât à sévir ailleurs, qu'elle dé- truisit les puissances catholiques et surtout qu'elle anéantît Tautorité spirituelle. Un égoïsme froid et mesquin régnait dans la plupart des pays allemands» on ne songeait plus aux besoins et aux intérêts de l'Em* pire considéré dans son ensemble, et les ennemis de l'Eglise pensaient, alors comme aujourd'hui, que l'on peut être à la fois révolutionnaire au spirituel^ et con« servateur au temporel.

La ligne de Souabe, atteinte aussi de Tatonie géné- rale, se bornait à négocier. Les différents corps de

122 HI8T0IRB

paysans avaient adressé à la commission permanente siégeant à Ulm, un écrit par lequel ils demandaient qu'an leur fit le$ eonfumi^ cot^formes au droit dmn et au pur Evangile. Ils protestaient d'ailleurs qu'ils n'avajfiflj jajucijne iptçntip» ho»tihf UpQWiïHWipn leur avait envoyé des députés; d'interminables pour- P^aflerp s'efi ét^ep( sijjvfs, de^i^rbitre» avaient été dé- 9^é9 de pa^t pi d'ay^r^; ni^pialgpé les «liées et ]fi^ venues, les conférences, les propositions ejt le9 {ffO/- pi^s^^^ i»m49 Pn R'étwt p^f vjewy i g'e^tendf ç *; h *Wpl^ boB seijp e4t sqffi ppqr fgire pr^vp^ à ch#r fimi l'inutilité de semblables déff^^rcl^eç,

Cepeçd^nt l'archiduc F/erdipand , eff^a^yé àep pror grèp dp la rébellion, comprit le pra^er que les ména- jgements n'étaient plus de saison et qu'il fallai); agir* (1 ordonna aux membres de la )igi)^ de réimif leur» fprçea, et pomma cornniaAdant en ç)ief deVe^péditioi^ qiii (levait marcher contre les pay^^ans, le graiïd écuyef tr§ncjjant Geprge (Je Waldbojirgi 4opt poup avppj? parlé déjè; et; que les historiens allemands jjésigprat indifféremment ^puq son nom ^l 9pus cplqi de Tr^ç1^se^$J| d'après la charge qu'il remplissait. Qn lui adjoignit ef} qqalité de çpcppd^ et de con^illpr^ les seigpemi) dp Gerpldseck et Rodolphe d'phingep ^.

Ferdinap4 n*eu| pa» pu faire pn choix plus heq^ reux. Geprge de Wal()boprg ét^it un de ces bpmm^^

* Actes tirés des archives de Stuttgard et des protocoles d'Ulm , cités par ZimntArmaïui. -*- Op. cit. T. U, p. 149 et seq.

' Tous )^ auteurs cités.

DE LA GUEbBE Ï/BS PAYSANS. 123

qtie la Providence donne au lïionde pour sauvée las nalioftd et lies empires danô les temps de grandes eiftse^. L^ ))islorieDs protestants, cé(!lant àuk instinels èe ihSbk religieuse et de la jalousie, se sont éver- tués à fkirte du noble Tïnchscss, clu sauveur âe leur patrie, un fanatique saûguiûailre et froidement èiroel. Le ]()aftl i^évolutionûàife dont il a brisé les espérances et tlétrait te pôuVoit* poUï* plusieurs »i^éleé, a thét- ehé à s'en venger en le calomniant. George étail resté pur de toute contagion, dansuh lûomefitoù ta'M de bauts et puissants seignèuirs favorisaient réforme et aspiraient à s'enrichir aux dépens de VÊgUse-^ieùi et feront, hottame de guerre et d^ expérience, él dVnè b)ravoure extrême, il était tout disposé k tirer l'épie pour la cause de la catholicité et de son souverain, ta ehronique de PappenheiiH nous apprend qu'il avait été élevé dans la crainte de Dieu, à la cour de soh oncle maternel, Vévèque d^Augsbourg, comte de ïol- lern, et qu^en Vannée 1 5 1 1 il avait fait un pèlerifaasé à Saint-Jacques-de-Compostélle. tl était entré bonne heufe àtl Service de ^empereur et de plusieurs pfinceë, et avait fait preuve taletats militaires très^ remarquables.

Les écrivains qui reprochent à George triichsess sa dureté, son inflexibilité, sont obligés d^avouer, ainsi que flous le disions au chapitre précédent, que toujours il avait traité ses vassaux avec beaucoup d'humanité, et qu*il gouvernait ses domaines d'une feçon toute paternelle.

1 24 HISTOIRE

Quant aux actes accomplis durant la guerre des Rustauds, et au sujet desquels on s'est efforcé de noir- cir la réputation du seigneur de Waldbourg, il im- porte de ne pas oublier, qu'à la suite des excès inouïs et des atroces forfaits commis par les paysans, les troupes se livrèrent parfois à de cruelles représailles qui ne peuvent être imputées à leurs chefs. D'ailleurs, lorsque Texistence même de la société, de la religion, de tous, les principes d'ordre et de justice était en question, il fallait opposer une énergie à toute épreuve aux passions furieuses des démagogues, pour sauver encore TÂUemagne. Les forces sur lesquelles Wald- bourg pouvait véritablement compter, quand la ligue de Souabe eut enfin réuni ses divers contingents, après d'interminables lenteurs, se réduisaient à 2,000 cavaliers fournis par Tancienne chevalerie ; les lans- quenets et les mercenaires constituaient une troupe toujours disposée à la mutinerie et prête à se vendre au plus offrant; nous en citerons de nombreuses preuves dans cette histoire.

Il était nécessaire, par conséquent, que George sup- pléât au nombre par la promptitude et la puissance de son action et de ses mouvements. Constamment en- touré d'ennemis, il ne put jamais se faire jour qu'en frappant des coups décisifs, tantôt d'un côté, tantôt de l'autre; la lenteur, les demi-mesures eussent anéanti à jamais la cause de Tordre dans l'Empire; une vi- gueur inflexible pouvait seule écraser la révolte, ef- frayer les insurgés, empêcher l'anarchie de s'éterni-

DE LA GUERRE DES PAYSANS. 125

ser, prévenir ainsi les derniers malheurs et la dissolu- tion même de la société. Cependant » malgré les ordres de Parchiduc etTactivité de George Tniehsess, la ligue de Souabe ne se pressait pas encore de réunir ses contingents et continuait à temporiser. Cette len- teur inqualifiable donnait aux insurgés le temps de s^organiser. Outre les prédicants qui mettaient une activité prodigieuse à attiser le feu de la révolte, quelques démagogues laïques commençaient aussi à exercer une certaine influence sur les masses. Ca- pables de tenir la plume, ces hommes rédigeaient les manifestes, s'efforçaient de donner à Vinsurreclion une forme déterminée, et d'établir les premières bases de la constitution nouvelle qu'ils prétendaient imposer à TEmpire. Leurs publications se distinguent de celles de Luther et Hutten par une certaine apparence de modération dans la forme; on n'y trouve point les ex- pressions ordurières et les excitations à la cruauté qui fourmillent dans les écrits du réformateur et du com- mensal de François de Sikingen.

Parmi toutes les publications de ce temps^ la plus célèbre est incontestablement celle connue sous le nom des douze articles. Issue de la Souabe supérieure^ elle courut toute TAllemagne ; partout les paysans la re- çurent avec enthousiasme, la considérèrent comme mie sorte d'écrit symbolique. Jusqu'alors la masse des rebelles n'avait pas trop su elle-même ce qu'elle vou- lait; les douze articles devinrent leur signe de rallie- ment, ils exigèrent que chacun en jurât Tobserva-

196 nisTomE

tkm ^ On ne sait pas même positivement quel fut i'autenrde oemamfeste, la plupart des écrivains Tat- Inlmeiit soit à Jean HeugUn, soit à Schappler, le pré- diMDt de Memmifigeo. Quoi qu'il en isoit, la forme de cette pièce curieuse et les indications de passages bî- Uiqurn cités en marge, souvent à tort et à traveris, prouvent qu'elle émane d'un homme imbu des prin- cipes des novateurs. Elle se distingue d^ailleurs par un ton doucereux, et par une sorte de naïveté affec- tée^ de simplicité candide, et de fausse bonhomie, qui trompent au premier aperçu. Elle Vise à îttiî- ter les allures de la faiblesse injustement oppri- mée, se bornant à réclamer humblement ses droits. Les douze articles sont précédés d'une sorte de pré- ambule, dans lequel on trouve presque à chaque ligne de flrappants exemples de cette profonde hypocrisie, de cette fausseté réfléchie, si familière aux hérésiar- ques dans leurs attaques contre TEglise et la société; il brille encoi;p par le mépris le plus inconcevable , le plus effronté» des lois naturelles de la logique et du raisonnement. Le rôle important que cet écrit a joué dans la guerre des Rustauds nous oblige à le donner ici en note, dans toute son étendue ^.

> Leodius. Op. cit., p. 2S7 &m.

< Le voici, e Paix et grâce au lecteur chrétien par Jésus-Christ. # Beaucoup d'antichrétiens méprisent actuellement rÉvangile à pro- pos du rassemblement des paysans. Les fruits du nouvel Évangile , disent-ils, sont : la désobéissance, le soulèvement général, hi révolté, les réunions violentes, la volonté de réformer, de détruire, ou même d*assommer toute autorité spirituelle et temporelle. A ceux qui pro-

DE LA GmWB JKS PAYSANS. 127

Le laetew ^xHapreadim, en yaw— fTint le prév»- bille, ce produit afasmdi dm fmaliMw ie piw «VMgfe, qu'aueme AémoMtratîaBy qa'AaeaM parale seMée, ii'étafteat napaUes de diiMÎper un eemblaMe (rfMeor-

c^ ÎNC^HNiti MuiÉteaêoinB, mus fféfMdou ^ les

êiHOm f^'m te (W irmm : I* »fii 4e Uver It parait 4Mm 4e

fiaiiaeeq«Vwi«ia|ate; y po«r<KCMgef ctrtlitiMnnn«r fa ééetfcéii

mm» H Jntee fa Déwlte des pafSBos. ^ It d'cèeid nfcvaaeffa m

$uuÊkêÊn mm moméêféwélàêou d'ianmectioii, cerilefCfapcrofa

da fihffîfit, du Ifaeeie Mnoncé; it cette pemfa vi^aato B'eneeifM ^w

Je chAfité, fa fftis, fa fMftitMe etrouM, deeortieqvê tooBeeaxfid

7 sont iidèfas 60Dt aûMMto, pecifiqnes, paticito et onfa entroeux.^

/Par eon»6cpieDi ^t-en pu répond» à Tantoiur es fa pièce et I levé

faanoY»teius, uDe4octritte<piipoiu8eàfafatiiie, andfaoïd^ «t à fa

rjéy<dte, ne peut rîMi aveir de eonmiin avec riva»^ de notfe 8ew

gneiir.) -^^ ùr^ lioiite fa préioibafe, toiu fae articfas det paysans,

on k wtn d-ê^èBj ^ ont pour fait de faira prêcher f Éfangifa et

d^engager chacun à vivre d'une manière confarnie à ses eiMMfiiie^

ments, -* ( at c'aet sans doute pooratteândre cette fin fanabfa qu'on

fai exultait à aiwoimnar tes prêtres at tes inoines, et à se faver tes

^lafos dans laur sang, à piller tes églises et à brftfar les co«v«sto.)

*^ « QomiDsnt donc iee antiolirétiims osent^te affirmer que I'Évib-

gîte est une cause de désordre et de révolte? ««^ (Mais plnl^ comment

fa troupe des fslfalles oso*tralle affirmer qu*elte agit nom de

rÉvangUe?) -* L*ÈvangUe n'est point cause de roppotiitlon que ses

«memis, antiehrétîens, font à nos justes demandes. Cette opposi*

tioa vient du diable, le plus dangereux adversaire de la bonne noa-»

velfa ; iJ ùxdtê les siens & incrédulité, afin de faire supprimer la pa*

rote de Dfaa qui enseigne l'amour, la paix et Tunion. Et en second

lieu il est clair que les paysans qui, dans leurs articles, demandent à

?im oonformémept à cet Évangile, et à ce qu'il leur soit enseigné,

ne peuvent être qualifiés de désobéissante et de rebelles. Et si Dieu

veut exaucer la fervente prière qu'ils lui adressent de les laisser vivre

conformément à sa parole, qui osera blâmer cette sainte volonté , la

juger on s'y opposer? Le Seigneur a écouté les enfante d'Israël lors-

qu^iJf oriaient vers lui, il les a délivrés de la puissance de Pharaon; Il

peot aujourd'hui enc<M« délivrer les siens, et 11 les délivrera prompte-

ment. Ainsi donc, ô chréUen, lis attentivement les articles suivante

etjugeaBSoitei

128 HISTOIRE

ciasemeDt de toutes les facultés intellectuelles. Il en concluera simplement que Thomme, lorsqu'il se sé- pare violemment de TEglise, source de la vie, de la vérité et de toute bonne science, perd en même temps la

Art. U^. D'abord voici notre humble reqaète, notre volonté et notre opinion. Nous exigeons qu'à Tavenir chaque commune ait le droit de choisir son pasteur (I. Thimot. 3), et de le destituer s'il ne se conduit pas convenablement (Tit. L). Ce pasteur nous prêchera rÊvangile purement et clairement, sans y ajouter aucune ordonnance d'invention humaine ( Actes 14). Car si on nous annonce la vraie foi, nous aurons occasion de demander à Pieu de nous accorder sa grâce, afln qu'il nous conGrme dans cette foi vivante (V. Moïse, f7; IL Moïse, 5i ). Autrement nous restons des hommes de chair et de sang, ce qui nous serait très-dommageable (V. Moïse; X. Jean, 6), car l'Écriture nous enseigne que nous n'arrivons à Dieu que par la vraie foi, et que sa miséricorde seule peut nous rendre bienheureux (Gai. I). Donc nous avons besoin des pasteurs que nous demandons, et notre requête est fondée sur TÉcriture.

Art. s. La dime a été établie dans l'ancien Testament, et le nou- veau a tout accompli. Cependant nous consentons à payer la dime du blé, mais nous voulons la donner comme il convient, c'est-à-dire à Dieu, pour être distribuée aux siens (Ép. aux Hébreux, ps. i09), et avant tout au pasteur qui nous prêchera purement la parole divine. Nous voulons que cette dime soit recueillie par les prévôts des églises choisis par les communes, et qu'on donne au pasteur élu comme il a été dit ci-dessus , ce qui, au jugement de la commune, est nécessaire à son entretien convenable et à celui des siens. Ce qui restera sera par- tagé équitablement et d'après l'avis de la commune aux pauvres du lieu (V. Moïse, 26; L Timot. 5; Matth. 10 ; Cor. 9). Et ce qui restera après ce partage sera mis en réserve afin qu'en cas de guerre on puisse faire face aux nécessités du pays, sans imposer de contnlm- tions aux pauvres. Et si un ou plusieurs villages ont vendu leurs dîmes en cas de nécessité , nous nous arrangerons avec ceux aux- quels ils les ont vendues pour les racheter avec le temps (Luc, 6; Matth., 5). Quant à ceux au contraire, dont les ancêtres se sont em- parés des droits de dîmes dans les villages sans les acheter, nous ne leur devons rien et ne voulons rien leur donner, et nous emploierons ces dîmes, ainsi qu'il a été dit, à entretenir nos pasteurs élus par nous, ou à soulager les pauvres, comme le veut rÉcriture-Sainte.

DE LA GUERRE DES PAYSANS. 129

faculté déraisonner, de tirer des conclosions et déjuger. Mais il remarquera que cet aveuglement si co mplet pour les choses d^un ordre plus relevé, n'a pas empêché les auteurs des articles de les rédiger avec beaucoup de

Quant à la petite dtme, nous ne youlons la donner à aucune autorité ecclésiastique ou laïque, car le Seigneur Dieu a donné les animaux à rhomme sans conditions, ainsi que nous l'apprend la Genèse (I.Moise,!). Nous regardons par conséquent la petite dîme comme une invention homaioe inconvenante , et nous avons la volonté de ne plus jamais la payer.

Art. 5. Troisièmement, jusqu'à présent il a été de coutume de nous considérer comme serfs ou propriété d'autrui (Eygen Leut). Ceci est déplorable , car le Christ nous a tous rachetés en répandant son précieux sang (Isaîe, 53; I. Pierre, i ; I. Cor., 7 ; Rom., t5), le pâtre comme le grand, il n'a excepté personne. Ainsi, FÉcriture nous apprend que nous sommes libres, et nous vouions Têtre (Sagesse, 6 ; I. Kerre, 2). Mais Dieu ne nous enseigne pas à n'avoir point d'au- torités ; nous devons vivre d'après des lois et non pas suivant les dé- sirs de la chair (V. Moïse, 6; Matth., 4); nous devons aimer Dieu comme notre Seigneur, nous devons reconnaître un frère dans le prochain, faire aux autres ce que nous voudrions qu'ils nous fissent, ainsi que le Seigneur nous l'a enseigné dans la dernière cène ( Luc, 4, 6; Matth., 5; Jean, 15); nous devons vivre conformément à cette loi qui ne nous apprend pas à désobéir à l'autorité, mais à nous hu- milier vis-à-vis d'elle et de tout le monde (Uom., 15). Donc nous obéirons volontiers à l'autorité élue, ou établie par Dieu (Actes, 5), dans tout ce qu'elle nous ordonnera de convenable et de chrétien, et certainement vous lious affranchirez du servage en notre qualité de vrais chrétiens, ou vous nous prouverez par l'Évangile que nous sommes serfs.

ÂmT. 4. Quatrièmement, il a été d'usage jusqu'à présent qu'aucun pauvre homme ne puisse prendre de bètes fauves , de gibier, d'oi- seaux, ni de poissons dans les eaux courantes. Ceci nous semble tout-à-fait inconvenant et antifratemel, égoïste et contraire à la pa- role de Dieu. Dans beaucoup d'endroits même , l'autorité nous force à supporter le grand dommage que nous cause le gibier ; on exige que nous nous taisions lorsque des bêles sans raison dévorent inutile- ment les biens de la terre que le Seigneur fait pousser pour les hommes. Ces choses sont contraires à l'amour de Dieu et du pro-

130 HISTOHtB

fijMBM, et d^ètve trè» elair^oyamt» à Fendrait de lewra intérète. Le but principal de» Miteurd de la pièce était de procura une eatiàre liberté- d'ac- tMtt au kb Bdu^eUe doctrine^ de se mettre à tÈèÊàe

clMdbii ear lonqne leSeigHetf evéa Hiomme^ U.hii a ù&afui peissaiHse* sur toaftlinaiiiiiNnKd& la tonte,, aar leiPoigoaux-deraiFetlM poisâtm» dere«i<(L Meiiw;a6tes,.lie'; L Tin;> 4^; I. Gor., iO; Goioas., 2)-. -* Aiofi^ BOUS deauMdonf le dcoit de pèche pour les comnaaes ; si ce{)eiukQt un individu peut prouver pair tiires suflteut» qu'il a adMté un cours d'eau avec ce droit, nous ne demandons pas de le lui etikH veir da foroev et now userons dise ménagemefite ohnétieniT qu'exige la chanté fretemelle.

Amt. St. Cinquièmement, nous avons à faire des plaintes relative- ment au' boi». Car les seigneurs se sont appropriés toutes les forètsi ; et^qnand un pauvre homme a- besoin de bois, il- ftiut qu'il Tacheté au double de sa valeur. lei nous croyons qu'il faut distinguer : les forêts possédées par des- ecclésiastiques ou laïques qui ne les ont point ache- tées doivent retourner aux communes, et celles-ci laisseront prendre gratis à chacun de leurs membres le bois de chauffage nécessaire. On permettra de même à chacun de prendre le bois de construction dont il aura besoin, mais sous la surveillance des personnes que la com- mune élira pour cela. Quant àceux qui auront honnêtement acheté des forêts, Ton s'arrangera chrétiennement et fraternellement avec eux. ~ Pour ce qui est de ceux qui auront acheté des forêts d'un tiers qui s'en était emparé , on s'arrangera aussi avec eux après examen et conformément aux préceptes de la charité fraternelle et de l'Écriture- Sainte.

Art. 6. Sixièmement, nous sommes accablés de services qui aug- mentent de jour en jour. Nous demandons que l'on ne nous traite plus aussi durement, que l'on nous soit favorable et que l'on ne nous oblige pas à d'autres services que ceux auxquels nos parents ont été tenus. Le tout conformément à la parole de Dieu (II. Rom., 10).

Art. 7. Septièmement, nous ne voulons pas qu'à l'avenir les sei- gneurs puissent nous imposer de nouvelles charges ; il faut que le paysan possède aux conditions primitivement admises entre lui et le seigneur. Ce dernier ne doit pas avoir le droit d'en exiger de nouveaux services gratuits ( Luc, 3; Thess. 6), car il faut que le paysan use et jouisse de son bien tranquillement et sans sujets de plaintes. Mais si le seigneur a besoin d'un service, il est du devoir du paysan d'être

DE LA GUERRE MS PAYSANS. 131

de fooder ee qu'ils nommaieot leur Egtifle et de s'en assurer à peipétaité la direetÎMi. L'arâele i«' était destiné à les faire arriver à. ces fins. Lea siiivaDtadeif* vent être considiérés comme une premî4rer

prêt à le lui rendre en temps oppoituo, loraqn'îL W pwl i

Ténient poor ses propres affaires et moyennant rétribution conire-

nable.

Ajlt. 8, Notre huitième plainte est que beaucoup de pajmis tiennent des biens qui ne peuvent point produire la redevance exigée, de sorte que ces paysans y pevdent- tout ce qu'ils possèdent et s'y ruinent. Nous demandons que les seigneurs fatjseat examiner la ehflse par des gens probes et honnêtes, et que les redevances soient baissées de telle sorte que le paysan ne travaille pas pour rien, car chaque ouvrier mérite son saMre (Matih. 10).

àht. 9. Neuvièmement, nous nous plaignons de la malice avec laqueOe on innove en mati^ de justice ; on ne nous punit plus diaprés nos actes» mais tantôt on traite les gens avec faveur, tantôt avec baiee. Notre volonté est qu'on nous traite à l'avenir conformément aux dis» positione de la vieâle loi écrite et sans considération d*aucun genre (Isaîe, 10; Éphes., 6 ; Luc, 5 ; Jér., 16 ).

Abt. 10. On s'est emparé, qui de prés, qui de champs, apparte- naui à des commune»; nous voulons les ravoir parmi les Mens de- la commune. Nous ne réclamons pas ce qui a été loyalement acheté; quant à ce qui aurait été acheté frauduleusement , on s'arrangera frateroeUemeol et suivant les circonstances avec les acquéreurs.

Aat. 11. Quant à la coutume dite Todfall (impôt mortuaire), nous voulons qu'elle soit abolie, et nous ne souffrirons plus que ceux qui doivent protéger les veuves et les orphelins les dépouillent d^e manière iniâm^ contrairement aux lois de Dieu et de l'honneur, ainsi que cela se pratique en plusieurs manières; on nous écorche, on nous étrille, si on le pouvait on nous prendrait tout ; Dieu ne veut plus que cela soit, il faut que cette coutume demeure eelièfematit abolie, et qu'à Favenir personne ne soit tenu de donner peu ni beanoNipeii oaa de décès (Y. Moïse, 13 ; Matth. 8, 25; Isaîe, 10).

Conclusion* Douzièmement et peur conclure, nous disons : Que ù m ou plusieurs des articles que nous venons de proposer n'étaieat pas conformes à ia parole de Dieu (ce que nous ne pensons pas), et que cela nous fut prouvé par l'Écriture^ nous renonceriens à l'article 00 aux articles en question. Et si dès à présent ottConsentMt à Tad-

132 HISTOIRE

de donner une forme nouvelle à la constitution de J'Empire et d'y organiser la société d'après l'interpré- tation des saintes écritures, interprétation dont les démagogues s'adjugeaient le monopole et qui eut fini par mettre entre leurs mains Tomnipotence au tempo- rel tout aussi bien qu^au spirituel.

Au reste, les douze articles n^étaient, nous le répé- tons, qu*un essai; leurs auteurs se réservaient formel- lement le droit d'étendre leur œuvre, et ils se recon- naissaient ainsi celui de disposer de Tavenir. Ils di- saient aussi, à la vérité, que les dispositions déjà ad- mises et trouvées postérieurement contraires à la sainte Ecriture, seraient de nouveau supprimées, mais comme l'interprétation de la Bible dépendait d'eux seuls, l'engagement n'avait en réalité aucune valeur.

Au reste, si le style modéré des articles avait pu faire naître des illusions sur les véritables desseins des paysans et de leurs chefs, un second manifeste, ré- pandu à la même époque par les insurgés de la Forètr Noire, exposait beaucoup plus clairement leurs inten- tions ; nous donnons encore ici la traduction de cette

mission d'articles qui plus tard seraient reconnus injustes, ils cesse- raient au moment même d'être en vigueur. De même sMl existe encore des choses non mentionnées dans cet écrit et qui puissent être démon- trées contraires à la parole de Dieu et à la charité envers le prochain, par rËcrilure-Sainte, nous nous les réservons pour agir conformément à renseignement chrétien. Nous prions Dieu le Seigneur de nous ac- corder ce que seul il peut nous donner. Que la paix du Christ soit' avec nous tous. Amen.

DE LA GUERRE DES PAYSANS. 133

pièce s qui est attribuée par quelques auteurs à la plume de Tliomas Munzer, par d'autres à celle de Jean Muller de Bulgenbach '.

' Tirée de archives de Fribonrg par Schreiber (loc. cit.). La voici : « Les seigneurs et les antorités laîqoes et ecdésias- Uqaes iinp<Ment aux pauvres gens des villes et des campagnes, con- trairement à la loi divine et à la justice, de lourds fardeaux qu^Us ne touchent pas eux-mêmes du petit doigt. 11 s'ensuit que, si les pauvres gens ne veulent pas être réduits à la mendicité, avec les enfants de leurs enfants, ils ne doivent pas supporter davantage ces charges et ces fardeaux. Par conséquent, le but et Tintention de notre réunion chrétienne est de nous en affranchir avec Taide de Dieu. Noos dén* rons que cela se fasse, s*il est possible, sans recourir à Tépée, sans effusion de sang, et au moyen d'une entente fraternelle sur toutes les choses d'utilité chrétienne et commune comprises dans les articles ci-joints.

« Nous vous prions donc amicalement et nous vous sommons et engageons fraternellement, vous tous qui lirez cet écrit, à vous réu- nir volontairement à notre confrérie chrétienne et 4 notre assodation pour travailler dans l'intérêt de tous, et pour faire refleurir et étendre sur la terre la charité fraternelle. Vous accomplirez ainsi la voiooté de Dieu et ses décrets qui vous ordonnent de vous aimer les uns les autres. Mais si vous refusez, ce qu'à Dieu ne plaise, nous vous met- tons au ban téculiet^ et nous vous déclarons par cette mînve que vous y resterez jusqu'à ce que vous renonciez à vos projets, pour vous réunir de bonne grâce à notre association chrétienne.

1^ « Or voici ce que signifie le Ban séculier ( Weltlicher Bann) : Tous les membres de l'association chrétienne se sont engagés, par de- voir et par honneur, à ne plus avoir rien de commun avec ceux qui refusent de se réunir à eux pour travailler dans Tintérêt chrétien gé- néral. Ils ne pourront plus manger, boire, se baigner, pehidre, écrire, labourer, ni faucher avec eux ; ils empêdieront qu'on ne leur livre de la nourriture, de la boisson, de la viande, du blé, du sel, du bois on quoique ce soit. Ils ne leur achèteront ni ne leur vendront à l'avenir, et ils les délaisseront comme des membres morts et coupés, comme des gens qui s'opposent à l'établissement de la paix publique et à Texécution de ce qui est d'intérêt chrétien et général au lieu de chercher à y concourir. Déplus, les marchés, les foires, les bois, les pâturages et les eaux seront interdits à ceux qui auront encouru le Ban, et si l'un ou l'autre des membres de notre association n'obser-

i

134 HISTOIRE

Elle prouve que les Rustauds entendaient, à la façon de nos montagnards modernes, les grands mots de fra- ternité et de charité, qu'ils prodiguaient si emphati- quement dans leurs écrits. D ailleurs, déjà avant la publication des deux actes qu'on vient de lire, les re- belles ne se bornaient ph» à se réunir, à négocier et ft parler, ils avaient commencé à agir et à dévaster les couvents et lescMtteanx, dans la contrée comprise ëhtfe Ulili et les Sources du Danube. La fonte des vases sacrés, les trésors des églises et la location des biens comtnunaux leur avaient procuré de largent * j ils cemfytaient trouver de nouvelles ressources dans hi sécularisation des couvents et des chapitres.

yait pas cette ordonnance, il serait, par le fait exclu de la confrérie et frappé de la même sentence, et renvoyé parmi les opposants et les récalcitrants avec sa femme et ses enfants.

fp « Les ciiàteanx, les couvents et les chapitres ayant donné nais- sance à la trahison, à la yioelnce et à la ruine, nous les déclarons im- médiatement mis au ban séculier. Les nobles, les moines et les prêtres qui sortiront volontairement des chftteaax, convents et chapitres, ponr aller habiter des maisons ordinaires comme les autres gens pieux, et qui voudront entrer dans notre association, y seront accueillis avec amitié, ainsi que leurs biens et leurs possessions, et on les laissera jouir honorablement de ce qui leur est et leur appartient conformément an droit divin.

« De plus, nous invitons très-amicalement tons ceux qui donnent asile aux ennemis de notre association chrétienne, qui les soutiennetit et fournissent à leur entrelien , de s'abstenir de faire désormais de semblables choses; leur déclarant qu*en cas de récidive nous les met- trons eux-mêmes au ban séculier, sans autre forme de procès. » ' Gnodalitts, op. cit. L. I, p. 132.

Sleidan, p. 113.

(Mnittis, ch. II, p. 237.

Eittimermann, t. U, p. 169.

Leéditts, op. cit., p. 2S7.

DE LA GUERRE DES PAYSANS. 135

En face de ce danger qui devenait de pluB en plus imminent, la ligue de Souabe^ au lieudes'armer, con- tinuait à recevoir à \]\ih lèd envoyés des différents corps d'insHTgéSy et à essayer les eahner par des propositions de traités et d'arbitrage. Personne ne se- condant le zèle et Tardeur de George f ruchsess, il n'avait pu réunir qu^unè faible troupe de cinq à six cents hommes.

Alors enfin un événement auquel on ne s'était point attendu, éclaira la ligue sur les dangers de sa position et sur la nécessité de ne plus perdre ud instant. Cet événement sera raconté au chapitre suivant.

136 HISTOIRE

CHAPITRE IV.

BzpMIttoB «n dac Vlrlc de Wartembcrg.

Ce fut une aventureuse expédition du duc Ulric de Wurtemberg qui fit sortir la ligue de Souabe de sa tor- peur. Il nous faut remonter un peu plus haut et faire connaître ici les principaux détails de cet événement, si petit en lui-même, si important par ses résultats indirects.

Nous avons parlé du duc Ulrich de Wurtemberg dans notre introduction. On se rappelle que ce prince, des- tiné à devenir plus tard un des fondateurs de l'Eglise protestante en Allemagne, avait réussi, en 1514, à anéantir la dangereuse association du pauvre Conrad. Beaucoup de Wurtembergeois, exilés à cette occa- sion, avaient demandé en vain aux Suisses d intercé- der auprès du duc pour obtenir leur grâce. Ulric dé- barrassé de ses ennemis, reprit le cours de ses folies, de ses exactions et de ses prodigalités. Plusieurs de ses conseillers lui a^ranl fait quelques représentations à ce sujet, le duc de Wurtemberg, loin de tenir compte de leurs observations, devint le plus cruel et le plus impitoyable des tyrans.

II fut mis au ban de l'Empire. Les ducs de Bavière 0t la noblesse de Franconie s'armèrent contre lui. Eu- fin il mit le comble à ses iniquités en violant la paix publique et en s'emparant de la ville libre de Reut-

DE LA GUERRE DES PAYSANS. 137

lingen . Alors la ligue de Souabe le chassa de ses Etats, qui passèrent à la maison d'Autriche. Ceci eut lieu en l'année 1519.

Ulric se réfugia en Suisse» se fit, à force de belles promesses, des adhérents de ceux qu'il aTait persé- cntés autrefois, et réussit à reconquérir son duché. Mais il en fut exDulsé de nouveau par la ligue, qui le battit à Unterturekheim après une opiniâtre résis- tance.

Toutefois le prince fugitif ne renonça point i ses espérances. U chercha à se faire des amis, à lever des troupes en Suisse, et à nouer secrètement des re- lations avec les mécontents du Wurtemberg. Exilé et errant, il s'était déclaré de bonne heure partisan fa* natique des nouvelles doctrines. Maintenant l'insur- rection des Rustauds semblait lui présenter une occa* sion favorable. Il lui était égal, ainsi qu'il le disait lui-même, de rentrer dans ses Etats a?ec Tassistance de la botte ou avec celle du soulier^ c'est-à-dire par la noblesse ou par les habitants des campagnes, pourvu qu'il arrivât à ses fins, le reste lui importait peu ^

Le docteur Jean Fuchs de Fuchstein, négociateur habile et actif, secondait Ulric avec un zèle extraor- dinaire; il avait contribué à soulever la Souabe dans l'intérêt de son maître. Le duc dépêcha cet homme au roi de France dans le nord de l'Italie. Fuscbstein était porteur d'une lettre par hiquelle lA-

« Sattler, t H, N- i»24 et i5î5. - La botte était alors la chaus- *Dre exclusive des nobles.

138 HISTOnUB

rie dômandail; à François 1*' de lui avancer quinze ^ille pQuroppe9y afin qu'il pût meUre son artillerie eo état et réunir une armée pour reconquérir le Wurteni- ^epg^t ep piLpulser les Au^ipbieps. rr- fra^çoi^ fpçiA f^YQf^lepîent r^b^^sadeyr 4u ppinç^ dépo^§é4é? M pfpqijiff; 4'pQ7Qyçr prpcbaineQ^ent les seçpprs fér

lj{ric à» ^P i^ôté ne perdait paai^e tempPf il f^mt réalisé des sommes considérables en engageant §^ fePftÎRW d'çijtre-rBhin, ^p» vi% dg B^l^ e( 4q ^ ijsgrç. ï# ^n de JJpJientif iel, danp lgque| U s'était jet^J le r'^ déc^i^tl)!')^ I&24, ^|ait (leyenii la centre de sm Qpéffttiqns ; le duc y ayait rpuni HP fflîttérifil dp guerre a§fie^ppn0idérabb; fit )§,QppSi)î§s0Q, prévale rejoin- dre ^ son premier appel, s'étaient pii^ ^ sa solde.

^p piois 4p février» Ulrio^^ pressé d'agir pt témoin de i^ ferpipatation excessive qui végnaît p^rnû |w P^ypaps, pnvoya ses amis aux uns, alla visiter ep per* ^pane le^ i^^utres, et se tirouva à ope réupiqp dp rpbelleR k pf^ul^irçh^ Il |epr représenta qpe, dépouillé de ^n patria^pipe, i\ réclamait }'él^bUssemenl du droit divin (îprpipfi ils le réclamaient eux-pi^meq, et Ipprprqpjt, s'ils youlaient l'assister, de marpber avep lypx cpntrp tenn Qpprpsseurs commupsi <\e devenir un des leprs» ^'f^opter \e\^ p^ans et jeur^ pianifeste^, e^ de lepr apieqer toutes sep forpes ptson artillerip ^

Gnodalius, liv. I, p. 132. Leodius, op. et loc. cit., p. 287. Grinitus, op. et loc. cit.,ch. I, p. 237.

j

f DE LA GUERRE DfBS PAYSANS. Ut

Ses propositions fureat reçues eo général a¥ae fiJiM d6fav^^rqp'on n'eût pu s y attendre. Déjà laa hêbu- XwUi des is^mpagpdfi avaient perdu le saavaoir im wmw mé&âts dii prince; les W^rtemberge^ ra-* grattaient maintenant Ulrich, parea qu'il était iisa lia I4 Qwao» qui le9 ayait longtemps gouvaraéfi; ils étaient PQrtés pour lui^ surtout parée qu'il pretigMit la do<itriAi3 das novateurs qu'ils avaient amttmimas embrassée, et que pevséeolait le nenvean geovoiu nemoiit. Vers la mirféyner, Haaa IbiUer de Bole ganbaehy eoMlut avaa ledaa un traité aeeret, as uem des Eaga^iens et des bommss de la Vetêk» Noim. Quelques jou» plus tard, 10 à 13,000 lui* taasîas et 2 à 3,000 «avalieiB étaieot déjà rtenis au- tour d'Ulrich. AIom, sans attendre rarrîyie des diffé« roites troiq)es qui devaient grossir eoeose son armée, il ae oait en mouvement et se n^proeha de la fron* tîitee du pays sur lequd il avait régné aatrefioîs. Dk bonaes pièees d'«rtillene le suivaient; il arriva 4a M février à DattMrhaus», près Balingen, et c)Mirg(yi<iia jeune valet d'armes de porter sa déclaration dojjaesis aux merabf^es de la li^ de Souabe aéuvi^ à ilbn. Cèui-ei reçurent la lettre, donnèreiat einq flovios ai messager; -r- par manière d'accusé de réeeption ilsW

Sieidan, |iy. IV. p. 1<2. Seckendorf, op. cit. L. H, scct. 5, §3. Fappenheim. Ghron. B. I, p.iS2etMq.' Sartorius, pp. cit., p. 94 et seq.* Zimmermann, t. Il, p. 153 et seq." Stndim uad Skiz^en, p. S6S.

140 histoire;

coupèrent son habit en plusieurs endroits et le ren* voyèrent sous bonne escorte à son maître. Toutefois ce défi mit un terme à leurs hésitations. En face d'un tel danger, il fîit décidé que Ton agirait avec vigueur sans tarder davantage.

C'est ce que désirait George de Waldbourg depuis le moment Varchiduc l'avait revêtu du commande- ment suprême des forces de la ligue. Bien qu'il n'eut pu réunir encore qu un faible corps composé de 30O cavaliers et de 700 lansquenets, il se mit à la pour- suite d'Ulrich* Il défit en route un renfort de Hé- gauiens qui allaient rejoindre le duc de Wurtemberg, leur tua 60 hommes et leur enleva leur étendard.

Le 28 février, Truchsess arriva sur la hauteur du Lochenstein , qui domine Balingen, et d'où il pouvait découvrir le camp d'Ulrich sans en être vu. Il aperçut une troupe composée de 3 à 400 Suisses •t de paysans de la Forêt-Noire qui, après s'être con- certés, allèrent prendre leur quartier pour la nuit au village de Weilheim, situé exactement au pied de la montagne.

George prit ses dispositions en conséquence; le l«r mars il descendit du Lochenstein à la tombée de la nuit. Le sentier était étroit et difficile, il fallait y mar- cher un à un. Le seigneur de Waldbourg et 50 cava- liers appartenant presque tous à la première noblesse de Souabe et de Franconie, venaient de déboucher dans la plaine, lorsque les Suisses et les hommes de la Forêt-Noire établis àWeilheim les aperçurent et vou-

DE LA GUERRE DES PAYSANS. 141

lurent regagner le camp dTIrich; mais George voyant leur mouvement rangea aussitôt ses 50 hommes et attaqua Tennemi avec une telle impétuosité, que mal- gré une défense vigoureuse, il franchit le fossé der- rière lequel il s'était retranché, lui enleva ses dra- peaux^ tua 133 hommes et mit le reste eu fuite. Les amis de Truchsess en furent quittes pour quelques blessures légères et pour la perte de 15 chevaux \ ' Cependant, le bruit du combat étant parvenu jus- qu'au camp, le duc et ses alliés s'armèrent à la hâte et se mirent en marche. Truchsess, qui n'eut pu sans folie se mesurer avec une armée vingt fois plus nombreuse que la sienne, ne les attendît pas et se retira vers Ebingen. Au reste, cette escarmouche eut de fâcheuses conséquences pour Ulrich; plusieurs corps de Suisses et de paysans insurgés, découragés par ce début, quittèrent son parti dès le jour suivant. Cependant, il reçut en même temps des renforts con- sidérables, et parvint à s'emparer de la petite ville de Balingen, il laissa trois fortes pièces d^artîUerie qui pouvaient gêner sa marche. De il s^avança ra- pidement vers le cœur de ses anciens Etats; presque partout il trouva sympathie et bon accueil, en haine du gouvernement autrichien et de la religion catho- lique. On savait d'ailleurs que tandis qu'il avait fait set levées en Suisse, il s'était engagé à doter son duché du vraiei pur Evangile, à détruire les couvents et les

Zimmennanii, t. n, p. 186. Tiré des archives de Stuttgard.

142 HISTOIRE

chapitres, en un mot à adopter les dispositions de^ douze articles ; cette promesse lui attirait le concoure des habitants des campa^neS; fanatisé^ par les discours des prédicai^ts ambulants. Qeorge dp ^aMbpurg porta de son côté vers Rqttenboyrg, sur le ISeçlor^^ tandis que Rodolphe d'Ehiqgen occiipa Jul^ingue. [^ forces de la ligue de Souabe oommençaieitt en^n ^se mettfe ep mouvepient et à sp réunir à Trucb^s^f }l était in^intenant à la tê^e de 800 oaTftli^rs enyirQD pt de 6 à 7000 fantassin^ ; mais il np pouy^t g^èrp CQmpter sur ces 4^fi3ierS) tpujours di3pp9és k Ift ^é^ voUc et à l'insubordination. Eneffet| up ^te de piu([- nerie de plusieurs corps d'infanterie ne peirmit p^ à George de s'emparer de la place de Herrepberg, qui tQfp)}9 îju pouyoif d'Ulrich ; BœblipgpUi Sindelftp- ^n &t l^eonberg se rendirept égalepient 4 ce dernier. Mais l^ duc demepra à Sindelflpgen dp 6 ^u 8 a)arS| ayec toute son armée, au heu de profit de ^ ^y^pn t^es pour se rendre immédiaten^ent ipaitre de Stutt- g^ri), sa capitale. Un riche et be^u popventY ^9? dapipiept approvisionné en vin, en bière et engraips, Qe trouvait daps le fauboprg de Sipd^lfing^n ; c'é^it upe tepjation irrésistible pour les aip^taurs du ppr Eyangilp ; ils y firent bombappe pendant trois jourfi, gt durant ce temps une foule de paysans vinrent eur cpre grossir l'armée d'Ulrich.

La faute du duc exilé de Wurtemberg, n'éch^ppd point aux yeux clairvoyants de George Truchsess. Lef) cQpspillers de la ligue de Sopabe, présenta au

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quartier général^ voulaient que l'on occupât Tiibinr gae, Kircbheim, Schorpfbrff e\ GqsppiugeOy et gm roû j attendît d^ npuveau:^ renforts ; Georgp au 400- traire refusa d'éparpiller ses troupes et «mtaPHft W CQO)^ JLiOuis de 0/slfénsteiu de a^ renfermer iminédia- t/^ipen^ dai)g3tuttg9rd avec 1,600 faataasiDS, 600 ca« yaliers et ^De bpi^ne artillerie.

La Tj]]|3, qifoiqufi ^yorablemeot dispqeén pour le dpc, n'était pa^ en état de résister 4 dee fofMt aussi considérables ; le comte de Helfensteia y eatra sans rencontrer d'ppposition et alla occuper Tapparte- ment déjj^ prépap^ popr recevoir Ulrich. Ce demi^ quitta Sîndelfipgeq le jour suivant, 40 mwr%, travena les mont^pes^ et mit le siège devant Stuttgard, dont il eut pu s'epipar^er lavant-veille sans coup fârir.

Ce piège dur^t depuis quatre jours, sans grandes chances de succès» lorsque l'on apprit que Fraor cois l^% roi de France, avait été battu ^t fait prison- nier à Pavie, le 24 février. Ubrich de Wurtenaberg perdait aipsi son protecteur le plus puissant. Les cu- tonsj épouvantés» obéirent à Tinjonction de rafchîdne d'Autriche, qui exigeait le rappel immédiat des Suisses engagés dans )a cause du duc. Us parUrept 1 Ulrich fut abandonné en même temps p^ la plupart des Rus» taads» qui considérèrent dès-lors sa cause comme perdue. t<es seuls paysans des environs de Stuttgard 86 mQptraîent encore disposés à agir en sa faveur, mais il p'y avait pas moyen de songer à continuer la guerre avec une poignée de campagnards mal armé^

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et peu façonnés à la discipline. Ulrich n'avait plus d'autre parti à prendre que celui de la retraite ; dès le 1 7 mars, il repassa, seul et fugitif, la frontière du Wurtemberg.

Ainsi finit cette folle expédition. Insignifiante dans ses résultats directs, elle n'en eut pas moins de graves conséquences pour TAllemagne entière. Grâce à la levée de boucliers du duc de Wurtemberg, les mem- bres de la ligue de Souabe avaient enfin réuni leurs contingents.

Tandis que le comte de Helfenstein défendait Stutt- gard, George de Waldbourg faisait rentrer dans le de- voir et désarmait les cercles Wurtembergeois insurgés de Leonberg, Boblingen, HerrenbergetBalingen.il ve- nait d'achever cette opération, lorsqu'il apprit qu'une mutinerie avait éclaté parmi les lansquenets de la gar- nison de Stuttgard ; ils exigeaient une solde extraordi- naire, parce qu'Ulrich s'était enfui et n'avait pas pu se rendre maître de sa capitale; Helfenstein la leur refusait. George réussit, après trois jours de pourpar- lers, à calmer les rebelles. 11 réunit alors ses forces dans deux camps, à Boblingen et à Dagersheim. Mais peu de jours après les lansquenets s'insurgèrent de nou- veau ; ils avaient appris par la rumeur publique qu'il était question de les faire marcher contre les Rus- tauds, et ils déclarèrent hautement à leurs capitaines qu'ils n'attaqueraient pas leurs frères et amis les paysans, dont ils trouvaient la cause parfaitement juste. 11 fallut l'intervention du comte de Furstem-

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berg, trèfl-aimé des troupes, de George Truchsess et de pIoBieurs autres chefs, pour calmer les mécon* tenta.

Cette affaire tenniaée, George confia la garde du Wurtemberg à Rodolphe d'Ehîngen, leva ses deux camps, et prit aTec son armée la route dTlm, il voulait donner quarante-huit heures de repos à ses troupes. Mais la magistrature de la ville ne con- sentit à y admettre que 400 cavaliers et un petit corps de lansquenets. Malgré la présence de la commission de la U<;ue de Souabe, la bourgeoisie de la ville, sé- duite par les idées nouvelles, inclinait pour le parti des Rustauds et leur vendait en secret des armes et des munitions.

Après l'arrivée de Truchsess à Ulm , le conseil per- manent décida qu'il fallait entrer immédiatement en campagne contre les paysans insurgés de la Souabe. 11 fit ordonner à tous les membres de la ligue d'en- voyer le dernier tiers de leurs contingents respectifs en argent, afin que Ton pût engager des troupes étran- gères. Grâce à cet ordre, George Truchsess se trouva à la tête d'une armée, a la vérité très-inférieure aux forces des rebelles, mais avec laquelle il était décidé à les attaquer vigoureusement. Il voyait l'empire d^Âllemagne menacé d'une dissolution prochaine et complète, et son noble courage ne reculait devant au- cun péril, lorsqu'il s'agissait de sauver sa patrie.

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CHAPITRE V.

rréfrtf de rioMUTcetldii. rrenHèrM &j^rmt^tM tiéorgc Waldboorff. - BfttalUe de Lclplielai

Pendant Téxpédition de George de Waldbourg en Wurtemberg, les paysans avaient poursuivi le cours de leurs déplorables exploits, tout en négociant en- core avec la commission de la ligue de Souabe à Ulnai. Celle-ci leur offrait amnistie pour le passé, à condi- tion qu'ils déposeraient les armes et qu'ils se disper- seraient sur-le-champ. Loin d'accepter , les insurgés exigeaient impérieusement l'adoption de leurs douze articles ; ils avaient tenu à Geisbeuren une assemblée générale^ à la suite de laquelle la rébellion avait con- tinué à s'étendre. Durant le mois de mars, les hosti* lités éclatèrent dans presque tout le midi de TAlle- magne.

La tâche de Thistorien devient fort ardue, à partir de ce moment. Il est bien diOicile, presque impossi- ble, de mettre de Tunité dans le récit de cette guerre qui présente une foule d'épisodes simultanés, mais sans lien positif entre eux. Nous nous efforcerons d'en faire saisir Tensemble, en commençant par la narration des faits accomplis dans les contrées George de Waldbourg signala d'abord son courage.

La horde désignée sous le nom de fialtringer-Hauf- fen, forte maintenant de 14,000 hommes, agit la pre- mière. Elle pilla et incendia les châteaux de Laupbeim,

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Schemmerberg, Simmetiogen, Rottershausen et une foule d autres; elle dévasta plusieurs couvents et %lises, et amassa une quantité énorme de butin.

L'beureuse issue de la campagne contre Ulrich de Wurtemberg laissait alors les mains libres à George Truchsess; il se rendit d'IIlm à Erbach, et y concen- tra les troupes de la ligue de Souabe le 30 mars. Son armée s'était renforcée. Il avait à ses ordres 2,000 ca- valiers parfaitement équipés, 7,800 fantassins sur lesquels, à la vérité, il ne pouvait guère compter, et une beUe artillerie. Sans perdre un instant, il se mit à la poursuite du corps de Baltringen ; dès les jours suivants il ne s'en trouvait plus qu'à une petite dis- tance. II envoya au camp des paysans un parlemen- taire, leur promettant une amnistie pleine et entière s*ils consentaient à se disperser immédiatement ; ce- pendant il se prépara à tout hasard à leur livrer ba- taille le lendemain. Les insurgés accueillirent avec mépris les propositions de George, décampèrent sans bruit durant la nuit, et se rendirent par Munderkingen au monastère de Marchthal. Ils le pillèrent de fond en comble, profanèrent Téglise et brûlèrent les livres et les titres du couvent, le tout au nom du pur Evan-- gile ; George les suivit de près, mais les rebelles aver* tis à temps, traverseront le Danube et se réfugièrent dans les montagnes et les bois on ne pouvait son- ger à les surprendre « .

' Giîodalius. L. I, p. ^3Î. Sleidan, op. cit., p. ii5.

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Tandis que le seigneur de Waldbourg 8*e(Forçait d'atteindre cette troupe^ des faits graves s'accooiplis- saient auprès d'Ulm. Les environs de cette ville étaient entièrement dégarnis, toutes les forces disponibles de la ligue de Souabe avaient suivi Truchsess. Les re- belles y avaient donc les coudées franches; ils étaient 5,000 dans les deux camps de Langenau et de Leipheim, et 4,000 insurgés réunis dans la vallée de la Mindel pouvaient se joindre à eux d'un moment à Tautre. La petite ville de l.eipheim venait de se dé- clarer pour les Rustauds, et un troisième camp, fort de 6,000 hommes, s'était formé à Illertissen.

Ces difiTérents corps signalèrent , comme partout ailleurs, leur présence par de hideux désordres. Gui- dée par le fanatique Jacques Wehe, ancien curé de Leipheim, la troupe cantonnée auprès de cette petite ville assiégea et détruisit la plupart des châteaux cir- convoisins, pilla les presbytères après en avoir expulsé les ecclésiastiques demeurés fidèles à leurs devoirs, puis, suivie de 60 chariots chargés de butin, elle se présenta devant la ville de Weissenhorn, et la somma de se déclarer pour les paysans et de leur ouvrir ses portes. Les insurgés avaient de nombreux amis dans la place ; cependant les magistrats firent une ré- ponse évasivC; et refusèrent de recevoir les arrivants.

Grînitus, ch. II, p. 237. LéodiuSp op. cit., p. 287. Sartorius, op. cit., p. 106 et seq. Stad. und. SkiU, p. 277 et seq.

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Furieux de ce mécompte, les Rustauds résolurent de bombarder Weissenhorn, Quoique la soirée fût déjà ayancée, ils lancèrent, pendant une heure environ, des boulets qui ne firent pas grand mal ; puis la nuit les obligea à se tenir tranquilles. On pensait dans la ville que l'attaque serait reprise au point du jour. Les bourgeois catholiques firent bonne garde et ne quittè- rent pas un instant les murailles. Mais dès les pre- mières lueurs de Taurore on vit que leà assiégeants avaient disparu. Ils s'étaient portés vers le riche et beau couvent de Roggenbourg, dont les religieux, avertis à temps, eurent encore le loisir de se sauver. Les paysans entraînèrent avec eux tous les habitants des lieux qu'ils traversèrent, de telle sorte, dit un chroniqueur contemporain, que les seuls coqs chargés d'annoncer le lever du soleil par leur chant , restè- rent dans la plupart des villages. La troupe était forte de 12,000 hommes à son arrivée à Roggenbourg; elle se précipita dans les caves , les cuisines > les greniers et lesctables. Alors commença une monstrueuse o^giç qui dura plusieurs heures. Les Rustauds donnèrent à un des leurs, nommé George Ebner, le titre déri- soire d'abbé; guidés par lui et par l'infâme Wehe, prêtre apostat du Dieu trois fois saint, ils pénétrè- rent dans l'Eglise et brisèrent d'abord à coups de marteaux les orgues qui passaient pour les plus belles du pays. Puis ils s'armèrent de perches, renversèrent le tabernacle, en arrachèrent les huiles saintes et le chrême. Renouvelant enfin les insultes prodiguées au 1. 10

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Sauveur des hommes dans la nuit de sa passion, ils répandirent à terre les hosties consacrées^ lôs foulè- rent aux pieds et les couvrirent de crachats. La sa* cristie et la bibliothèque eurent aussi leur tour ; les Rustauds lacérèrent et brûlèrent les livres et les ma- nuscrits; — déchirèrent les ornements et les bannières pour s'en faire des ceintures.

Toutefois ils ne se bornèrent pas à ravager les lieux; le vol vint après le pillage. Les chefs firent un inventaire des richesses du monastère, chargèrent sur des charriots les provisions de vin et de grain , et eurent soin^ en partant dans la matinée du 2 avril, d'emporter les vases sacrés, d'emmener le bétail, les moutons et les porcs qui se trouvaient dans les éta- bles ; les volailles et les poissons même furent décla- rés de bonne prise. Cependant tout ceci se fit très à la hâte ; la troupe, en retournant dans ses </